Une émouvante « Butterfly » aux Chorégies d’Orange

Publié le 11 juillet 2016 à  18h13 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h29

Après avoir bandé les yeux de son fils, Cico-Cio San, déshonorée, vient de se donner la mort (Photo Philippe Gromelle-Orange)
Après avoir bandé les yeux de son fils, Cico-Cio San, déshonorée, vient de se donner la mort (Photo Philippe Gromelle-Orange)

Mettre en scène «Madame Butterfly» au pied du mur du théâtre antique relève de la gageure. Ce huis clos dramatique, intimiste, n’a rien du péplum que l’on peut développer, à l’image de «Turandot» et d’autres œuvres, en jouant avec les masses, choristes et figurants, entre jardin et cour. Nadine Duffaut a accepté de s’y frotter réussissant ce grand écart qui exige d’une part une vision spectaculaire devant 8 000 personnes (scène des lampions, présence des choristes pour le chœur bouches fermées qui clôt le 2e acte, par exemple) et d’autre part le respect de l’intimité de Butterfly pour lequel elle recentre l’action et l’attention du public sur des espaces restreints (chambre, salon). Et ça marche; d’autant plus que la metteuse en scène effectue un important travail de direction d’acteur avec Ermonela Jaho dans le rôle titre et Marie-Nicole Lemieux qui incarne la servante Suzuki. Ce qui permet à la jeune soprano albanaise qui, rappelons-le, tient en Cio-Cio San l’un des rôles de sa vie si ce n’est «le» rôle de sa vie, d’imposer avec force ses sentiments depuis une candeur quasi enfantine jusqu’au désespoir d’une femme bafouée, déshonorée. Elle est toute fragile, cette silhouette papillon dans un écrin de monumentales pierres blondes, perdue entre deux civilisations, entre kimono et robe de tulle des années 1940, entre sorei et crucifix. La ligne de chant d’Ermonela Jaho est idéale et elle l’impose sans coup férir avec sensibilité et puissance; elle connaît le lieu et sait comment passer sur l’orchestre pour être entendue tout là-haut dans le théâtre. Dés lors elle n’a pas grande difficulté à se plier aux désirs de Nadine Duffaut pour gagner en émotion et tirer quelques larmes à la frange la plus sensible du public au moment de se donner le jigai. A ses côtés Marie-Nicole Lemieux est une excellente Suzuki, l’un des deux rôles dans l’opéra, avec celui de Sharpless, emplis d’humanité. Voix assurée et puissante, jeu précis et discret, forte présence scénique, elle est l’idéale servante.
L’humanité est donc aussi la caractéristique du Consul Sharpless incarné avec classe et talent par Marc Barrard. Empli de compassion, il sait le drame qui peut (et va) se jouer, n’ayant de cesse d’avertir Pinkerton du mal qu’il peut (et va) faire. Vocalement et scéniquement Barrard «pose» ce personnage avec aisance. Pinkerton, lui, était à Orange pour la première fois de sa carrière. Et ça s’est entendu… Bryan Hymel a eu, en effet, fort à faire pour projeter son chant au delà des premiers rangs. C’est dommage car il est vocalement précis et la ligne de chant, entendue pendant les piani de l’orchestre, est belle. Il faut dire que le ténor n’a pas été aidé par Mikko Franck qui, s’il dirige avec fermeté et précision l’excellent philharmonique de Radio France, n’a pas réduit le volume sonore un seul instant, ce qui aurait peut-être permis à Hymel d’être un peu plus «facile». Wojtek Smilek en bonze à fait valoir ses graves, Carlo Bosi fut un Goro à la hauteur, Valentine Lermercier, Christophe Gay et Pierre Doyen complétant idéalement la distribution. Un mot, enfin, sur les chœurs (Avignon, Nice et Toulon) bien préparés sous les directions des chefs, Aurore Marchand, Giulio Magnanini, Christophe Bernollin et idéalement coordonnés par Emmanuel Trenque.

Michel EGEA

Retransmission en direct sur France-Musique le mardi 12 à 21h45 et les mercredi 13 sur France 5 et Culturebox en première partie de soirée.
Autre représentation : mardi 12 à 21h45 au Théâtre Antique d’Orange.
Tél. 04 90 34 24 24 – choregies.fr

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