Un Prix Nobel qui honore l’astronomie provençale

Publié le 10 octobre 2019 à  8h13 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  12h32

Le prix Nobel de physique 2019 récompense des astrophysiciens pour deux thèmes très différents, les travaux de cosmologie (qui est l’étude de la structure de l’Univers à grande échelle) de l’américain James Peebles d’une part, et la découverte de la première exoplanète (planète en orbite autour d’une autre étoile que le Soleil) par les suisses Michel Mayor et Didier Queloz, de l’observatoire de Genève, d’autre part. C’est à partir d’observations effectuées avec le télescope de 1,93m de l’OHP (Observatoire de Haute Provence) que nos collègues Suisses ont pu annoncer, en 1995, la découverte d’une planète en orbite autour de l’étoile 51 de la constellation de Pégase. Mais on oublie souvent de citer André Baranne, astronome à l’Observatoire de Marseille, qui a conçu le spectrographe Élodie à l’origine de cette découverte. Formé à l’École Supérieure d’Optique, André Baranne a inventé de nombreux concepts originaux pour l’instrumentation astronomique et a déposé plusieurs brevets, dont celui du concept de «pupille blanche» et celui du spectrographe Élodie.

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Le télescope de 1,93m de l’OHP qui a permis l’observation de la première exoplanète en 1995, récompensée par le Prix Nobel de physique 2019. (Photo Michel Marcelin)
Le télescope de 1,93m de l’OHP qui a permis l’observation de la première exoplanète en 1995, récompensée par le Prix Nobel de physique 2019. (Photo Michel Marcelin)
Depuis la découverte historique de 1995 ce sont plus de 4 000 exoplanètes qui ont été découvertes. On sait qu’il y en des milliards, rien que dans notre galaxie, et la quête ne fait donc que commencer. L’observation directe de ces exoplanètes, sous forme d’image, est toutefois très difficile et c’est à peine une centaine (sur les 4 000 connues) qui a pu être photographiée jusque-là. Cela est dû au fait que ces planètes sont noyées dans la lumière de leur étoile et il est aussi difficile de les voir sur une simple image que si on voulait détecter un ver luisant placé à 1 mètre du phare du Planier, dans la rade de Marseille, en le photographiant depuis Paris ! La planète en orbite autour de l’étoile 51 de Pégase ne fait pas exception à la règle et elle n’a pas été observée sur une simple image. Ce sont en fait les mouvements d’oscillation qu’elle induit sur son étoile qui ont été détectés. En effet, l’étoile et sa planète tournent autour de leur centre de gravité commun et, de ce fait, même si on ne voit pas la planète, on observe des changements de vitesse de l’étoile. Ces variations cycliques de vitesse se traduisent par des changements de longueur d’onde de la lumière émise (c’est l’effet Doppler) qui se repèrent avec un spectrographe,appareil qui décompose la lumière de l’étoile sous forme de spectre, tout comme les gouttes d’eau décomposent la lumière du Soleil pour former un arc en ciel.
La détection de la première exoplanète en 1995 ne montre pas d’image de la planète en orbite autour de l’étoile 51 de Pégase mais seulement les oscillations de vitesse cycliques induites par cette planète sur l’étoile autour de laquelle elle tourne. Ce schéma est extrait de la publication historique de Michel Mayor et Didier Queloz, parue en 1995 dans la revue Nature et qui leur vaut le Prix Nobel aujourd’hui. © 1995 Nature Publishing Group
La détection de la première exoplanète en 1995 ne montre pas d’image de la planète en orbite autour de l’étoile 51 de Pégase mais seulement les oscillations de vitesse cycliques induites par cette planète sur l’étoile autour de laquelle elle tourne. Ce schéma est extrait de la publication historique de Michel Mayor et Didier Queloz, parue en 1995 dans la revue Nature et qui leur vaut le Prix Nobel aujourd’hui. © 1995 Nature Publishing Group
La précision requise pour ce type d’observation était impossible à atteindre avec les spectrographes classiques mais le spectrographe Élodie, conçu par André Baranne, a permis de faire un saut considérable, en multipliant par plus de 30 la précision des mesures. En effet, avec ce spectrographe on a pu mesurer des changements de position des raies dans le spectre d’un dix millionième de longueur d’onde. De telles performances ont été permises notamment par un concept, tout nouveau à l’époque, qui consistait à amener la lumière de l’étoile observée jusqu’au spectrographe au moyen d’une fibre optique. Ainsi, au lieu de rester attaché au télescope, le spectrographe était placé dans un local à température constante et restait immobile, assurant ainsi une parfaite stabilité optique et mécanique. Tout ceci a permis de faire la découverte historique qui a conduit à l’attribution du Prix Nobel aujourd’hui, bien que le télescope de l’OHP, avec son miroir de 1,93m de diamètre, paraisse bien modeste en regard des télescopes équipés de miroirs de 8 à 10 m de diamètre des grands observatoires européens et américains.
Le spectrographe Élodie, dans son local à température constante, sous la coupole du télescope de 1,93m à l’OHP. Au premier plan, en bas à gauche, on voit le réseau qui disperse la lumière amenée depuis le télescope au moyen d’une fibre optique. L’ensemble repose sur un bloc de marbre qui assure la stabilité mécanique. (Photo Michel Marcelin)
Le spectrographe Élodie, dans son local à température constante, sous la coupole du télescope de 1,93m à l’OHP. Au premier plan, en bas à gauche, on voit le réseau qui disperse la lumière amenée depuis le télescope au moyen d’une fibre optique. L’ensemble repose sur un bloc de marbre qui assure la stabilité mécanique. (Photo Michel Marcelin)
Il y a bien entendu, comme souvent dans les découvertes scientifiques, une part de chance dans cette détection de la première exoplanète. La planète en orbite autour de l’étoile 51 de Pégase (qui est une étoile semblable au Soleil et qui se trouve à 48 années-lumière de nous) a une masse proche de celle de Jupiter et tourne autour de son étoile en 4,23 jours à peine. Elle a donc le double avantage d’être assez grosse pour induire des oscillations bien visibles sur la vitesse de l’étoile et d’avoir une courte période qui permet de détecter rapidement ces oscillations (à titre de comparaison, si des extraterrestres observent notre système solaire de loin, il leur faudra 12 ans pour observer le cycle d’oscillations induit par Jupiter sur la vitesse du Soleil !). Michel Mayor et Didier Queloz (qui était son étudiant en thèse à l’époque) ont donc eu la chance de pointer le télescope de l’OHP vers la bonne étoile et, en tout cas, avant leurs collègues américains. En effet, de l’autre côté de l’Atlantique, Geoffrey Marcy et son équipe étaient également à la chasse aux exoplanètes mais ils sont arrivés trop tard et ont dû se contenter de confirmer la découverte faite en Haute Provence.
Michel MARCELIN est Directeur de recherche émérite au CNRS Laboratoire d’Astrophysique de Marseille

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