Publié le 21 janvier 2023 à 19h35 - Dernière mise à jour le 23 janvier 2023 à 9h22
L’hiver est brûlant. Le mois de janvier, sans pluie et sans neige, semble fondre sous un soleil dangereux. La révolte tonne ! Nous militants écologistes européens et réformistes, avons décidé de nous adresser au président de la République, Emmanuel Macron dans une lettre ouverte.
Une «petite phrase» agite actuellement toutes les consciences. Décortiquée, son murmure s’étire et se répand de média en débat public. A vrai dire elle constitue une véritable onde de choc pour les écologistes. Vous avez, Monsieur le président, sidéré le monde en affirmant, lors des vœux du 31 décembre, que la crise climatique était imprévisible.
Nous souhaitons rappeler combien l’exercice du discours de fin d’année demeure important. Bien plus, il oblige. Majestueux, solennels ou combatifs certains ont marqué l’Histoire. Nous pensons à ces «forces de l’esprit» invoquées par François Mitterrand ou encore à cette invitation, formulée par Jacques Chirac, à ne jamais céder à l’extrémisme. Les mots sont forts. Ils possèdent un sens et une vertu. Ils ne peuvent résonner comme un aveu de faiblesse.
Nous pourrions, comme d’autres, insister sur l’aspect strictement scientifique de cette erreur. Les climatologues alertent sur le réchauffement de la planète depuis plus 50 ans. Le premier rapport du GIEC date de 1990. Experts, militants, citoyens et ensemble de la jeunesse, agissent sans relâche pour préserver l’environnement. Nous pensons que votre expression, révèle, en réalité, une série de symptômes.
Le premier est l’absence d’un pôle écologiste au sein de la majorité. Nous avons certes soutenu l’action de vos différents ministres. De Nicolas Hulot à Christophe Béchu en passant par François de Rugy et Barbara Pompili, les compétences et les talents ont toujours été au rendez-vous. Dans le même ordre d’idée, nous étions présents, lorsque au cœur de notre ville, à Marseille, vous aviez, Président-candidat, promis de faire entrer le XXIe siècle dans l’ère de la responsabilité verte.
Malgré tout, aucun courant écologiste structuré n’existe à vos côtés. Dès votre élection, en 2017, nos propositions étaient pourtant claires. La refondation n’irait jusqu’au bout qu’à une seule et unique condition : la reconnaissance d’un pôle écologiste, pragmatique, européen et réaliste. Les personnalités, aussi talentueuses soient elle, n’ont pas les moyens d’affronter les défis de notre temps. L’écologie est une problématique centrale. Elle s’impose comme un paradigme et une vision du monde. Elle implique par conséquent une action politique vaste et cohérente. Là, gît, d’ailleurs le second symptôme.
Votre «petite phrase» est, en effet, significative des limites de ce que vous nommez «le grand dépassement». Prenant acte de la fin des partis traditionnels, vous avez engagé un mouvement que nous soutenons toujours : celui d’une recomposition trans-partisane. L’écologie s’y prête à merveille. L’acidification des océans, le drame des particules fines, l’appauvrissement des sols, la pollution plastique ou encore la nécessaire transition énergétique, ne sont ni de droite ni de gauche. Ces enjeux appellent un bouleversement civilisationnel. Ils conditionnent une façon différente d’habiter et de penser la Nature. Consommer autrement, faire société autrement, réhabiliter le temps long et l’action collective sont des nécessités impérieuses. En ce sens, les vieux partis traditionnels, ceux issus des fractures dépassées du XXe siècle, ont explosé. Leurs obsolescences est une bonne chose, mais la « forme-parti », elle, ne peut être balayée d’un revers de la main.
Le parti, le pôle ou le mouvement restent des outils indispensables à la prise de décision. Ils sont ces «intellectuels collectifs», plongeant profondément leurs racines dans la réalité. Espaces de synthèse, de libre parole, de débat et d’action, ils travaillent à maintenir un lien vivant entre la société civile et la sphère politique. Nous avons besoin de partis écologistes renouvelés, décentralisés et débarrassés des affres du bureaucratisme. Sans cela, « Le grand dépassement » atteindra sa limite : celle d’une déconnexion entre des techniciens hors sol et la société civile.
En miroir, nous désirons tenir une ligne de crête assez ferme. Nous ne soutiendrons jamais les dégradations irresponsables de façades ministérielles. Les écolos auto-proclamés lançant des attaques de peintures orange contre les bâtiments publics ne font que dévaloriser leur cause. Notre honneur, au contraire, réside dans une exigence plus haute : celle du dialogue. Dialogue avec les acteurs de la société civile mais aussi avec les décideurs et les citoyens. L’écologie, par essence, est aussi ouverte que démocratique.
Monsieur le Président de la République,
Au moment où la crise climatique atteint son point de non retour vous avez besoin d’un axe écologiste structuré et puissant.
Au moment où les extrêmes menacent de plonger la Patrie dans le chaos et la division, vous avez besoin d’un centre écologiste authentiquement réformiste.
Au moment où le bouillonnement social fait converger dans une sorte de vieux fond proudhonien le souci de la fin du mois avec celui de la fin du monde, vous avez besoin d’un pôle écologiste capable d’agir au contact de la réalité. Il aurait alors pu proposer un «autre type» de gouvernance. L’écologie, vous le savez, est une philosophie politique particulière. Ses idées sont irriguées par le principe libéral de Prudence. Elle valorise la «délibération partagée» et promeut la discussion rationnelle. Elle refuse de violenter le corps social, «mesure» l’état des mœurs et des opinions et engage des réformes à l’unisson de l’effort collectif. Elle n’oublie pas enfin que la Nation ne se peut être réduite à des catégories sociales garantissant le socle électoral de telle ou telle formation. Le contexte est explosif. Un million et demi de travailleurs viennent de battre pacifiquement le pavé. Il y a, en définitive, un «plébiscite de tous les jours» à remporter.
Monsieur le Président, une espérance, néanmoins, nous anime. Début février votre venue programmée à Marseille, doit être l’occasion pour vous, jadis maître des horloges, de remettre les pendules à l’heure. Nous attendons, au-delà des discours, un arsenal de mesures chocs. L’histoire s’accélère. L’action seule est nécessaire.
L’hiver paraît donc bien brûlant. Et le soleil possède des couleurs brunes. Notre devoir est simple : construire un avenir plus vert, plus libre et plus respirable.
[(Christophe Madrolle, Président de l’Union des Centristes et des Écologistes (UCE) – Conseiller régional – Cécile Muschotti présidente déléguée UCE – ancienne député du Var – Raphaël Rubio, secrétaire général de l’association (Egali-terre)]