Un samedi aux Chorégies d’Orange – Nicolas Courjal au top-niveau et un «Trouvère» séduisant

Publié le 2 août 2015 à  20h25 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h44

Nicolas Courjal et Antoine Palloc en récital dans la cour Saint-Louis. (Photo M.E.)
Nicolas Courjal et Antoine Palloc en récital dans la cour Saint-Louis. (Photo M.E.)

Le soleil est revenu sur Orange en ce premier samedi d’août. Au programme des Chorégies, qui vivent leurs derniers instants de l’édition 2015, un récital de Nicolas Courjal et la première représentation d’une nouvelle production du «Trouvère» de Verdi, un peu plus tard au théâtre antique avec Roberto Alagna dans le rôle-titre.
A 18 heures, cour Saint-Louis, les places à l’ombre sont rares; c’est sol y sombra dans la cour mais aussi sur la petite scène où patiente le Steinway. L’instrument ne restera pas seul très longtemps puisque Nicolas Courjal et le pianiste Antoine Palloc, men in black sans les lunettes, arrivent… La quarantaine à peine dépassée, Nicolas Courjal est au sommet de son art. Sa voix de basse est remarquablement équilibrée et s’il est à l’aise dans les aigus, il sait donner de la profondeur à son chant lorsqu’il faut descendre bas, très bas. Pour nous le prouver, il avait choisi quatre mélodies de Duparc pour débuter, suivies de quatre chansons de Don Quichotte de Jacques Ibert. Un exercice de style parfaitement maîtrisé avec de la puissance et de l’émotion. Et le soutien sans faille du piano d’Antoine Palloc. Le jeu de ce dernier allait faire merveille, après la pause, avec un programme d’airs d’opéras. Nuances et couleurs de l’instrument pour accompagner Nicolas Courjal qui avait décidé de balayer une palette de sentiments depuis l’assurance solennelle de Sarastro chantant «In diesen heil’gen Hallen» au tourbillon flamboyant de Don Basilio décrivant «La Calunnia». Sept airs, avec le bis, et un grand moment d’émotion avec «Elle ne m’aime pas», l’air de Philippe II tiré de Don Carlos de Verdi. Un récital de très haut niveau même pas perturbé par les cigales, les cloches et les bruits de la rue… Du grand Nicolas Courjal.

«Le Trouvère» apprécié à juste titre

George Petean et Marie-Nicole Lemieux, les grands triomphateurs de cette production du Trouvère mise en scène par Charles Roubaud. (Photo Philippe Gromelle)
George Petean et Marie-Nicole Lemieux, les grands triomphateurs de cette production du Trouvère mise en scène par Charles Roubaud. (Photo Philippe Gromelle)

Quelques dizaines de minutes, un sandwich et deux cafés plus tard, nous intégrions la cohorte colorée des amoureux de la pierre romaine, mais surtout de l’art lyrique et encore plus de Roberto Alagna. «Le Trouvère» à l’affiche et pourtant les gradins n’ont pas fait le plein. Il devrait y avoir plus de monde mardi soir, nous a-t-on dit, pour tirer le rideau sur ces Chorégies. Sur la colline la police veille après les jets de pierres survenus dans la semaine précédente pendant une répétition et les spectateurs sont plutôt sereins. Dépliés sur scène, des dizaines de lits Picot nous rappellent que nous sommes dans une salle de garde. Charles Roubaud, le metteur en scène, a décidé de s’emparer de tout l’espace pour donner vie à ce Trouvère. Spécialiste, s’il en est, des dispositifs XXL à l’Opéra, Charles Roubaud réussit encore son coup cette année. Il livre quelques tableaux superbes comme le camp des bohémiens et la scène du couvent, servis par des projections judicieuses. Les masses se déplacent de façon fluide et les plans se resserrent judicieusement pour les passages plus intimes. Aucun contresens dans son travail qui a le mérite d’exacerber le drame jusqu’à la chute finale, et spectaculaire, du mur-rideau. Dans la fosse, sous la direction intelligente, passionnée et emplie d’humanité de Bertrand de Billy, l’Orchestre National de France fait vite oublier les multiples décalages fosse/scène du premier acte pour servir de façon généreuse, puissante mais nuancée, la partition de Verdi. Nul doute que cet orchestre et son chef apportent des pierres d’angle à l’édifice émotionnel de la représentation. Les choristes de Nice, Avignon et Toulon aussi. Puis, il y a les solistes. Sur ce plateau immense, c’est George Petean qui se taille la part du lion dans son interprétation du Comte de Luna. Nous avions déjà écrit tout le bien que nous pensons de lui il y a quelques mois à l’issue d’une représentation de «Simon Boccanegra» en Avignon, ici il atteint des sommets avec sa voix puissante, assurée et sa monumentale présence sur scène. Avec lui, c’est Marie-Nicole Lemieux qui emporte les suffrages. Elle est une Azucena idéale tant vocalement que scéniquement. La ligne de chant est belle, très soignée, et emplie d’émotion. Et l’on se dit, peut-être, que c’est l’école baroque qui lui a donné ces qualités. Scéniquement elle n’a aucun mal à procurer sa dimension dramatique au personnage de la Zingara. Une grande prestation pour la contralto canadienne. A ses côtés, Hui He était confrontée au mur pour la première fois de sa carrière. La soprano chinoise s’en est tirée avec assurance et classe. Mais nombreux étaient ceux qui attendaient le Manrico de Roberto Alagna. Le ténor ne s’en est pas trop mal sorti; comédien hors pair il trouve son double dans ce rôle, moulé dans son costume noir. Vocalement il souffre parfois dans les aigus mais atteint un bon niveau dans les médiums. Ludivine Gombert (Inès), Nicolas Testé (Ferrando) Julien Dran (Ruiz) et Bernard Imbert (un vieux zingaro) tirent eux aussi leur épingle du jeu. Une production intéressante que vous pourrez encore apprécier en «live» mardi soir au théâtre antique ou en direct sur France 2 et Culturebox.
Michel EGEA

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