Tribune libre de Marc La Mola: Et si on faisait la Révolution…

Publié le 27 mars 2017 à  19h16 - Dernière mise à  jour le 29 novembre 2022 à  12h30

Je ne suis pas un historien mais ce que je sais de la Révolution Française me permet d’affirmer que ce n’est pas le peuple qui s’est soulevé mais une poignée d’intellectuels et de bourgeois révulsés par le comportement du roi et de sa cour. Par la suite, ils parvinrent à rameuter la troupe pour attaquer la Bastille et on connaît la suite …

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Si l’on se penche sur la vraie motivation de ces assaillants, elle n’est évidemment pas de délivrer les embastillés politiques mais de trouver des munitions. Étant là, ils rendirent la liberté aux sept prisonniers dont quelques fous, un faussaire et d’autres bien peu recommandables pour se glorifier de leur élargissement. Mais c’est ainsi la prise de la Bastille, bien que minable, n’est qu’un malentendu et demeure un symbole fort du soulèvement de notre peuple. Seul son gouverneur fut tué et décapité, ce fut le premier d’une longue liste.
Heureusement qu’à cette époque le football n’existait pas sinon les Robespierre et autre Danton auraient assiégés la forteresse avec deux ou trois irréductibles idéalistes convaincus de devoir changer la société. Mais le 14 juillet 1789 n’était pas un soir de classico… Il s’en est failli de peu …
Le résultat, presque 230 ans après, est là : les monarques ne sont plus; ils ont été étêtés en place de grève et autres lieux mythiques Parisiens. Ouf ! Nous voilà débarrassés de cette bande de bons à rien se gavant sur le dos du peuple. C’en est fini de ces lieux de débauche où les nantis se vautrent dans la luxure et le stupre avec les deniers publics. C’en est terminé des avantages, c’en est enfin fini des privilèges. Ils ont été, paraît-il, abolis !

Robert, poussant son verre vide afin que le mastroquet le lui remplisse d’apéritif anisé, s’interroge :
– «Tu crois qu’ils ont bien fait de les guillotiner ?»
Manu, après s’être grattouillé ses attributs, lance :
– «Évidemment qu’ils ont bien fait !»
– «Mais aujourd’hui ce n’est pas un peu la même chose, rétorque Robert en avalant d’un trait son tube de pastis».
– «Ah non Robert, c’est complètement différent ! Aujourd’hui on vote ! »
– «Et alors, ça change quoi?», termine Robert en quémandant son dixième Ricard.

Bien évidemment je ne fais aucun parallèle entre la période prérévolutionnaire et l’époque contemporaine mais je me demande malgré tout s’il n’existe pas quelques similitudes, quelques détails identiques qui pourraient peut-être pousser une nouvelle fois le peuple dans la rue pour trancher les têtes de nos dirigeants se prenant pour «le roi». Rassurez-vous je n’appelle pas à la haine ni à l’affûtage éhonté des lames tranchantes de nos vieilles guillotines, je préfère plutôt m’interroger sur le comportement de ce peuple de France si étrange, si versatile et si malléable. Ce peuple capable de se prosterner devant ceux qui depuis tant d’années savonnent la planche sur laquelle il glisse lentement mais sûrement en se disant : «A leur place je ferais la même chose ou ils le font tous !» comme si la généralisation de comportements abjects était une excuse, comme si la magouille était institutionnalisée voire même indispensable à tout cursus politique.

Ah peuple de France je t’aime tant !

