Tribune du Pr. Gilbert Benhayoun. La société israélienne se fragmente à propos de la réforme judiciaire

Publié le 30 mars 2023 à  19h32 - Dernière mise à  jour le 12 avril 2023 à  8h58

Sous la pression des manifestations très importantes de la population, de la grève générale décrétée par la Histadrout, le puissant syndicat des travailleurs, de la réaction des réservistes de l’armée de l’air, des services des renseignements, qui menacent de ne pas répondre aux convocations de l’armée, de la pression des pays étrangers amis, et en particulier des États-Unis, qui ont fait savoir, sans aucune ambiguïté ni style diplomatique, leur désaccord quant au contenu de la réforme judiciaire. Le Premier ministre israélien a cédé

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Pour le quotidien Haaretz, le président Biden n’achète plus les mensonges de Netanyahu et Israël en paiera le prix [[A ce jour, le Premier ministre israélien n’est toujours pas invité à la Maison Blanche, alors que la menace iranienne se précise, ce qui traduit un manque de confiance de la part des Américains]], de la baisse de la valeur du shekel, la monnaie israélienne. La décision de trop qu’il a prise est d’avoir congédier le ministre de la Défense Gallant qui avait osé dire à voix haute qu’il fallait stopper le processus législatif de réforme, car l’impact sur l’armée était trop fort.

Netanyahu a décidé de geler la réforme de la justice, et il semble que la décision de licencier le ministre de la Défense soit reportée sine die.

Aussitôt, une Commission mixte, composée de membres de la majorité et de membres de l’opposition, s’est réunie dans les locaux du Président d’Israël, Herzog, afin, en principe, de trouver un compromis. Tout le monde s’accorde, aussi bien la majorité parlementaire que l’opposition, qu’une réforme de la justice, et en particulier du mode de fonctionnement de la Cour Suprême, et, point ultra-sensible, du mode de désignation des juges, est indispensable. Et, peut-être qu’il serait souhaitable que, de cette crise, une véritable constitution sera enfin adoptée par l’ensemble des partis. Israël, depuis sa création n’a pas de constitution écrite, un ensemble de lois fondamentales, votées depuis, font fonction de constitution.

Ce que l’opposition reproche à la réforme de la justice, mise en œuvre par le ministre de la Justice, Yariv Lévin et Rothman, président de la commission des lois du Parlement, est que si elle rentre effectivement en vigueur, alors le rôle de la Cour Suprême sera amoindri. Ainsi, si celle-ci conteste la conformité d’une loi, il suffira à la majorité actuelle de la revoter à la majorité simple pour que cette loi entre en vigueur. Concrètement, Israël sera classée comme régime illibérale.

La question, qui d’ores et déjà se pose, est de savoir si le Premier ministre Benjamin Netanyahu, profitant du calme revenu dans les prochaines semaines, et prétextant que la Commission mixte, n’arrive pas à trouver un accord acceptable par tous, décide de faire voter la réforme judiciaire dans sa version initiale.

Dans cette hypothèse, tout dépendra de deux facteurs, de la réaction de la société civile, sera-t-elle aussi forte qu’elle ne l’a été ces jours-ci, où sera-t-elle trop faible pour inquiéter la majorité actuelle, et de possibles défections de membres du Likoud, parti de Netanyahu. Affaire à suivre… En revanche, une chose est certaine. Cette crise laissera des traces…

[(Le Professeur Gilbert Benhayoun est le président du groupe d’Aix -qui travaille sur les dimensions économiques d’un accord entre Israël et les Territoires palestiniens- qui comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées.)]

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