Marseille. Un an après le drame de la rue d’Aubagne. Exposition – La dent creuse : colère en cris et en mouvements

Publié le 8 novembre 2019 à  8h39 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h24

Chrystelle Bazin et Agnès Mellon au soir du vernissage. (Photo M.E.)
Chrystelle Bazin et Agnès Mellon au soir du vernissage. (Photo M.E.)
L’ambiance très particulière du lieu donne une dimension étonnante et méritée à cette exposition. (Photo M.E.)
L’ambiance très particulière du lieu donne une dimension étonnante et méritée à cette exposition. (Photo M.E.)

Mortelle insalubrité. Le 5 novembre 2018, l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne, à Marseille, a causé la mort de huit personnes et le «délogement», souvent sans ménagement, de 3 000 autres. Tout, ou presque, a été dit et écrit, un an après, sur le drame et ses conséquences ; mais qu’a-t-il été fait ? Marchands de sommeil, propriétaires peu scrupuleux, entre autres, ont-ils débarrassé le plancher ? Derrière les ravalements de façades de véritables réhabilitations concertées ont-elles été menées ? Pas vraiment. Et la colère est toujours là, sourde et violente, extériorisée ou intériorisée. La dent creuse -expression utilisée par les habitants de Noailles pour désigner le trou béant qui s’est formé entre les numéros 61 et 69-. aussi, est là, implacable témoin de l’incurie… L’artiste peut-il être un acteur social engagé, peut-il témoigner par le truchement de son art ? Assurément. L’exposition accrochée au sein de ce lieu chargé, puissant et mystérieux que sont les Rotatives de La Marseillaise, sur le cours d’Estienne d’Orves vient le confirmer. Agnès Mellon est photographe de danse contemporaine. Chrystelle Bazin est journaliste ; à deux pas du Vieux-Port, elles donnent à voir et à entendre ce que trop souvent certains n’ont pas voulu voir et entendre ! Nourries de cette colère, leur travail artistique en est un témoin sensible et puissant. Agnès Mellon était de la première marche de deuil à la suite de l’effondrement. Elle a commencé à faire des photos… Des mains, des yeux, des bouches où transparait la douleur, l’incompréhension, la fureur. Puis elle a été de tous les rassemblements de ces «enfants de Marseille» qui réclamaient des actions concrètes, mais aussi une cohabitation harmonieuse libérée de l’égoïsme et du repli sur soi. Chassez le naturel, il revient au galop, ce sont les gestes, les attitudes, les mouvements de la colère et du désarroi que la photographe a saisis, habituée qu’elle est aux mouvances des corps dansants. Des photographies qu’elle livre, déstructurées, au sein de cette exposition, pour que du chaos initial émerge une certaine beauté, ou plutôt une beauté certaine, en forme d’interrogation face à l’avenir. Dans la pénombre du lieu, il y a les cris, les pleurs, les désespoirs, les incompréhensions, mais aussi quelques lueurs qui laissent penser que demain sera meilleur, peut-être ! En complément d’objet direct idéal, Chrystelle Bazin est allée chercher, elle, des sons au cœur de la foule. Des grondements, des interpellations, des affirmations… Puis, dans un casque, la chanson pour l’Auvergnat chère à Brassens, livrée avec justesse par une voix féminine. Dis, monsieur, il existe l’Auvergnat…
Michel EGEA

Pratique. « La dent creuse, cartographie de la colère. Aux rotatives de La Marseillaise, 15-17 cours d’Estienne d’Orves, Marseille (1er). Entrée libre. Tous les jours jusqu’au 11 novembre de 17 à 21 heures ; du 11 novembre au 21 décembre les jeudis et vendredis de 17 à 21 heures et les samedis de 14 à 18 heures.

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