Tribune de Jean-Marc Coppola – Lycée Simone Veil de Marseille (13e) : Un bel écrin pour apprendre et se souvenir

Publié le 7 février 2018 à  17h29 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

10 ans ! Il a fallu 10 années entre le moment d’attribution du projet au cabinet d’architectes de Corinne Vezzoni et l’entrée des premiers élèves en septembre dernier. C’est long. Trop long pour certains, et je le comprends. Mais c’est la durée moyenne entre la décision politique et la réalisation finale pour tout grand équipement public. Ce délai peut être raccourci, mais guère, un an, voire deux ou trois, tout dépend des moyens publics. Mais en période d’austérité imposée par l’État, c’est le tarif. D’où l’intérêt de se donner les moyens des politiques publiques basés sur une juste répartition des richesses et une fiscalité juste.

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Nous sommes en droit de poser la question : «Pourquoi les géants groupes américains de l’informatique amassent-ils des milliards en quelques jours, semaines, ou mois, pendant qu’une école met 10 ans à sortir de terre ? ». La réponse est contenue dans l’énoncé, les profits et les choix qui les conduisent sont prioritaires sur l’éducation des futures générations.

Néanmoins, 10 ans est aussi la garantie de l’efficacité, de la sécurité, du travail bien fait. Cela s’appelle le service public, au service de l’intérêt général. Ce qui oblige à anticiper. Anticiper pour le cas d’un établissement scolaire sur la démographie. Raison pour laquelle la politique, dans le sens noble du terme, doit être un temps long. On ne gère pas un mandat électif au rythme des entreprises, de l’économie, des « bourses financières ».

C’est bien ce dont souffrent la majeure partie des États. Les dirigeants politiques n’ont plus de vision, de projet de société, car ils sont majoritairement tributaires de l’économie de marché.

Le Lycée Simone Veil n’a donc pas dérogé à cette règle du temps long. Plus que d’autres, car d’autres projets de Lycées venaient percuter l’ampleur du coût de celui-ci, environ 44 millions d’euros au départ. C’est le coût d’un projet guidé par la recherche de longévité, d’économies d’énergies, de baisse des dépenses de fonctionnement, en deux mots : le développement durable.

Mais ce temps long fut aussi guidé par l’arbitrage de choix, par les nombreuses réunions à convaincre de la pertinence d’un nouveau Lycée à Marseille dans les quartiers Nord. Convaincre qu’il n’y a pas de concurrence avec les établissements existants. A condition, de discuter et travailler avec le Rectorat, dont je salue les recteurs successifs et leurs équipes, pour construire des structures pédagogiques complémentaires entre Lycées. Convaincre les habitants du quartier de l’utilité publique, quand, vent debout, ils ne percevaient que les nuisances engendrées par les jeunes. Eh oui, jeune égal nuisance, pour certains. Sans voir, qu’il s’agit de l’avenir de la société qui se joue dans l’éducation. Sans comprendre que cet équipement public allait embellir le quartier, et profiter aux associations, aux CIQ qui peuvent se réunir dans la salle polyvalente. Profiter aux clubs sportifs qui ont accès aux équipements construits dans le Lycée.

Que de palabres, de réunions, de convictions et de travail pour revoir à la baisse, la copie du Lycée Saint Mitre, devenu « Simone Veil », et ainsi construire d’autres Lycées comme celui d’Allauch qui ouvrira ses portes dans un an, non loin de celui-ci en distance. Mais un Lycée tout autant nécessaire et utile, vue l’absence de transports collectifs dignes du 21e siècle, dans ces quartiers délaissés par la Ville et la Métropole.

Aujourd’hui, le résultat est beau. Une réussite. Et lors de l’inauguration en ce jeudi de février pluvieux, les personnalités se bousculaient pour découvrir les plaques en l’honneur de cette grande dame « Simone Veil ».

Beaucoup de celles et ceux présents n’avaient pas cette histoire très synthétiquement narrée. Mais les poignées de mains échangées, les regards croisés, les courtes discussions, ou encore les allusions dans des discours intelligents comme celui du Recteur, laissaient percevoir les années de labeur au service des jeunes, de l’éducation, avec en prime l’occasion de se souvenir. Se souvenir d’où vient ce Lycée, qui a failli, un temps, ne pas voir le jour. Se souvenir que la bête immonde n’est jamais battue pour toujours, en évoquant le passé de Simone Veil dans les camps de la mort à Auschwitz et Birkenau. Se souvenir des droits conquis par les femmes. Se souvenir pour témoigner, se souvenir pour tirer des enseignements.

Ce Lycée est un lieu nouveau pour l’apprentissage et la construction de la citoyenneté. Et pour cela, je suis fier d’y avoir œuvré.

Jean-Marc Coppola, Conseiller municipal Front de Gauche de Marseille
Ancien vice-président de la Région Paca, en charge des Lycées

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