Tribune de Mohamed Laqhila. La Méditerranée ne peut rester le linceul de l’Afrique

Publié le 21 octobre 2021 à  19h17 - Dernière mise à  jour le 9 décembre 2022 à  14h15

La France, avec l’Europe, doit apporter toutes les attentions à la co-construction transméditerranéenne en devenir, ne serait-ce que pour ses propres intérêts. La métropole Aix-Marseille Provence doit en devenir son Ambassadrice.

Mohamed Laqhila, député des Bouches du-Rhône ©Destimed
Mohamed Laqhila, député des Bouches du-Rhône ©Destimed

Chaque pays de l’union Européenne a intérêt à accompagner toutes actions menées par les pays africains pour un développement accéléré, durable, harmonieux et inclusif. La formation et l’emploi d’une jeunesse africaine exponentielle « in situ » sont une priorité afin qu’ils se qualifient, s’implantent, participent au développement de leur pays d’origine au lieu de sombrer en Méditerranée perdant à la fois leur vie et l’avenir de leur pays.

Les vagues d’immigrations économiques, climatiques ou politiques ne seront pas arrêtées par des murs, aussi hauts soient-ils !

En 2020 l’Afrique du Sud avait fixé pour sa présidence de l’Union africaine des priorités faisant écho aux grandes préoccupations internationales : infrastructures de développements sociaux, protection de l’environnement et de la biodiversité, égalité femmes-hommes, agenda « paix et sécurité ». Prise de conscience de la nécessité d’actions répondant aux urgences de l’heure ; nouvel ordre des priorités des États africains remettant en cause les actions de développement déjà entreprises.

A la même époque notre Président, par une petite phrase à portée immense mais passée quasi inaperçue dans l’allocution du lundi 13 avril 2020, proposait «D’aider l’Afrique grâce à une initiative d’annulation de dette massive». Pour que l’Afrique soit un véritable partenaire commercial, pour qu’elle puisse acheter des biens et services en provenance du reste du monde, il faut qu’elle puisse disposer de marges de manœuvre budgétaires et des ressources privées suffisantes en assurant sa fonction de protection et d’élévation du peuple. L’allègement de la dette est dès lors d’une logique implacable.

Il n’est pas question de repentance ou de se défausser de nos responsabilités Européennes d’il y a deux siècles, mais de prendre conscience que ce que nous avons instauré pour notre seul intérêt ne peut perdurer. L’Afrique d’après la Covid-19 ne peut accepter de jouer un jeu avec la Russie ou la Chine, dans lequel elle sortira une nouvelle fois perdante. Il est indispensable qu’elle opère une mutation profonde de son économie réalisant les marges suffisantes pour mettre en place une politique d’amélioration sociale. La politique de compassion internationale qui la maintient sous perfusion, doit s’inverser pour supprimer massivement cette dette mondiale et lui permettre de réorienter son produit national vers l’investissement et la formation.

Me voilà à imaginer des coopérations mondiales alors que nous peinons à parler d’une voix Européenne unique et majoritaire. Pourtant, seule l’Europe, parlant d’une seule voix, peut négocier une attitude commerciale éthique, de partenariat gagnant-gagnant, du reste du monde avec l’Afrique. La France, grâce à sa présidence Européenne, a une opportunité historique de faciliter la prise en considération de cette nécessité par les autres pays engagés dans le développement de l’Afrique. Essayons de construire un équilibre en recherchant l’unité du monde face à un continent où se concentrent tous les défis.

Dans ce partenariat, la France possède beaucoup d’atouts pour apporter une valeur ajoutée significative en matière de savoir-faire, de technologies avancées, d’agriculture. L’expertise de ses grandes entreprises en de nombreux secteurs actuellement jugés prioritaires, leur expérience du continent dans certains cas sont des atouts pour réaliser les grands investissements structurants qui propulseront l’Afrique à sa future place de continent central, global, incontournable.

La France pourrait y apporter une contribution majeure en matière de formation, à la hauteur de la réputation internationale de son enseignement, réduisant l’augmentation des besoins d’emplois induite par la poussée démographique, pendant au moins les trente prochaines années. En équilibrant ces deux composantes pour éviter une crise sociale, en exigeant des efforts globaux en matière d’éducation de base et de formation professionnelle quantitativement et qualitativement adaptées, l’Afrique s’émancipera des politiques « vampirisantes » des groupes étrangers au profit de quelques-uns. La France et L’Europe pourront s’appuyer sur Marseille comme ambassadrice de cette ambition.

Le «Marseille en grand» doit se concevoir comme la vitrine européenne, la porte d’entrée africaine, à la fois miroir et passerelle de l’autre rive. Depuis des années les investissements du territoire ont fait le choix de cette vision, nous conférant la responsabilité de maintenir l’axe méditerranéen compétitif par rapport à l’économie asiatique. Marseille est avant tout méditerranéenne pour le commerce et la culture, elle doit devenir Euroméditerranéenne pour l’industrie, les transferts de technologie, la création d’outils de production, la fluidité des échanges et des coopérations portuaires. Il faut positionner Marseille et sa région dans cette logique et soutenir nos entreprises dans la nécessité d’équiper l’espace économique émergeant pour en faire une zone de prospérité commune.

Mohamed Laqhila – Député des Bouches-du-Rhône – Commissaire aux Finances, Économie générale et Contrôle budgétaire.

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