Tribune de Fabrice Alimi: « l’air de la ville rend libre »

Publié le 26 juin 2019 à  9h49 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  12h47

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«L’air de la ville rend libre». Cela peut paraître curieux de reprendre ce proverbe allemand du XVe siècle à l’heure des embouteillages, de la pollution, de la crise des centres-villes. Et pourtant après que leurs parents voire même grands-parents aient profité de la voiture et des grandes surfaces pour fuir la ville, les jeunes générations la remettent à la mode. Quelle que soit la taille de la ville, les habitants retrouvent ce sentiment fondateur de la cité du moyen-âge celui d’appartenance à une communauté. Mais est-ce que ce phénomène a été accompagné? Non. Il est donc temps de s’y mettre. D’innover, de créer, de, non plus mettre la ville à la campagne mais la campagne à la ville en végétalisant, développant une agriculture péri et intra-urbaine, en reconquérant les espaces.

Les paysans au Moyen-Âge, ont quitté le contrôle du Seigneur pour la ville avec une ambition d’élévation sociale. Des liens se tissent à partir de l’Église, des confréries et des métiers… Un phénomène se met en place qui ne va cesser de s’amplifier pendant des siècles jusqu’à la voiture, la consommation de masse, le mitage des territoires, les problèmes de circulation, de pollution et un phénomène d’individualisation. Et de nouveaux modes de transport: vélo, vélo électrique, trottinette… rendent libres de se rendre au travail, à l’école, les commerces de proximité, cafés, restaurants sans devoir prendre la voiture.

Lorsque l’on observe des villes comme Séville et Lisbonne et bien d’autres on est surpris de voir à quel point elles donnent de l’importance à la piétonnisation et que dire de Londres ou Athènes qui taxent lourdement les véhicules qui rentrent en ville. Il est plus que temps de prendre de telles décisions, pour le bien-être du vivant comme du bâti car ce dernier n’a pas été conçu pour résister au gaz, aux vibrations. Et, au niveau national comme européen on n’a pas pris la mesure des risques que cela induit, on ne réalise pas de diagnostic de l’état du bâtiment. Alors, il ne faut pas l’ignorer, le drame de la rue d’Aubagne à Marseille peut se produire dans nombre de centres anciens d’Europe. Dans le même temps, il importe d’accompagner ce nouveau mode de vie, et l’innovation reste le meilleur terreau pour imaginer demain. A Marseille, Sabine Bernasconi mène un vrai travail en ce sens avec sa volonté de recréer une fois par mois, avec les Dimanches de la Canebière, la Foire telle qu’on a pu la connaître avec ses activités marchandes, culturelles, artistiques. Une politique de redynamisation qui se conjugue avec une action en direction de la réoccupation des rez-de-chaussée.
J’ai la conviction qu’il faut s’autoriser l’expérimentation, et accepter l’erreur potentielle pour mieux rebondir. En cas de réussite, cela devient l’opportunité de servir d’exemple, de devenir référent. Marseille, plus que tout autre ville, peut être le laboratoire Européen de la ville réinventée !

Et je me souviens des marchés de mon enfance à Mazargues qui faisaient briller les yeux, c’était alors un village dynamique. Une dynamique qui s’est nécrosée dans bien des quartiers, il relève du politique de la relancer. Voilà peu je passais, au sortir d’une réunion, boulevard de la Libération (1er) qui fut jadis une belle artère commerçante. Tel n’est plus le cas. Alors que nous sommes dans le centre. Comment ne pas voir que dans le même temps des personnes cherchent un emploi, cherchent à créer, à mener une expérience entrepreneuriale. Pourquoi ne pas mettre en place un système d’annonce d’emplois correspondant à des commerces vacants? On peut voir dans l’hyper-centre un nombre important de commerces qui ont tiré le rideau, il suffit de mener une étude pour définir les manques dans le quartier: un boulanger, un coiffeur, un fleuriste… On imagine ainsi une bourse de l’emploi localisée. On se rapproche des propriétaires pour qu’ils acceptent de ne percevoir qu’un loyer modéré, dans un premier temps, afin de permettre à la greffe de prendre. On crée ainsi de l’emploi, le bien du propriétaire est valorisé, le loyer peut augmenter, un cercle vertueux se met en place. On peut aussi imaginer que des associations s’installent ainsi que des crèches, des espaces intergénérationnels et c’est la rue qui s’inscrit dans un cercle vertueux. Une ville qui gagne et celle qui répond aux attentes de la population et notamment des trentenaires qui aiment le plaisir de la rencontre qu’offre la ville, le plaisir de connaître son commerçant, de faire du vélo avec ses enfants. C’est cette génération qui va faire la vie de demain, qui a des aspirations, des attentes, pour celle d’aujourd’hui. Il est temps de mesurer que partout où on installe de la mobilité on modifie la valeur des biens immobiliers et on change le paradigme de la ville.

Fabrice Alimi est le président du club de l’immobilier Marseille-Provence

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