Non en fait tu me fatigues et ce n’est pas pour rien que j’affectionne particulièrement un texte de Renaud s’intitulant Hexagone, un texte méconnu de ceux qui ont découvert le chanteur il y a une paire d’années et qui l’encensent alors qu’il vient d’appeler à voter Fillon. Putain la bourde !
N’était-il pas lui aussi au comptoir avec Robert et Manu, n’avait-il pas abusé de Ricard avant de dire cette énormité ? Peu importe le peuple a déjà oublié, BFM s’est chargé de leur laver le cerveau. Ce texte résume à merveille ce que tu es, ce que tu fais et ce que tu penses. Vois-tu peuple de France j’ai de plus en plus de mal à te supporter, à te contempler évoluer et à lire les monceaux de conneries que tu déballes sur les réseaux « socios », sociaux pardon. Car, c’est là que tu fais ta révolution, que tu t’encanailles pour te laisser croire que tu es un vrai révolutionnaire; un Français outré par les comportements de ces dirigeants pétant dans la soie et ayant depuis bien longtemps perdu le sens des réalités.

Ah ces réseaux … !

Je crois y avoir tout lu. Dernièrement j’ai pu voir des posts signés par des policiers appelant à tuer des journalistes; j’y ai vu encore des articles affirmant que Théo s’était enfoncé lui-même un tube de verre dans l’anus; que Facebook allait devenir payant; que j’étais un connard, un mythomane …
J’y ai même lu que les hommes politiques étaient honnêtes. C’est vous dire les bêtises que l’on peut trouver sur ces pages Facebook puisque l’on peut même y lire en toute liberté et en bravant les interdits des articles que j’écris.

Bref la révolution populaire se fait aujourd’hui sur la toile par des prises de position sur des sujets bien trop graves pour être débattus par le peuple. Phrase quelque peu confuse disant tout et son contraire ! A l’instar de Clemenceau affirmant que « la guerre est une chose bien trop grave pour être confiée à des militaires», plus modestement que lui j’ai tenté de démontrer que les sujets de société ne devaient évidemment pas être étalés et encore moins débattus sur Facebook et par un peuple bien souvent ignorant des tenants et des aboutissants d’un sujet précis. Mais c’est ainsi aujourd’hui chacun donne son avis, chacun dit la sienne, chacun écrit sa prose souvent bourrée de fautes d’orthographe pour dire, pour manifester et s’ériger en révolutionnaire de salon retranché, pour trouver le courage nécessaire, derrière son clavier d’ordinateur.
Les hommes sont las de trouver le temps de se révolter, ils s’abrutissent devant un match de football en sirotant des bières quand leurs femmes s’émoustillent en entendant les braillements du nouveau symbole de la virilité masculine bardé d’une voix de crécelle : Vianney !

Eh bé, on est beau avec ça !

Et pendant ce temps-là ceux qui sont censés gouverner se gavent au nez et à la barbe de tous ces écrivains en herbe, de tous ces Robespierre de pacotille capables de se révolter parce qu’un chien a été abandonné, parce que le jambon de porc est trop salé ou parce que les toreros sont méchants et que la guerre est moche. A peine plus élevé que le discours d’une miss France écervelée !

Mais ils se croient actifs, ils sont fiers de leurs lignes qu’ils pensent osées, engagées et caressent parfois même l’espoir qu’elles resteront dans les annales de Facebook. Ils comptent leur like comme l’on compte ses premiers poils, ils dénombrent les commentaires comme l’on assiste à la poussée inexorable de ses seins prépubères …

De manière générale les Français m’emmerdent, au cas particulier faut voir mais cela devient de plus en plus exceptionnel !
Je m’égare et en oublie presque mon propos initial, celui de faire la révolution. Alors je parle, enfin j’écris mais qu’est-ce que je suis capable de proposer pour changer cette société, changer ce monde et ces hommes politiques repus de suffisance et gavés d’IRFM (Indemnité représentative de frais de mandat)?

Ben … je ne sais pas quoi vous dire …
Je n’ai pas le temps, je dois … je dois aller sur Facebook.
On fera la révolution demain !

Lire aussi de Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris, il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique, il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]

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Aulnay-sous-Bois : Bravure … Bavoure … Non Bavure tout simplement !
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Oups ! Pas fait exprès…
Kevin super star !

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