Tribune de Mgr Aveline évêque auxiliaire de Marseille : « L’importance du Samedi Saint »

Publié le 20 avril 2019 à  22h02 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  12h47

Monseigneur Aveline, évêque auxiliaire de Marseille, invite, dans une tribune, à mesurer toute la portée du Samedi Saint dans « cette année où notre Église a plus que jamais besoin d’apprendre à vivre une cure de silence et de foi« . Il invite: « Comme Lui (le Christ NDLR), tendons la main, fraternellement, à tous ceux qui n’attendent que ce geste pour renaître à l’espérance« .

Monseigneur Aveline, évêque auxiliaire de Marseille (Photo Philippe Maillé)
Monseigneur Aveline, évêque auxiliaire de Marseille (Photo Philippe Maillé)

Alors que les récits évangéliques décrivent avec force détails la Passion de Jésus puis sa mise au tombeau, ils deviennent silencieux, et c’est bien normal, quand il s’agit du temps situé entre son ensevelissement et sa Résurrection. Et pourtant, la Tradition de l’Église a toujours considéré comme particulièrement important ce saint Samedi, où le repos du sabbat résonne dans le silence du tombeau. La théologie de nos frères chrétiens d’Orient, et particulièrement l’iconographie byzantine, l’avaient bien compris : la Résurrection du Christ est promesse de résurrection pour tous ceux qu’Il va chercher au séjour des morts. «Un grand silence règne aujourd’hui sur la terre, un grand silence et une grande solitude […], écrivait saint Épiphane de Salamine au IVe siècle. La terre a tremblé et s’est calmée, parce que Dieu s’est endormi dans la chair et qu’Il est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles. […] Il va chercher Adam, notre premier père, la brebis perdue. Il veut délivrer tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort.»
«Caro salutis cardo» (« la chair est la charnière du salut »), avait dit Tertullien ! Le Samedi saint, c’est comme la charnière de l’histoire du salut. « L’Un de la Trinité a souffert dans la chair » pour offrir le salut à toute chair, aux vivants comme aux morts. Le Samedi saint, c’est le sabbat qui s’épanouit en dimanche, c’est le repos du Créateur qui enfante la victoire du Rédempteur. Cependant, dans nos vies paroissiales, nous risquons de manquer ce rendez-vous du Samedi saint, comme s’il n’y avait rien d’important à vivre, entre l’office de la Passion et la Vigile pascale : juste quelques derniers préparatifs pour la riche liturgie de cette veillée, quelques déplacements de bancs et quelques répétitions de chants ! Mais cette année où notre Église a plus que jamais besoin d’apprendre à vivre une cure de silence et de foi, soyons attentifs à la profonde signification du Samedi saint ! Ne remplissons pas ce jour béni par toutes sortes de choses futiles ! Ne passons pas trop vite des lamentations du vendredi aux alléluias du dimanche. Laissons à Dieu le temps de nous rejoindre et de tendre à chacun la main qui le sauve. Quand nous proclamons notre foi avec le Symbole des Apôtres, nous disons, entre «[Il] a été enseveli» et « le troisième jour, [Il] est ressuscité des morts », cette petite formule qui exprime toute l’importance du Samedi saint : « [Il] est descendu aux enfers. » Comme pour exprimer que la « descente » du Fils, sa kénose, n’était pas complète tant qu’Il n’avait pas tissé, au-delà d’une fraternité avec les vivants, une réelle fraternité avec les morts. Comme pour confesser que Celui qui a donné sa vie devait aussi connaître la mort pour pouvoir devenir le « Premier-né d’entre les morts » (Col 1, 18). Cette année tout particulièrement, vivons le Samedi saint en communion avec toute l’Église, et prions pour qu’elle suive le Christ dans sa kénose et s’attache à Lui comme au cep d’où elle tire toute sa force : « Hors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5), avait-il prévenu ! N’ayons pas peur de la confiance que Dieu nous fait ni de la mission qu’Il nous confie. Tout homme, toute femme, quelles que soient sa culture, ses convictions ou ses croyances, quel que soit le chemin plus ou moins tortueux de sa vie, est un frère, une sœur « pour qui le Christ est mort » (Rm 14, 15). « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10, 18), avait dit Jésus. Comme Lui, tendons la main, fraternellement, à tous ceux qui n’attendent que ce geste pour renaître à l’espérance. Comme Lui, ayons à cœur de lutter contre toutes les forces de mort qui ruinent nos vies et celles de nos semblables, spécialement les plus petits. Car le Père a voulu que ce soit à travers notre humble témoignage que, par la force de l’Esprit, se propage la joie contagieuse de la Résurrection de son Fils, et que dans le monde entier, au soir de tous les samedis saints endeuillés de violence et brisés de désespoir, scintillent déjà les premières lueurs de Pâques, annonçant la victoire de l’amour sur la mort !
Bon Samedi saint et sainte fête de Pâques !

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