Tribune de Jean Kéhayan journaliste et essayiste : « Il faut sauver le Musée Arménien de Paris »

Publié le 4 mai 2015 à  22h17 - Dernière mise à  jour le 1 décembre 2022 à  16h54

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Il a fallu cent ans d’impossible à transmettre pour que les Français prennent conscience de la barbarie qui annihila les Arméniens d’Anatolie. Flanqué de Poutine qui s’y connaît en massacre des Tchétchénes et du catholicos resté soviétique et qui a besoin d’une Bentley pour faire les sept kilomètres qui relient l’aéroport d’Erevan à la ville en passant par un mini Las Vegas du Caucase où viennent s’encanailler les Iraniens, les Russes et autres peuplades de l’ex-union soviétique dont la religion interdit jeux d’argent et alcool.
Les discours et la compassion : voilà qui est la marque de fabrique de nos dirigeants. Les symboles aussi. Et en cette année du centenaire du génocide, il aurait été bien utile de passer des paroles aux actes à un moment terrible de l’Histoire qui nous montre les barbares de Daesh détruire des trésors inestimables du patrimoine de l’humanité.
A Paris, Frédéric Mitterrand alors ministre de la Culture avait décidé de fermer le Musée Arménien de France sous la pression des bureaucrates du musée Guimet, vraisemblablement manipulés par le lobby turc de la capitale. La plus grande collection d’art arménien d’Europe depuis 1953 dort dans des caisses. Comme le révèle l’Obs, le prestigieux hôtel d’Ennery avait abrité près de 2 000 objets d’art sacrés et profanes, des manuscrits anciens (l’Arménie n’est-elle pas le peuple du livre?), mais aussi de l’orfèvrerie car les artisans de l’Est anatolien étaient réputés pour être les meilleurs au monde. Des tableaux (Aïvasovski, Zakarian) des sculptures de Léon Mouradoff. L’Anatolie dont les Arméniens ont eu une influence indéniable sur ces artistes.
En 2011 le plan musée de Frédéric Mitterrand et le musée Guimet lancent une opération de rénovation de l’immeuble qui menaçait de tomber en ruine avec l’assurance que les œuvres retrouveront leur place. Mais les serrures ont été changées et le conservateur, Frédéric Fringhian découvre que l’une des salles est désormais dévolue à des pièces asiatiques et chinoises. Quant au fonds, il est dans des cartons dans un entrepôt de la Porte de la Chapelle.
A Marseille, sacrée cette année capitale arménienne de France, le splendide Mucem abrite un fatras de brocantes-antiquités censées représenter les cultures de La Méditerranée. Ne serait-il pas le lieu idéal pour accueillir tout ou partie de ces trésors et le moment propice de prouver par des actes qu’il existait des artistes arméniens avant 1915. N’oublions pas que ce peuple a 3 000 ans d’histoire et de créativité. Seuls les nationalistes d’Erdogan continuent à parler d’objets de «peuplades minoritaires d’Anatolie».
10 000 signatures ont déjà été recueillis sur le site change.org

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