Tribune de Christophe Madrolle et RaphaĂ«l Rubio : ‘La Mer, nouvel espace politique’.

Publié le 26 juin 2022 à  12h26 - DerniÚre mise à  jour le 8 décembre 2022 à  16h10

«La Mer est si fragile, j’ai peur soudain de la froisser», Ă©crivait un poĂšte. La prise de conscience du caractĂšre fini, et altĂ©rable, de la nature constitue peut-ĂȘtre, dĂ©jĂ , l’une des avancĂ©es majeures de notre siĂšcle. Trop longtemps, notre action envers l’environnement a pris l’aspect de problĂ©matiques techniques.

Christophe Madrolle et Raphaël Rubio © DRX
Christophe Madrolle et Raphaël Rubio © DRX

L’attrait pour la Mer a, par exemple, Ă©tĂ© stimulĂ© par la nĂ©cessitĂ© de trouver d’autres matiĂšres premiĂšres ainsi que des sources d’Ă©nergies alternatives. Tandis que les ressources terrestres s’épuisent, la Mer, et ses perspectives de croissance bleue, attirent. Les chiffres, d’ailleurs, sont significatifs. 90% des hydrocarbures et 84% des mĂ©taux rares gisent au fond des ocĂ©ans. Seulement 10% des espĂšces vĂ©gĂ©tales et animales vivant en mer sont connues des scientifiques. Les surfaces de la Lune et de la planĂšte Mars sont probablement, selon la formule consacrĂ©e, mieux cartographiĂ©es que nos propres fonds marins. La Mer, finalement, reste la racine et l’avenir de l’HumanitĂ©.

Le Salon EromĂ©diterranĂ©en de la croissance bleue (Euromaritime 2022) qui s’ouvre ce mardi 28 juin Ă  Marseille devra ainsi rĂ©pondre Ă  de nombreux dĂ©fis. L’enjeu est de taille. Autour de 260 exposants, 30 confĂ©rences, 17 startups et quelque 950 rendez-vous BtoB ce sont des thĂšmes tels que la multimodalitĂ© des ports, la logistique, la sĂ»retĂ©, le soutien aux activitĂ©s en Mer ou encore les bioressources, l’hydrographie et l’urgence de la dĂ©pollution, qui seront pris Ă  bras-le-corps.

Si la richesse des débats et la qualité des intervenants feront partie des forces du salon, son pari, lui, est bien plus vaste : ériger la Mer, et particuliÚrement la Méditerranée, en nouvel espace politique.

La gestion purement technique des ressources environnementales et maritimes, nous l’avons soulignĂ©e, est trĂšs largement insuffisante. Pire, elle s’avĂšre ĂȘtre conflictuelle, voire belligĂšne. Le dĂ©coupage des zones maritime exclusives est, par exemple, depuis longtemps remis en cause, notamment en MĂ©diterranĂ©e orientale. Par ailleurs, les questions de dĂ©carbonation, de contraintes environnementales sur les chantiers, d’Ă©lectrification Ă  quai, d’hydrogĂšne pour les professionnels maritimes, de transport et de tourisme, ne peuvent ĂȘtre rĂ©solues sans perspective politique.

Entendons nous bien, nous Ă©voquons ici une revitalisation de la notion de politique. Ces 35 derniĂšres annĂ©es ont, en effet, Ă©taient marquĂ©es par une gestion particuliĂšre des enjeux maritimes et Ă©cologiques. Son nom, la gouvernance, est inspirĂ©e du modĂšle anglo-saxon. Nous savons Ă  prĂ©sent que son principe est axĂ© sur une illusion: celle d’Ă©vacuer la dĂ©cision politique au profit de la pure connaissance, de l’expertise et de la technique.

Les récentes problématiques tant climatique que géostratégique ont, cependant, rendu caduque la simple gouvernance. Le temps est venu alors de réhabiliter la Politique.

Rappelons combien l’invention de la politique est tributaire de la Mer. L’AthĂšnes antique, puissance thalassocratique, doit sa vision du monde Ă  son ouverture et son commerce maritime. D’emblĂ©e, la mer implique la pluralitĂ© des rencontres, le dĂ©bat, la prise de dĂ©cision collective, la gestion partagĂ©e des ressources.

Comment, de nos jours, envisager par exemple la question du tourisme, du transport de passagers et des croisiĂšres sans Ă©laboration commune et rationnelle d’un plan?
Dans le mĂȘme ordre d’idĂ©e, comment, sans planification penser les difficultĂ©s logistiques, la question des flux ou mĂȘme celle du risque cyber?

La Mer appelle donc une nouvelle façon de concevoir la politique : si la planification est nĂ©cessaire elle ne peut ĂȘtre opĂ©rationnelle sans associer la plus large gamme d’acteurs : Entreprises, professionnels, investisseurs, collectivitĂ©s territoriales, citoyens, associations, Ă©tats et rĂ©gions, tous doivent retrouver la voie du dĂ©bat politique et dĂ©mocratique.

À ce titre, le parlement de la Mer, capable de s’imposer comme force de proposition et d’innovations est une idĂ©e intĂ©ressante portĂ©e par la rĂ©gion Sud. Enfin, puisqu’il n’existe pas de politique sans Ă©ducation, la crĂ©ation d’un LycĂ©e et d’un Campus de la Mer, ici Ă  Marseille, donnerait Ă  notre ville un rayonnement international non nĂ©gligeable.

«C’est ensemble et collectivement que nous relĂšverons les enjeux et dĂ©fis de demain qu’ils soient environnementaux, sociaux ou Ă©conomiques», dĂ©clarait FrĂ©dĂ©ric Moncany de Saint-Aignan.

Cette ambition collective, nous le croyons, sera intimement politique.

[(
Christophe Madrolle est conseiller rĂ©gional Provence-Alpes-CĂŽte d’Azur . PrĂ©sident de l’Union des Centristes et des Écologistes (UCE).
RaphaĂ«l Rubio est secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’association Égali-terre. Professeur en BTS Gestion et maĂźtrise de l’eau.)]

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