Tribune de Benoît Payan : « Le réseau de transport de Marseille, 2e ville de la 5e puissance mondiale, manque toujours singulièrement d’ambition »

Publié le 2 octobre 2019 à  11h35 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  12h47

Je suis tout à fait heureux pour les quelques centaines d’habitants de la traverse de la Gaye (9e) qui auront bientôt le tramway au pied de chez eux. Mais, est-on vraiment à la hauteur des enjeux ? Force est de constater que tel n’est pas le cas, nous sommes confrontés à une situation d’autant plus inquiétante que la question des transports à Marseille impacte celles de l’emploi, de la pollution, de l’urbanisme, de l’attractivité…

(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
A Marseille, notre réseau de transports en commun n’est vraiment pas à la hauteur de la deuxième ville de France. En matière de tramway des villes comme Bordeaux, Lyon, Grenoble ou Strasbourg, leurs métropoles, ont en l’espace de 20 ans, pensé, financé et développé un réseau de tramway pour requalifier leurs villes, et développer des transports en commun qui structurent leurs territoires. En moins de 20 ans, Grenoble a fait sortir 42 kilomètres de tramway. En 15 ans, Montpellier a réussi à créer plus de 60 kilomètres de tramway, Lyon et Bordeaux près de 70 kilomètres. Et puis il y a Marseille qui, en 25 ans, n’a sorti de terre que 12 kilomètres de tramway. Résultat, Marseille a complètement décroché et, plutôt que de se comparer à Bordeaux, Lyon ou Montpellier, on se retrouve avec un réseau comparable à celui de Tours, Angers ou Besançon, pour près d’un million d’habitant. Et justement, en nombre de kilomètres de réseau par habitant, Marseille est tout simplement dernière. Que s’est-il passé depuis 1995, depuis 2001, depuis 2008, depuis 2014, pour développer un vrai réseau de transport en commun ? Il s’est passé que la municipalité gérée par Jean-Claude Gaudin a privilégié les infrastructures routières et dilapidé les maigres ressources financières dans un clientélisme métropolitain qui a empêché toute vision d’avenir et grévé nos marges de manœuvre. Alors, après une décennie d’immobilisme, la majorité relance le projet du tramway. Et quel projet ? Pas de nouvelle ligne, non, elle acte le prolongement de l’existant. Un prolongement à 600 millions d’euros, qui, en plus d’être profondément injuste est surtout complètement fou. Car, une fois encore, elle réussit l’exploit de créer un tramway qui suit les lignes de Métro. Désormais, de la Place Castellane on pourra prendre le tramway pour rejoindre Sainte-Marguerite Dromel, situé à trois stations de métro plus loin. Dans une ville où les problèmes de transport sont si criants, si urgents, dans la ville où tous les chefs d’entreprise avancent que le transport est le premier frein à l’emploi, la majorité jette 600 millions d’euros pour doubler une ligne de métro. Et ensuite, passé Dromel, le tramway continuera, direction Mazargues, évidemment, sur quelques centaines de mètres pour rejoindre La Gaye. La traverse de la Gaye qui est à un quart d’heure à pied du métro aura bientôt son arrêt de tramway. Et on s’étonne que les grands aménageurs de l’État rechignent à aider Marseille quand vous arrivez avec des projets pareils ? Est-ce ainsi que la Mairie et la Métropole entendent vraiment préparer enfin l’entrée de Marseille dans le XXIe siècle? Pire, à l’incongruité et l’absurdité du chevauchement du tramway sur le métro, est ajouté l’injustice des décisions, pour ces Marseillais du Nord ou de l’Est qui sont considérés comme des Marseillais de seconde zone. Parce que pour 1,8 km vers le Nord, seront construits 4,4 km vers le Sud. Pour 3 stations supplémentaires vers le Nord, 9 stations sont promises vers le Sud. On le sait, Marseille est aujourd’hui la ville la plus embouteillée de France et nous respirons l’air le plus pollué du pays. Et pour cause, en plus de la pollution des bateaux de croisière, trois autoroutes viennent se jeter dans Marseille. A l’est, l’A50 déverse chaque jour plus de 120 000 véhicules dans le centre-ville. Au nord, l’A7 et l’A55 c’est plus de 200 000. Plus de 300 000 véhicules par jour, qui viennent saturer Marseille, son air, ses routes et ses trottoirs. Quand un nombre de plus en plus grand de métropoles comprennent que la qualité environnementale et un atout en matière de développement économique on a l’impression que Marseille découvre « les Trente Glorieuses » et le tout voiture. Longtemps, cette majorité a pensé Marseille en opposant le Nord et le Sud. En privilégiant l’un et en délaissant l’autre. Longtemps, certains ont pensé l’inverse, ou alors la répartition arithmétique, disant que pour 1 euro dans le Nord, il fallait mettre 1 euro dans le Sud. Mais en réalité, c’est une vision archaïque de la Ville. Nul besoin d’avoir vu la fin de Game Of Thrones pour savoir qu’en réalité, le Nord et le Sud sont irrémédiablement liés. Il faut considérer Marseille comme un tout, et l’appréhender dans sa globalité. Ne plus additionner les intérêts des uns contre ceux des autres mais, regarder ce qui fait l’intérêt général dans cette ville. Et, dans ce cadre, l’intérêt général, ce n’est pas d’envoyer des tramways dans des impasses ou contre des collines pour un hypothétique gain électoral. L’intérêt général est que l’on habite à Mazargues, Saint-Tronc, Noailles ou encore à la Busserine, il doit être le même : avoir une ville moins embouteillée, moins polluée, où l’on circule mieux, et où on lutte contre le chômage, où on créait de l’emploi et de l’attractivité économique. Nous sommes en 2019. Nous sommes la 2e ville de la 5e puissance mondiale et notre réseau de transport manque toujours singulièrement d’ambition. Les Marseillais méritent mieux.

Benoît Payan est le président du groupe socialiste à la mairie de Marseille

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