Tribune de Bernard Valero. Guerre en Ukraine : un engagement inédit des collectivités territoriales sur le front de la solidarité

Publié le 28 mars 2022 à  11h27 - Dernière mise à  jour le 23 décembre 2022 à  16h12

Lorsque le premier char russe a franchi la frontière ukrainienne le 24 février dernier, ses chenilles mettaient en pièces le droit international et faisaient voler en éclats l’intégrité territoriale d’un État indépendant et souverain.

Bernard Valero © Destimed/RP
Bernard Valero © Destimed/RP

Cette dramatique décision du Président Poutine renvoyait brutalement l’Europe aux heures les plus sombres de son histoire et signait le retour du tragique tandis qu’elle soulevait, comme jamais, une déferlante de condamnations de l’agresseur et de solidarité avec les Ukrainiens. Dans ce contexte, où la sidération le disputait à l’indignation, les villes et territoires se sont érigés, partout en Europe, en acteurs de la solidarité avec l’Ukraine, à un niveau et avec une intensité qui n’avaient jamais revêtu jusqu’alors un tel relief.

1) Ici au Sud, et face à cette ignominie de Moscou, le président de la région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur n’a guère tardé à retrouver les réflexes qu’il avait forgés lorsque, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, il avait pris toute sa part en 2003 aux côtés de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin, a l’opposition de la France au conflit en Irak.

. Dès le 4 mars, et alors que le 9e Sommet des villes et régions d’Europe lançait « l’Appel du Sud », Renaud Muselier accueillait a l’Hôtel de Région la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, devant laquelle il rendait un vibrant hommage au peuple ukrainien, «ce peuple qui paie sa liberté au prix du sang», dénonçait «un acte de barbarie absolue, une agression unilatérale et inexcusable», et condamnait Vladimir Poutine, «coupable des tourments, des douleurs et de l’exode du peuple ukrainien».

. Une semaine plus tard, le 10 mars, c’est lors d’une session exceptionnelle consacrée a l’Ukraine de la Commission permanente du Conseil régional que le Président de la Région Sud portait le plan de «solidarité bleue et jaune pour l’Ukraine», en soulignant l’urgence et l’intensité dramatique du moment : «Là où les Lumières sont nées après des siècles de guerres fratricides, là où les carnages des deux guerres mondiales ont conduit a l’holocauste, c’était impensable et, pourtant, c’est arrivé», avant de rappeler: «Notre Région, terre de liberté, de résistance et d’insolence, se tient debout avec fidélité».

2) Des paroles aux actes, le pas fut vite franchi, la Région adoptant un plan de «solidarité bleue-jaune pour l’Ukraine» lui permettant d’investir tous les compartiments de la solidarité, avec un budget exceptionnel de 4 millions d’euros : . Soutien a l’action humanitaire auprès des Ukrainiens.
. Accueil des réfugiés.
. Accompagnement des étudiants russes, biélorusses et ukrainiens présents sur le territoire régional.
. Appui aux entreprises régionales affectées par les conséquences des sanctions contre la Russie.
. Aide a la culture ukrainienne.

Après avoir réuni dans l’urgence des moyens budgétaires exceptionnels, la Région :
. Mobilise tous ses outils (lycées, réseau de transport ZOU, fonds de solidarité régional, Rising Sud, Parcours sud export, task force speciale Ukraine, etc…).
. Articule étroitement ses initiatives avec le Centre de crise du Quai d’Orsay ainsi qu’avec le Ministère de l’Intérieur et les services de l’État en région, mais aussi avec la Fédération nationale de protection civile et les sapeurs pompiers de France.
. Renforce sa coopération avec la Commission européenne, en particulier avec la Commissaire Elisa Ferreira, chargée de la politique de cohésion, au travers des programmes ad hoc du Feder/FSE ou de React/UE.
. Coordonne la mise en œuvre du plan « solidarité bleue-jaune pour l’Ukraine » avec les initiatives des ONG ( Acted notamment) et de la société civile. L’initiative conjointe accordée entre le Ministère de l’Intérieur, la Région, d’autres partenaires, et l’armateur corse Corsica Linea pour que le plus gros ferry de cette compagnie, le « Méditerranée », et cet élan collectif de solidarité sur le terrain.

3) Nombre de collectivités du territoire se sont engagés dans cet élan de solidarité: Communes, métropoles, départements, à l’unisson avec les citoyens et les acteurs de la société civile, se sont mobilisés dans un profond mouvement de solidarité.

. Jumelée avec Odessa, dont il y a lieu de craindre qu’elle ne devienne la prochaine ville ukrainienne martyre, la ville de Marseille, avec le fameux bataillons de marins-pompiers, ont acheminé en Ukraine ou dans les pays limitrophes, des camions de dons apportés par les Marseillais ainsi que des ambulances.
. A Nice, c’est autour de l’accueil des réfugies que l’aide s’est organisée. Pouvoirs publics, associations caritatives, simples particuliers, c’est toute une chaîne de solidarité qui s’organise pour faire face au flux de réfugies ukrainiens qui arrivent nombreux dans les Alpes-maritimes et le Var : hébergement, scolarisation des enfants, cours de langue, collectes de produits de première nécessite, aide médicale, les Azuréens et les Varois, en première ligne, répondent présents.
. D’Avignon à Sisteron, de Menton aux Pennes Mirabeau, c’est sur l’ensemble de la géographie regionale que la tradition d’accueil, si caractéristique de cette région de France, écrit une nouvelle page de son histoire.

4) Alors que le maître du Kremlin misait sur une guerre des trois jours, cela fait maintenant plus d’un mois que son armée piétine et subit l’attrition que lui inflige la résistance des Ukrainiens. Le cortège des horreurs et des crimes de guerre s’allonge au fur et a mesure que ce conflit revêt le visage hideux et moyenâgeux d’une guerre de sièges des villes ukrainiennes auxquelles les soldats russes appliquent les leçons qu’ils ont apprises à Grozny ou à Alep. Conséquence dramatique, le flux des femmes et enfants fuyant leur pays dévasté (plus de 3 millions a ce jour) n’est hélas pas prêt de se tarir.

. De ce conflit, le premier en Europe depuis la seconde guerre mondiale du siècle passé, on assiste à une mobilisation humanitaire sans précédent. Comme partout en France et en Europe, la Région Sud, ses territoires, ses collectivités, sa société civile, ses citoyens ont donné, par la réactivité et la vigueur de leurs réponses, du sens a ce que la solidarité signifie. C’est tout à leur honneur.
. L’enjeu aujourd’hui est la gestion du temps long. Passée l’émotion qui a suivi la sidération des premiers missiles tirés le 24 février, la solidarité doit en effet aujourd’hui s’installer dans la durée. Les temps de la guerre et de la diplomatie sont des temps longs. Dès lors, veillons à ne pas laisser s’installer l’accoutumance aux images des chaînes d’information en continu, qui peut ensuite devenir indifférence avant de laisser place a l’oubli. Ce serait là un danger pour les Ukrainiens tout aussi mortel que les missiles russes. C’est une solidarité résiliente qu’il faudra désormais apprendre à inventer et à forger en inscrivant l’urgence dans le temps long.

[(Bernard Valero: ancien consul général à Barcelone, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Skopje, ambassadeur de France en Belgique, directeur général de l’Avitem (Agence des villes et territoires durables méditerranéens) et porte-parole du Quai d’Orsay)]

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