Tribune de Bruno Benjamin : Racisme et antisémitisme vont de pair

Publié le 13 décembre 2018 à  7h14 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  12h47

Il y a quelques jours, Édouard Philippe, Premier ministre déplorait l’explosion des actes antisémites + 69%. Il propose l’ouverture en 2019 d’un chantier législatif pour obtenir le retrait rapide des contenus haineux sur internet et les réseaux sociaux.

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Je dis qu’ il est urgent de ne plus attendre. Nous sommes capables de sanctionner un adolescent qui télécharge une série illégalement, nous devons être capables, à l’heure de l’intelligence artificielle de repérer, de bloquer un message haineux et de le sanctionner. Le constat est que les sanctions ne suivent pas le rythme imposé par les diffuseurs de la haine.
– Il faut créer un Hadopi de tous les racismes et le réaliser sans doute au niveau européen.
– La législation française en matière de lutte contre l’antisémitisme et les racismes n’est pas celle des autres pays européens.
– Les racismes sur les réseaux sociaux c’est comme le nuage de Tchernobyl, voudrait-on nous faire croire qu’il ne franchit pas les frontières ?
– Proposer donc l’alignement de l’Europe sur un socle minimal afin que cet Hadopi, pour lequel je milite, devienne européen.

Cette brève évocation atteste le caractère récurrent de l’antisémitisme. C’est une constante sociale dont le problème, si je puis dire, a été de trouver un langage qui le rende audible à chaque fois. Au temps des Papes d’Avignon, ce problème était religieux. A l’époque du capitaine Dreyfus, c’était le vieux fond rance de l’anticapitalisme. A l’époque d’Hitler, c’était le racisme horrifique. Aujourd’hui, il y a un langage de remplacement qui fait que l‘antisémitisme est outrageusement, scandaleusement porté par l’antisionisme et la haine d’Israël.

Le présent n’est pas le miroir du passé mais il en reflète parfois les constantes. Car tout est lié dans la Judéophobie. Alors, pas de faux-semblant, il faut nommer les choses par leur nom. Les insultes dans la rue, les slogans «Mort aux Juifs», les perfidies ponctuées parfois de coups violents, ravivent en permanence les angoisses d’une population légitimement inquiète de l’augmentation du nombre des actes antisémites répertoriés en France. L’année dernière, on en a recensé 311, chiffre en-dessous de la réalité, puisque ne tenant pas compte des plaintes non déposées.

Depuis les attentats de Toulouse et de Montauban en mars 2012, la liste noire des exactions ne cesse de s’allonger. Paradoxalement, ces crimes abominables ayant soulevé des vagues d’indignation, partout unanimement condamnés, n’ont pas donné un coup de frein. Dans un tel contexte, la profonde inquiétude des Juifs est fondée.
Comment ne le serait-elle pas ? Depuis 2003, douze Juifs ont été assassinés, parmi lesquels Sarah Halimi rouée de coups puis défenestrée en avril 2017, et Mireille Knoll, miraculeusement échappée de la rafle du Vel’d’Hiv, vieille dame paisible de 85 ans, lardée de coups de couteau, et retrouvée carbonisée le 23 mars dernier, dans son appartement parisien. Tous tués parce que juifs.

Je l’ai dit au ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb en Juillet dernier à Marseille, lors du dîner du Crif Marseille-Provence : «Il n’y a pas de lutte contre l’antisémitisme, il n’y a que des preuves de lutte». Alors pas d’angélisme, il s’agit d’affronter de véritables forces de destruction. Le juif est dans son rôle quand il dénonce les pourvoyeurs de haine, ceux qui bafouent la loi et fragilisent nos institutions. Je le proclame ici, dans cette ville fidèle aux idéaux de la République : de la réactivité de l’ensemble des Français, dépend l’avenir de notre communauté. Le racisme et l’antisémitisme sont des invariables. Leur nature est différente, mais ils forment cette double haine structurante. Ne nous y trompons pas : la haine continue de s’abreuver du même poison : les préjugés, un conspirationnisme délirant, la recherche de boucs émissaires. Or, à chaque fois, la violence antisémite franchit des seuils.

