Tribune d’Eric Delbecque – Sécurité : Un pacte à refonder avec les Français

Publié le 24 octobre 2017 à  10h16 - Dernière mise à  jour le 29 novembre 2022 à  12h30

Le discours de la semaine dernière d’Emmanuel Macron pose une question de fond. Avons-nous une stratégie de sécurité nationale ? Jusqu’à présent, non. Depuis plusieurs décennies, nous empilons simplement des dispositifs et des textes plus ou moins cohérents. Son intervention repose ensuite sur un constat : nos concitoyens ne supportent plus l’impuissance publique en matière de sécurité.

Discours d'Emmanuel Macron (Capture d'écran-elysee.fr)
Discours d’Emmanuel Macron (Capture d’écran-elysee.fr)

Par conséquent, on peut difficilement être en désaccord avec le Chef de l’État sur les perspectives qu’il dessine. D’abord sur la philosophie d’ensemble. Il serait en effet urgent que l’on en finisse avec toute complaisance concernant la radicalité politique. Extrême gauche, extrême droite, salafisme djihadiste : la brutalité n’a pas une plus ou moins grande gravité selon le discours idéologique de celui qui la promeut ou l’exerce. L’actualité nous a fournit le triste spectacle d’une voiture de police incendiée par des irresponsables et d’un adjoint de sécurité (aujourd’hui policier) résistant à mains nues et proportionnant sa riposte à des assaillants n’attachant aucun prix à la vie de leurs semblables et témoignant d’une haine de l’autorité publique qui n’a aucune justification concrète. Il n’y a pas de romantisme de la violence politique !

Il s’en déduit qu’il faut effectivement un plan contre la radicalisation, quel que soit d’ailleurs son origine doctrinale… Sans aucun doute, c’est logique, c’est d’abord l’islamisme qui en constitue le cœur de cible puisque les attentats s’enracinent dans le fondamentalisme communautariste qui est la marque de l’islam politique.

Il en découle ensuite qu’il faut rénover notre pratique du renseignement. A cet égard, la PSQ (la police de sécurité du quotidien) peut être le fer de lance -auquel ont doit ajouter les Brigades territoriales de contact, les BTC, de la Gendarmerie nationale- d’une révolution intellectuelle dans le recueil et le traitement de l’information. L’occasion nous est offerte d’appliquer une forme de principe de subsidiarité dans cet univers : en développant le renseignement de terrain par la multiplication déterminante des capteurs issus de la PSQ et des BTC, une plus forte connaissance des risques potentiels en dériverait. De la radicalisation à la délinquance quotidienne, il y a là une voie de progrès qu’il faut absolument développer.

Bien sûr, la concertation avec la police est indispensable pour en garantir l’efficacité. Les mauvais souvenirs et les polémiques engendrés par la police de proximité exigent de construire l’adhésion de ceux qui en seront les acteurs.

Cela nous amène à une considération plus générale sur le rapport de la chaîne décisionnelle, politique et administrative, avec les spécialistes de terrain de la sécurité, et avec l’ensemble de la chaîne pénale. Il est urgent d’écouter ceux qui fabriquent la protection au quotidien de nos concitoyens…

Les policiers, les gendarmes et les magistrats détiennent une mine d’informations, d’idées, de pratiques et d’expériences -pouvant inspirer les politiques publiques- qui se révèle insuffisamment exploitée.

Toute cela va au-delà de la question des moyens légitimement mise en avant par l’ensemble des responsables et vecteurs de la sécurité dans notre pays. Indiscutablement, les forces de l’ordre doivent recevoir les moyens nécessaires pour demeurer efficaces. Mais toute la question n’est pas là : le regard que la société porte sur les forces de l’ordre, la qualité de la réponse judiciaire apportée à la criminalité, la continuité et la cohérence des choix budgétaires et stratégiques en matière de sécurité nationale, la capacité des dirigeants de l’Hexagone à soutenir les mesures nécessaires à la garantie de la tranquillité publique, s’affirment le cœur de tout engagement sincère dirigé contre la réduction de l’insécurité perçue par les Français.

Emmanuel Macron va dans la bonne direction, il serait malhonnête de vouloir ergoter sur le cap qu’il fixe. Une question reste cependant entière : l’appareil administratif, l’écosystème politicien et médiatique, et le chaos intrinsèque des événements ne l’écarteront-ils pas de cet horizon ? En vérité, personne ne peut le dire. Souhaitons pour nous tous, pour l’avenir de ce pays et la cohésion sociale, qu’il puisse aller au bout de ses intentions et refonder le pacte de sécurité républicain.

Eric DELBECQUE auteur du : Bluff sécuritaire Éditions du Cerf

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