Tribune du Pr. Gilbert Benhayoun: les scenarii de sortie de crise en Israël

Publié le 6 octobre 2019 à  14h02 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  12h47

Destimed arton10633

Le système parlementaire israélien ne comporte qu’une seule chambre, la Chambre des députés ou la Knesset. Cette Chambre est composée de 120 députés qui sont élus sur scrutin de liste, et le système électoral ne comporte qu’un seul tour. Une liste doit recueillir au minimum 3.25% des votes exprimés, aussi le système se caractérise par le fait qu’aucune liste n’arrive à obtenir la majorité des sièges, soit au minimum 61 sièges. Une fois les élections terminées, il appartient au Président de l’État d’Israël, actuellement Reuven Rivlin, de désigner un député qui aura la charge de constituer une coalition de 61 députés ou plus. Ce député a 28 jours pour y parvenir, et le Président peut prolonger la période de deux semaines supplémentaires. En avril dernier, la Knesset a été dissoute à la demande du Premier ministre Netanyahu, et un vote a été organisé le 9 avril. En principe, la Chambre n’aurait dû être dissoute qu’en novembre 2019, à la fin de son mandat. Cependant, Netanyahu a considéré qu’il était préférable pour son parti, le Likoud, et surtout pour lui personnellement, de devancer l’échéance de quelques mois. Certains pensent que cette manœuvre avait comme véritable objectif celui de ralentir la procédure en cours de trois affaires, pour lesquelles, il risque une mise en accusation. A la suite des élections de mai, Netanyahu avait reçu mandat par le Président du Pays, de constituer une majorité de gouvernement. Les tractations entre les partis ayant échoué, il a proposé à la Knesset fraîchement élue, de se dissoudre, afin d’organiser de nouvelles élections. Il aurait dû en principe remettre son mandat au Président qui aurait alors désigné un autre député, probablement, le chef du parti adverse, Bleu et Blanc, afin qu’il tente de trouver une majorité. Netanyahu en a décidé autrement, préférant faire appel au peuple. Son calcul politicien a échoué, en ce sens que les nouvelles élections qui eurent lieu le 17 septembre dernier montrent que la liste Bleu et Blanc est arrivé en tête avec 32 sièges, ne devançant que d’un seul siège le Likoud. La liste arrivant en troisième position est la Liste dite Commune, en ce sens qu’elle regroupe quatre petites listes arabes, a obtenu 13 mandats. Après consultations de tous les responsables de partis représentés au Parlement, il s’avère que :
– 55 députés soutiennent la candidature de Netanyahu. Il s’agit du Likoud, des deux partis religieux et de petits partis de droite.
– 54 députés soutiennent la candidature de Gantz. Il s’agit du parti Bleu et Blanc, de petits partis de gauche et de 10 députés arabes.
– 8 députés, réunis autour de Lieberman, soutenant des revendications laïques, déclarent ne soutenir aucun des deux candidats, à moins que ceux-ci décident de constituer un gouvernement d’union.
– 3 députés arabes déclarent ne soutenir aucun candidat.
Compte tenu de ces résultats, le Président Rivlin, a alors demandé à Netanyahu le soin de constituer une majorité. A partir de cela, chacun a fait ses propres calculs et a concocté différents scenarii de sortie de crise, c’est-à-dire, de la formation d’un gouvernement.

Quelques commentaires.

1. Les questions fondamentales ont été très peu abordées, telles la question palestinienne et l’avenir des territoires occupées, la menace iranienne, la pauvreté, le déficit public, etc. La question centrale qui divise les Israéliens est l’avenir de Netanyahu. Pour certains, il doit, à tout prix, rester à son poste de Premier ministre, et pour d’autres, il constitue un danger pour la démocratie israélienne, et il doit sortir de la vie publique.
2. Le faiseur de rois. Avigdor Lieberman, ex-collaborateur de Netanyahu (ils se connaissent bien, aussi ils ne s’aiment pas, et ne se font nullement confiance), a obtenu 8 sièges avec son parti, la Maison Juive. Aussi, selon le choix qu’il décide, il peut favoriser soit le Likoud, soit Bleu et Blanc. C’est bien la définition que l’on attribue au faiseur de rois. Sa proposition, maintes fois réitérée, est la suivante : il pense, que dans l’intérêt du pays, il faut un gouvernement d’alliance entre les deux grands parts et le sien. Ensemble, ces trois partis obtiendraient 69 sièges. Cette coalition, dans son esprit, devrait exclure, le parti arabe, La Cause Commune, les deux partis religieux juifs et les petits partis que d’aucuns considèrent comme d’extrême droite. Il exclut les partis religieux car il se veut le champion de la laïcité. Or, à cet égard, les sondages auprès de la population sont majoritairement en faveur de cette option. Pour certains commentateurs de la vie publique israélienne, il est temps que les partis religieux sortent de la vie politique, et s’accordent sur l’avenir futur d’Israël. Dans 25 ans, compte tenu de leur forte fécondité (6 à 7 enfants par femme), ils seront plus d’un tiers de la population israélienne. Et le fait, que leur niveau scolaire est très faible, du fait que les programmes des écoles qu’ils contrôlent n’accordent qu’une place minime aux matières scientifiques. De même, Lieberman pense qu’il faut écarter les arabes du pouvoir politique, car il ne leur accorde aucune confiance.
3. Le parti de Ganz, Bleu et Blanc, est également en faveur d’un gouvernement d’union, avec le Likoud, à condition que Netanyahu se retire de la vie politique, dans la mesure où il risque dans les prochaines semaines d’être mis en accusation ? Pour l’instant, les membres du Likoud continuent à lui accorder sa confiance. Mais, jusqu’à quand ? Faut-il à tout prix sauver le soldat Netanyahu ?
4. Le vote arabe. Au dernier recensement, la population israélienne estimée à 9 millions d’habitants en 2019, est ainsi constituée :
– Population juive : 6. 7 millions, soit 74.2% du total.
– Population arabe : 1.9 million, soit 20.9%
– Chrétiens non arabes et autres : 430 000, soit 4.9%
Dans l’hypothèse qu’un accord se réalise entre les deux partis pour former un gouvernement d’union nationale, le parti arabe deviendrait alors le plus grand parti de l’opposition, et, à ce titre, il bénéficiera de privilèges attachés à ce statut. Par exemple, dans cette hypothèse, il appartiendra au parti arabe le soin de répondre aux discours de la majorité devant le Parlement. Il faut noter que cette population, historiquement contre le projet sioniste, est en train d’évoluer. Un sondage récent indique que 65% d’entre eux se considèrent comme Israéliens et souhaitent s’impliquer plus dans la vie politique du pays. Affaire à suivre…

Conclusion. La probabilité que le pays se prépare à un troisième round n’est pas à exclure, malgré des sondages qui indiquent que la majeure partie de la population est résolument contre l’organisation d’un autre vote. Et pendant ce temps, l’appareil judiciaire continue son travail. Le procureur général et son équipe ont reçu les avocats de Netanyahu qui risque d’être poursuivi dans trois affaires, dites 1 000, 2 000 et 4 000. La dernière est la plus grave, car Netanyahu risque la prison. Affaires à suivre…

A lire aussi
Netanyahu seul vainqueur des élections législatives israéliennes

Le Professeur Gilbert Benhayoun est le président du groupe d’Aix -qui travaille sur les dimensions économiques d’un accord entre Israël et les Territoires palestiniens- qui comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées.

Articles similaires

Aller au contenu principal