La machine à fracturer, à fissurer, à atomiser a changé. Aujourd’hui, les vecteurs de l’antisémitisme contemporain sont multiples, d’une part le djihadisme qui fait un parallèle entre les Juifs et la haine de l’Occident, d’autre part l’antisionisme de l’ultra gauche fondé sur le refus de la légitimité historique d’Israël. Et enfin le plus récurrent l’antisémitisme de Drumont, Maurras. Et de nos jours Dieudonné, Soral et leurs complices. Toute agression contre un Juif est une attaque contre la République. Intégrés à celle-ci, imprégnés de ses valeurs universelles, nous y sommes profondément attachés. Cela m’autorise à demander aux autorités, car l’urgence s’impose, un retour de la République partout, sur l’ensemble du territoire, à commencer par les zones ghettoïsées où la mixité sociale a quasiment disparu. D’autant que les soldats de l’islamisme radical vont continuer de raffiner dans l’inattendu, l’imprévisible.

C’est une forme de guerre de l’ombre, silencieuse, qui nous est déclarée. Il faut y faire face en mobilisant toutes les énergies. L’accoutumance progressive à la diffamation des Juifs se retrouve chez les islamo-gauchistes. Leur cible, c’est l’État d’Israël en butte à de multiples critiques et tentatives de déstabilisation. Leur antisionisme est un avatar du palestino-progressisme des années 70 qui consiste, par principe, à présenter les Palestiniens comme un peuple brimé, maltraité, volontairement maintenu dans le sous-développement. C’est toute une école de pensée articulée autour de cette idée : Israël, je te reconnais le droit à l’existence mais dénie toute légitimité à ce qui te fonde ! Mais ces esprits tordus, promoteurs du boycott économique, politique et culturel, ne trompent que ceux qui veulent bien l’être. Leur combat en faveur des Palestiniens est un leurre. Il ne s’agit en fait que d’un antisionisme avéré. Et chacun peut le comprendre. On ne séduit pas la jeunesse issue de l’immigration en tenant un discours systématiquement péjoratif à l’endroit d’Israël et de ces citoyens. Il arrive un moment où les masquent tombent !

Tout se joue à la racine ; le fait d’amener des jeunes visiter des camps de concentrations, les marque, même si 10 000 jeunes conduits sur ses lieux témoins de la Shoah est une goutte d’eau. Les témoignages des survivants ou des enfants cachés sont précieux, ils sensibilisent mais sont de moins en moins nombreux. Toutes ces initiatives sont louables mais aussi insuffisantes. Nos racines républicaines.. Depuis 1905 repose sur la laïcité. Expliquer ce qu’est la laïcité, ce mot ne se traduit pas dans les langues Anglo-saxonnes, enseigner la laïcité est une nécessité impérieuse.
Je propose que dès le collège cette laïcité soit enseignée et apprise, débattue, pour que cela soit un mode de vie commun.

Des solutions existent, susceptibles d’éradiquer cette gangrène qui ronge la société française. D’abord, et nous y sommes favorables, un dispositif de pré-plaintes en ligne a été mis en place, la semaine dernière, pour les infractions à caractère discriminatoire. D’autre part, nous accueillons favorablement la création à Marseille d’un réseau d’enquêteurs et de magistrats spécifiquement formés à la lutte contre la haine et toutes les formes d’antisémitisme. En septembre, cette formation a débuté au Camp des Milles, lieu des plus symboliques. Une façon d’être des témoins actifs et pas seulement de mémoire. En espérant que toutes ces mesures, ajoutées à celles qui constituent l’arsenal judiciaire existant, vont enfin dissiper notre inquiétude et contenir les vannes qui menacent de céder. Il en va de notre destin commun pour que vive la République et ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Bruno Benjamin est le président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (Crif) Marseille-Provence

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