Tribune de Gérard Blanc. Marseille 5 novembre: laisser briller la flamme

Publié le 4 novembre 2019 à  19h21 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  12h47

Huit lumières se sont éteintes le 5 novembre 2018, huit vies injustement écourtées. D’aucuns voudraient faire croire que, par décence, il ne faudrait rien dire à l’occasion des commémorations du 5 novembre. Mais si le silence est souvent d’or, le leur est aujourd’hui lourd de culpabilité. La commémoration ne doit pas empêcher le débat et utiliser la première pour empêcher le second est indigne.

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D’autres encore pensent qu’ils pourront honorer la mémoire des défunts sans se confronter à la colère des vivants, à l’abri de portes closes plutôt qu’au sein de la communauté meurtrie de leurs concitoyens. Mais si la place Bargemon veut oublier, la rue d’Aubagne est contrainte au souvenir, scarifiée par ses effondrements, terrifiée aux premiers craquements de l’orage, écartelée par l’exil forcé des siens aux quatre coins de la ville. Il est de tradition d’allumer une bougie pour célébrer un anniversaire et le député britannique Tony Benn disait souvent que le progrès a pour moteur deux flammes : la flamme de la colère contre l’injustice et la flamme de l’espoir que nous pouvons construire un monde meilleur. A Marseille, la première n’est pas prête de s’éteindre n’en déplaise à ceux dont elle noircit les ambitions. Et plutôt que de la souffler, nous devons nous assurer que la seconde brûle chaque jour un peu plus en y apportant l’oxygène du débat, de la proposition et de l’action.

Au-delà des projets hypothétiques d’un général en retraite, la première des sécurités qu’il convient d’assurer, c’est celle d’un logement digne, sain et pérenne pour tous les Marseillais. L’espoir c’est donc celui d’une action efficace, transparente et conjointe pour éradiquer l’habitat dégradé (indigne, insalubre, en péril) qui -à la différence des autres grandes villes françaises- touche le cœur même de notre cité. D’abord il faut compléter le diagnostic, déjà largement engagé, et créer pour l’avenir les outils d’une meilleure connaissance du bâti en simplifiant le champ des compétences et en améliorant le dialogue entre les différents intervenants. Ce diagnostic doit susciter une réflexion commune sur le cœur de la ville, les quartiers et copropriétés dégradés mais plus généralement sur le bâti, notamment les espaces vides ou sous-utilisés, l’utilisation des sols et le développement urbanistique à Marseille.

Cette réflexion doit partir des habitants et de toutes les parties prenantes (commerçants, entrepreneurs, bailleurs publics et propriétaires privés, associations…) bien en amont de la reconstruction afin que les fonds publics soient utilisés à bon escient. Il faut dépasser la consultation formelle sur des projets déjà ficelés pour arriver à une co-construction avec les citoyens, à la racine des problématiques qui se posent à eux afin de déterminer le meilleur moyen de les adresser. S’il est difficile de concilier le temps court de l’urgence et le temps long de la reconstruction, il ne faut pas prendre le prétexte de l’urgence pour faire vite et mal. La ville est encore balafrée par l’urgence postcoloniale et ces cicatrices ne sont pas seulement architecturales mais bien culturelles, sociales, et partant, politiques au sens noble du terme. La reconstruction nécessaire doit donc se faire en tenant compte des impératifs sociaux, familiaux, environnementaux, économiques et patrimoniaux.

Urgence et temps longs doivent aller de concert. Ainsi, trois semaines avant le drame de la rue d’Aubagne, le ministre du Logement Julien Denormandie annonçait un plan ambitieux portant sur les copropriétés dégradées. En parallèle, depuis le drame, l’État a versé une part significative des 240 millions d’euros promis sur 10 ans, ces fonds ayant contribué à la prise en charge des familles, au lancement des études et à des travaux d’urgence sur des copropriétés dégradées. Une société publique locale d’aménagement est actuellement mise en place pour acquérir de l’habitat dégradé et participer à la reconstruction. Nous serons vigilants afin que les acteurs et les méthodes d’hier ne viennent pas obérer la démarche nouvelle initiée par l’État et que cette société participe d’une reconstruction qui respecte la ville et ses habitants. Plus généralement, nous proposerons que toutes les démarches de reconstruction s’inscrivent dans une logique d’égalité territoriale pour l’ensemble des Marseillais en matière de qualité des logements, d’équipements, d’infrastructures de transport, d’environnement et qu’un arbitre neutre soit mis en place pour s’en assurer. Il est de tradition de souffler des bougies après un anniversaire. A Marseille, nous veillerons au contraire à ce que le 5 novembre et après, flamme de la colère et flamme de l’espoir ne s’éteignent pas.

Gérard Blanc est coordinateur LREM Marseille

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