Tunisie: 2e séminaire maghrébin pour une meilleure insertion sociale et professionnelle des Mères Célibataires les 15 et 16 décembre à Tunis

Publié le 10 décembre 2014 à  21h54 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h30

180 professionnels sont attendus à Tunis pour les deux journées d’échange d’expériences innovantes que leur propose le 2e Séminaire Maghrébin pour une meilleure insertion sociale et professionnelle des mères célibataires et leurs enfants en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Suite logique d’un premier Séminaire Maghrébin organisé à Casablanca en décembre dernier, cette rencontre représente une initiative pionnière de mise en réseau d’acteurs associatifs et publics traitant de l’épineuse question des femmes accouchant en-dehors du cadre légal du mariage dans ces pays.

Tableau de l'artiste Cam (Photo P.M.-C.)
Tableau de l’artiste Cam (Photo P.M.-C.)

Au Maghreb, l’abandon d’enfants atteint des niveaux alarmants. Dans la plupart des cas, ils sont nés en-dehors du cadre du mariage. Seule, vivant dans la précarité, leur mère subit une très forte condamnation, qui lui vaut l’exclusion familiale, sociale et économique. La violence aux multiples facettes que subissent ces femmes -et, par ricochet, leurs enfants- fera l’objet d’un film que les organisateurs ont produit spécialement pour cette occasion, et qui sera projeté à l’ouverture du Séminaire. La projection sera suivie d’une analyse par la psychologue à l’association algérienne SOS Femmes en Détresse, Zouina Hallouane, et d’un débat.
La stigmatisation dont sont victimes mères et enfants est également présente dans les lois nationales, dont l’application entraîne trop souvent les femmes dans des situations de non-droit si l’on s’en réfère aux conventions internationales. La lecture croisée des législations des trois pays que fera la juriste tunisienne Monia Ben Jemia sera un autre temps fort de ce séminaire.
Des ateliers serviront au partage d’expériences concrètes des professionnels de terrain. Ils permettront d’identifier des approches et pratiques innovantes d’insertion sociale et professionnelle des mères avec leurs enfants et de plaidoyer pour la défense de leurs droits.
Réalisé dans le cadre du projet du même nom mené par l’ONG Santé Sud (France) dans ces trois pays, ce 2e Séminaire Maghrébin est le fruit d’un travail de fond réalisé conjointement avec les associations partenaires : INSAF (Maroc), Réseau Amen Enfance Tunisie (RAET) et SOS Femmes en Détresse (Algérie). Elles ont réuni leurs efforts autour d’un but commun, celui de développer l’émancipation économique et sociale des mères et de leurs enfants et de promouvoir leur accès aux droits fondamentaux et à la dignité en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

2e séminaire maghrébin pour une meilleure insertion sociale et professionnelle des Mères Célibataires les 15 et 16 décembre Hôtel Regency Gammarth à Tunis
Plus d’info: Santé Sud

Algérie-Maroc-Tunisie, des situations diverses mais des besoins communs : briser les tabous et éradiquer les violences

États des lieux
«Au regard du système familial fondé sur le principe de la légitimité, une femme qui devient mère sans être mariée transgresse tant la norme que la morale et contribue à une remise en question inquiétante des valeurs établies. Elle incarne une « injure » faite à la société et à ce titre inspire méfiance, médisance et actes de violences. Elle scandalise la collectivité qui, par souci d’autoprotection, ne peut lui reconnaître le droit à une existence sociale légale et affirmée», commente Émilie Barraud, intervenante à Santé Sud, dans le rapport global des enquêtes qu’elle a menées dans le cadre de ce programme.

En Algérie, les statistiques officielles parlent de 7 000 naissances hors mariage par an (1). La situation dans ce pays est très délicate pour les enfants lorsque les pères ne reconnaissent pas la paternité de leur propre gré, car la reconnaissance de la maternité en-dehors du cadre du mariage, même si elle fournit un nom à l’enfant, ne lui garantit aucun droit (entretien, héritage, etc.), selon l’enquête réalisée en Algérie dans le cadre de ce programme. Le taux d’abandon y est également très élevé : seules 21% de femmes ayant placé leurs enfants provisoirement les récupèrent. Ce chiffre doit être en plus nuancé, car même après avoir récupéré leur enfant, beaucoup de mères procèdent à des abandons déguisés ou tardifs, voire à des kafâlas directes.

Au Maroc, elles seraient en moyenne 30 mille femmes par an accouchant en-dehors du cadre du mariage, dont 10% se trouvant dans la région de Casablanca. Selon l’enquête Le Maroc des mères célibataires (2) (la première enquête sur le sujet au Maroc, publiée en 2010, et la seule fournissant des statistiques plus poussées), seulement 10% des mères célibataires marocaines sont prises en charge par le tissu associatif. Une statistique qui révèle l’ampleur des besoins, lorsque l’on considère que le taux d’abandon effectif est généralement bien inférieur dans le cas des femmes accompagnées par les associations leur venant en aide.

En Tunisie, on estime entre 1 200 et 1500 (3) le nombre de naissances hors mariage par an, dont le tiers (voire la moitié) se concentre dans le grand Tunis. Selon la Direction Régionale des Affaires Sociales, en 2010, des 1 146 naissances en dehors du cadre du mariage enregistrées, 48% des mères ou familles auraient gardé l’enfant. Cette situation s’est améliorée depuis la promulgation de la Loi n°75 de 1998, qui donne droit aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue à une identité complète. Selon des estimations de l’Institut National de Protection de l’Enfance (INPE), avant cette loi, seulement 13% des enfants placés à l’INPE provisoirement étaient récupérés par leurs mères : ce taux est monté à 40%.

(1)Chiffre donné par le Ministère algérien de la Solidarité Nationale pour 2007, que l’on retrouve au sein de l’enquête réalisée sur place dans le cadre du programme « Pour une meilleure insertion sociale et professionnelle des mères célibataires au Maghreb 2013- 2015 ».
(2) Le Maroc des mères célibataires : ampleur, réalité, actions, représentations, itinéraires et vécus, N. Cherkaoui, 2010, Insaf, 335p.
(3) Selon les statistiques de la Direction Générale de la Promotion Sociale (DGPS).

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