Tribune libre de Marc La Mola : « Maintien du désordre… »

Publié le 3 mai 2017 à  0h32 - Dernière mise à  jour le 29 novembre 2022 à  12h30

C’est un peu comme si les Français découvraient, avec les dernières manifestations parisiennes, la violence d’un maintien de l’ordre et qu’ils venaient subitement de prendre conscience que le métier de policier d’une Compagnie Républicaine de Sécurité pouvait s’avérer dangereux.

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Ainsi c’est une véritable torche humaine que nous avons tous pu voir aux travers des images ressassées par les réseaux sociaux et les chaînes de télévision. Nous avons tous également pu constater qu’une horde de débiles ne maîtrisant pas l’orthographe s’est déchaînée sur les réseaux sociaux pour nous gratifier de leur prose infecte et d’un flot de conneries dégotées dans les fonds nauséabonds des égoûts de nos villes.
Bien évidemment je compatis à la douleur de ce policier et de sa compagnie lourdement touchée par les violences dont elle a été l’objet. Il va de soi que je m’associe à la douleur de ce flic tout en pensant à tous ces fonctionnaires et militaires de la police et de la gendarmerie qui servent de défouloir à des jeunes gens en mal de je ne sais trop quoi ou peut être seulement en mal de grandes tartes dans la gueule !

Mais voilà je dois avouer que j’ai du mal à comprendre les prises de position de certains, à l’opposé de ceux que je viens de citer, réclamant à cor et à cri une violence policière vengeresse en oubliant que cette dernière, si elle peut exister, doit impérativement être proportionnée et évidemment justifiée.
J’ai ainsi pu lire qu’il fallait leur infliger les mêmes tortures ou encore donner aux policiers le droit de tirer à vue sur la foule et même qu’il fallait doter les forces de l’ordre de lances flammes …
Réaction somme toute logique puisqu’ils souhaitent que les flics puissent se défendre avec les mêmes armes. Ainsi nous aurions des bilans de manifestations ressemblant à ceux des manifs de pays totalitaires et les corps carbonisés seraient ramassés au tractopelle pour être jetés dans une décharge de la grande banlieue Parisienne. Oui, grande banlieue pour ne pas que les émanations perturbent les bobos du quartier du Marais …
Bref, c’est un peu la course aux inepties entre les défenseurs d’une police désireux de leur octroyer les pleins pouvoirs alors qu’ils sont capables de les mépriser lorsqu’ils leur dressent une contravention et des groupuscules d’anarchistes ayant grandi sur le terreau de l’inculture ou uniquement sur celui de l’absurdité et ayant de toute manière toujours détestés ce qui incarne la loi, la discipline et toutes formes d’autorité.
La confrontation est non seulement vouée à l’échec mais elle est surtout presque aussi vieille que notre terre ou du moins que notre bonne vieille société en étant relayée par le courage effréné de bon nombre d’internautes ayant déposé leurs pavés ou leur Tonfa le temps de la rédaction de leurs posts stupides.

Mais peu importe la querelle qui oppose ces deux entités puisque de toute manière ils ne sont pas faits pour s’entendre et qu’aucune des deux parties n’accepte de faire un pas vers l’autre si ce n’est pour lancer un cocktail Molotov ou asséner un grand coup de matraque.

Alors j’analyse les faits en me plongeant dans une presse écrite que je trouve plus objective que les chaînes info puisque je ne subis pas la vision d’un CRS transformé en flambeau et fait appel à mes souvenirs de citoyen et d’ancien flic ayant connu de nombreux mouvements sociaux et donc de manifestations.
Je ne découvre donc pas l’existence de ces conflits sociaux et ne dois pas m’interroger longtemps pour faire ressurgir de ma mémoire les images violentes des manifestations de 1995 et son lot important de policiers blessés.

Cette période, même si elle semble oublier aujourd’hui puisque c’est l’image du flic embrasé qui enflamme la toile, a été la plus violente et la plus déterminée depuis les événements de mai 68. Je me revois sur la place Denfert-Rochereau face à une foule impressionnante en train de ravager pour les dévaliser des dizaines de boutiques. Je revois ces gens cagoulés s’en prendre au CRS en utilisant des frondes pour les mitrailler de billes de plomb venant fouetter les minces visières des casques comme les légers boucliers. Je revois ces policiers tomber les uns après les autres …

Moi j’étais jeune flic, jeune con aussi et je découvrais que le maintien de l’ordre était un vrai métier et depuis je ne peux me sortir de la tête les bruits incessants des matraques sur les boucliers qui, tels les légions Romaines, tentent d’impressionner les adversaires comme je n’ai pas oublier la violence de ces confrontations.
A cette époque les CRS ne portaient pas les équipements dont ils sont dotés aujourd’hui, leurs combinaisons n’étaient même pas ignifugées et ce malgré l’invention du cocktail auquel les Finlandais avaient allègrement donner le patronyme du ministre des affaires étrangères Russe, monsieur Molotov, refusant de reconnaître que son pays bombardait la Finlande, c’était en 1939.

Mais en 1995, Facebook n’existait pas, BFM non plus et les chaînes de télé contemporaines minimisaient les faits pour ne pas effrayer une province bien sage ne pouvant imaginer que de véritables scènes de guérilla urbaine se déroulaient dans la capitale. Ce sont d’ailleurs ces confrontations de 95 qui ont permis aux autorités de réfléchir sur les équipements des CRS en maintien de l’ordre et de donner des matériels sophistiqués de protection individuelle infligeant à ces policiers le surnom peu gratifiant de RoboCop. Mais peu importe ils étaient maintenant protégés de la colère et de la haine d’une infime partie de la société souhaitant les voir partir en fumée.

Mais il faut faire preuve d’une parfaite objectivité lorsque l’on parle de ce sujet et même si je prends une nouvelle fois le risque d’être molesté en écrivant ces phrases, je me dois de préciser que la violence est présente dans les deux camps. En effet, je mets au défi quiconque de ne pas laisser aller sa haine après avoir servi de réceptacle à toutes sortes de projectiles, d’invectives et d’insultes souillant profondément les être humains que sont ces policiers. Après des heures d’attente et d’immobilisme l’ordre de charger est vécu comme une libération pour des hommes transformés en bête et ayant eu le temps de repérer, dans le groupe, les principaux agitateurs et les manifestants les plus véhéments. C’est l’organisation même de ce type d’événements qu’il faut revoir, qu’il faut modifier pour que plus jamais un manifestant ne meure sur les pavés de Paris et qu’aucun flic ne succombe dans un brasero artisanal.

Utopie …

Mais je vais m’interdire de lire les commentaires idiots de fanatiques de tous bords déblatérant sur un fait divers dramatique sans considérer que derrière un uniforme il y a un homme, un fils ou un père.
Je vais encore cesser de lire, sur les blogs professionnels, les textes violents oubliant sciemment que cette colère qui bat le pavé est latente et risque un jour d’éclater.

Je devrais cesser de surfer sur la toile pour arrêter de m’abrutir de propos ignobles …
Sans doute mais ce que je sais c’est que ce sont les CRS qui assurent le maintien de l’ordre … Facebook lui, assure le maintien du désordre !

Lire aussi de Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris, il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique, il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]

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