Tribune littéraire d’Eric Delbecque: à propos de « Un silence religieux – La gauche face au djihadisme » de Jean Birnbaum

Publié le 6 septembre 2016 à  20h58 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h34

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Le petit traité sur l’aveuglement idéologique de Jean Birnbaum : à propos de son livre « Un silence religieux – La gauche face au djihadisme » (Seuil – 2016) – Le livre de Jean Birnbaum soulève une question essentielle, trop peu traitée aujourd’hui, ou plutôt mal construite… Le terrorisme islamiste n’a-t-il rien à voir avec la religion ? Par souci d’éviter les amalgames, l’ensemble des responsables politiques répète à l’envi que l’islam n’est pas concerné par les agissements des salafistes djihadistes. Or, la réalité se révèle beaucoup plus complexe que ces affirmations simplistes ne le laissent penser. Il conviendrait de raisonner dans un cadre intellectuel plus stratégique, de long terme, et non pas tactique et politicien. Bien entendu, on ne doit pas réduire l’islam et sa richesse théologique aux interprétations fondamentalistes et aux crimes d’individus s’attaquant lâchement à des civils, à des femmes et à des enfants.
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En revanche, le radicalisme islamiste exprime un combat au sein même de cette religion entre les intégristes et les partisans de l’exégèse symbolique. Les zélateurs de la charia étouffent les adeptes de l’interprétation et de l’islam spirituel au profit d’un islam légalitaire qui conduit à l’écrasement des individualités et, in fine, à la violence politique.
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Il y a donc bien un débat religieux à la base du phénomène terroriste islamiste. Or, la modernité occidentale, en France en particulier, éprouve d’immenses difficultés à comprendre l’univers de sens de la religion. Cette dernière est une manière d’être au monde, comme dirait Marcel Gauchet, dont nous avons perdu le secret. On pointe toujours du doigt les causalités psychologiques, culturelles, socio-économiques ou géopolitiques du salafisme djihadiste, sans jamais vouloir prendre au sérieux que les jeunes gens qui meurent en kamikazes le font aussi pour des raisons religieuses. Que leur foi soit devenue folle et se noie dans l’horreur ne nous autorise pas à évacuer d’un revers de main la causalité religieuse de leurs actes. Dès lors, Birnbaum s’attache à faire la généalogie du mépris du religieux qui caractérise la pensée de gauche, en particulier depuis Marx. Depuis que le Progrès n’est plus à la mode, la religion offre de nouvelles perspectives : en fait, lorsque la Révolution semble de moins en moins probable, la Révélation devient un véhicule de nouveau possible de l’espérance.
Un livre à lire attentivement pour comprendre comment se construit lentement une idéologie totalitaire, et aussi pour saisir les raisons de l’aveuglement contemporain (édifié sur l’ignorance culturelle) face au fait religieux.
Eric DELBECQUE – Chef du département intelligence stratégique de SIFARIS et Président de l’ACSE – Auteur de : « Idéologie sécuritaire et société de surveillance » (Vuibert) – Sites: intelligences-croisees.com
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