Tribune de François Huet. Tourisme positif : redéfinir le sens de nos entreprises…

Publié le 29 mars 2022 à  8h30 - Dernière mise à  jour le 23 décembre 2022 à  16h11

Le discours de JFK le 12 septembre 1962 annonçant que les États-Unis se lançaient dans ce projet fou d’aller sur la Lune m’a toujours inspiré par les mots utilisés et leur force à générer de la fierté nationale, d’appartenir à quelque chose de plus grand que soi. «Nous avons choisi d’aller sur la Lune au cours de cette décennie et d’accomplir d’autres choses encore, non pas parce que c’est facile, mais justement parce que c’est difficile. Parce que cet objectif servira à organiser et à offrir le meilleur de notre énergie et de notre savoir-faire, parce que c’est le défi que nous sommes prêts à relever, celui que nous refusons de remettre à plus tard, celui que nous avons la ferme intention de remporter, tout comme les autres.». Avec ces mots, JFK avait réussi à projeter un pays, une nation dans le futur. Un futur porteur de sens qui inspire des femmes et des hommes à s’engager avec leurs talents, leurs savoir-faire autour d’un projet commun. Malgré l’assassinat de JFK 1 an plus tard, Neil Armstrong devenait, le 21 Juillet 1969, le premier homme à marcher sur la Lune. Soit 7 ans plus tard. Ils avaient réalisé l’inimaginable.

Le tourisme positif credo de Francois Huet ©DR
Le tourisme positif credo de Francois Huet ©DR

On se rend ainsi compte que ce sont avant tout des mots qui nous touchent, qui nous motivent à suivre un chemin, qui nous animent à aller au-delà de nous-même pour réaliser un projet dans lequel nous nous reconnaissons, que nous comprenons et qui fait sens.

Trop souvent dans nos activités du tourisme, la notion de sens a laissé sa place à la notion uniquement de rentabilité. La motivation est ainsi éphémère, voire vicieuse car elle incite à vouloir toujours plus. Elle est même dans certain cas contre-productive. Il suffit d’observer les difficultés de recrutement que notre secteur rencontre.

De mon expérience de dirigeant, les plus belles réussites professionnelles ont été le fruit de l’assemblage de plusieurs éléments. La passion pour un sujet -une idée qui m’animait au plus profond de moi-même, un mélange d’intuition, de mon vécu et de mes observations-, qui me semblait important voir même dans certain cas non-négociable, pour permettre de se différencier par rapport à la concurrence. Cela impliquait de répondre à une question importante: Quel impact positif et durable je voulais laisser après mon passage sur le lieu et la culture qui m’accueillaient? Mon objectif était animé par de l’empathie et non par mon ego.

L’étape la plus importante a été de partager tout cela avec mes équipes afin qu’elles puissent visualiser le projet, se l’approprier et y contribuer afin qu’il soit porteur de sens pour nous tous. Une invitation à destination du collectif pour figer le projet avec des mots et lui permettre de prendre forme.

Aujourd’hui on appelle cela, dans le jargon professionnel, une raison d’être. Encore trop rare dans le monde de l’entreprise et surtout mal utilisée. Trop souvent, c’est une belle phrase sur un site Internet, avec une approche très marketing, mais qui dans le quotidien ne vit pas.

Alors comment faire pour qu’une raison d’être puisse devenir source de motivation? Qu’elle parle aussi bien au cœur, à la tête qu’aux tripes. Qu’elle nous anime, nous guide dans nos décisions au quotidien ? Cela demande de l’humilité, de la sincérité, avec soi et les parties prenantes, de la transparence, un réel engagement de la part du leader, du dirigeant.

Ce n’est pas toujours facile. L’exercice peut chahuter notre ego par moment comme cela peut être une expérience très enrichissante. C’est un choix et il est primordial pour la réussite du projet. Il faut sortir des schémas traditionnels pour ouvrir la porte à l’aventure, en passant d’une posture de sachant à une posture d’écoute, de compréhension des envies, besoins, attentes et des réels problématiques des parties prenantes. On ne parle pas seulement de ses clients, employés ou fournisseurs. On va beaucoup plus loin. On intègre l’ensemble de son écosystème pour pouvoir répondre à une simple question: Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ?

Imaginez ce que nous pouvons apprendre, découvrir, en comprenant pourquoi notre activité marche ou bien pourquoi elle ne marche pas. Ce type d’activité d’intelligence collective peut ouvrir de nouvelles possibilités de développement d’entreprise à répondre à de réels enjeux, à jouer un rôle clé dans un écosystème qui soit porteur de sens.

Aux Maldives, je suis passé d’hôtelier vendeurs de chambres à acteur pour la préservation de l’environnement maldivien. Ça change tout. Mon rôle a pris une autre dimension, celui d’avoir un impact positif et porteur de sens pour les communautés qui m’accueillent. Cela donne même la banane quand on voit l’impact positif que l’on a sur nos employés quand on apprend qu’ils deviennent des leaders de projets de préservation de l’environnement naturel dans leurs îles ou qu’ils s’engagent dans la reconstruction d’une île non-touristique après le Tsunami.

Une raison d’être qui vit au quotidien vous emmène vers l’inimaginable. Elle vous surprend, elle vous accompagne dans la gouvernance de votre organisation car les décisions ne reposent plus sur une personne, son humeur du jour, sa disponibilité mais sur une raison d’être qui est partagée, comprise et portée par tous. Elle est la clé de voûte d’un collectif, d’une organisation. Elle est un véritable point d’ancrage.

«Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver quelque chose… Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer». Antoine de Saint-Exupéry.

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Francois Huet
est hôtelier de métier avec une expérience internationale de direction d’hôtels. Au cours de sa carrière, au début des années 2000, aux Maldives et en Indonésie, il devient pionnier du tourisme positif en ouvrant le premier laboratoire marin dans un hôtel 5 Étoiles s’appuyant sur les vertus pédagogiques du tourisme pour rendre accessible aux plus nombreux la connaissance sur la préservation de l’environnement. Aujourd’hui, il accompagne les acteurs du tourisme à devenir acteur du tourisme positif, dans la transformation de leurs activités. Il a créé et anime le podcast du tourisme positif (X)perientiel. Il est membre actif dans plusieurs associations dans l’intelligence collective, le tourisme, Visions Collectives, Respire – le tourisme de demain, Defismed et membre du comité d’administration de EarthShip Sisters, un accélérateur de leadership environnemental au féminin à Marseille.)]

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