Une table ronde sur « La bientraitance pour nos aînés, on est tous concernés » a été proposée par le conseil général dans le cadre du 5e Forum des seniors à Marseille

Publié le 10 mai 2013 à  2h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  15h41

Sujet sensible que celui qui touche à nos aînés avec une question que tout un chacun se pose inéluctablement un jour : reçoivent-ils l’attention et les soins qu’ils méritent ? Il ne faut pas se voiler la face tel n’est pas le cas. Cependant on ne peut nier qu’un réel travail, depuis quelques années, tend à améliorer leur condition de vie, mais longue est la route…

Lydia Gorenne, Dominique Debrand, Josette Sportiello et  Jean-Jacques Nilles ont apporté un éclairage sur les avancées de la bientraitance pour nos aînés (Photo P.M.-C.)
Lydia Gorenne, Dominique Debrand, Josette Sportiello et Jean-Jacques Nilles ont apporté un éclairage sur les avancées de la bientraitance pour nos aînés (Photo P.M.-C.)

La table ronde organisée par le conseil général des Bouches-du-Rhône a fait appel aux témoignages de trois professionnels intervenant dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Josette Sportiello, conseillère générale, déléguée aux personnes âgées en a été la médiatrice, son mandat de conseillère générale en charge de cette politique impose la vigilance. « Elle se traduit bien sûr par des contrôles d’établissements qui sont de notre compétence mais elle s’exerce aussi lors des visites à domicile lorsque la personne souhaite être aidée dans le cadre de l’APA. Nous voyons que quels que soient les domaines d’intervention, l’accompagnement de la famille et des professionnels est un enjeu essentiel pour la promotion de la bientraitance. Il s’agit de réfléchir sur les conditions de bientraitance dans l’accompagnement de la personne âgée et plus largement de la personne dépendante, et d’approcher différents aspects de ce que nous appelons la situation de maltraitance », explique-t-elle.

« La notion de maltraitance est souvent mal comprise et difficile à appréhender »

Soulignant que « la maltraitance faite aux personnes vulnérables a longtemps été un phénomène mal reconnu, bien que régulièrement pointé et illustré par des exemples extrêmes. Mais bien que pris en considération, la notion de maltraitance est souvent mal comprise et difficile à appréhender lorsqu ‘elle ne se traduit pas explicitement par des actes de violences physiques ou psychologiques. Elle est encore moins comprise lorsqu’il s’agit d’insuffisance, réelle ou ressentie, d’attention et d’affection. » Selon l’élue : « Il semble que le questionnement autour de la notion de bientraitance s’impose à tous, mais une vigilance particulière doit s’exercer dans certaines circonstances. Il peut s’agir des lieux de prises en charge où la confidentialité fait écran, comme peut l’être parfois la famille, ou à l’inverse, il peut s’agir de collectivités de vie, dans lesquelles peuvent se diluer le problème et la responsabilité de la maltraitance. »

« La perte de capacité et d’autonomie pose un problème de considération de la personne dépendante »

Le premier intervenant, Jean-Jacques Nilles, professeur de philosophie, maître de conférence en sciences de gestion à l’Université de Savoie, conseiller scientifique ayant participé à la rédaction de guides de bonnes pratiques à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des Établissements et services (ANESM), plante le décor sociologique. Après la Seconde Guerre mondiale avec l’explosion de la consommation et les loisirs « la société a survalorisé l’individu et la puissance de l’autonomie. La conception du sujet performant, hyperactif qui fait lui-même sa vie a vu le jour. Donc se faire tout seul est dans la norme. » Cela a comme conséquence : « La perte de capacité et d’autonomie pose un problème de considération de la personne dépendante. La perte d’autonomie entraîne la maltraitance, le risque qu’il ne s’agit pas d’une personne à part entière. » Jean-Jacques Nilles revient alors sur la maltraitance, précisant que « la brutalité ne s’exerce pas que dans les établissements, une large partie n’est pas visible dans l’accompagnement à domicile ». Parmi les maltraitances méconnues, il est avancé : « L’infantilisation qui n’est pas vue comme une maltraitance parce que les familles, les proches veulent le bien-être de la personne âgée mais à sa place. » Cela se traduit, par exemple, dans les établissements « par la famille qui veut qu’on la stimule par des activités alors qu’elle veut rester tranquille ; la gestion des dépenses parce qu’elle n’a pas toute sa tête et quand on touche à l’argent, on parle d’argent de poche on la renvoie à l’enfance ; parler de couches au lieu de protections ; imposer un style vestimentaire adapté à son âge et l’empêcher de s’habiller selon ses envies ; s’opposer aux relations affectives, une vie sexuelle, cela choque les enfants ; limiter ses déplacements de crainte qu’elle ne tombe alors qu’elle veut prendre le risque. »

« La bientraitance passe par le respect de la dignité des personnes, des habitudes de vie et de la singularité. »

D’après ses études, il explique que la bientraitance passe par « le respect de la dignité des personnes, des habitudes de vie et de la singularité ». Il s’agit donc par exemple de respecter les rythmes de vie avec ceux qui se lèvent tôt ou tard, restent éveillés la nuit, etc. « Cela tient à la personnalisation de l’accompagnement. »

Par ailleurs, il estime : « que le climat dans un établissement, les relations entre les professionnels ont un effet sur les usagers ». Jean-Jacques Nilles conclut : « La grande désorientation est soignée par le médical mais passe surtout par le respect de la personne ».

« Le bien-être au travail se répercute sur les résidents »

A propos du climat qui a un effet sur les patients, Dominique Debrand, directrice de l’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) « Le hameau des Accates » à Marseille (11e), a mis en place au sein de son établissement, des outils de vigilance pour « une culture gérontologique commune ». Car, selon la directrice « le bien-être au travail se répercute sur les résidents ». Elle évoque un accompagnement bienveillant. « Notre établissement accueille surtout des personnes âgées dépendantes, dans un état de vulnérabilité. Un facteur essentiel à prendre en compte. La maltraitance, on la pense active, orale, morale, physique mais il y a aussi le risque de maltraitance « passive » qui est la négligence, le manque de considération, des indignités commises sur les résidents. » Il faut donc tenir compte de leurs besoins, leur rythme de vie. Elle cite quelques exemples : « Le soin, la toilette, doivent être un moment privilégié de paroles, et éviter la précipitation, par manque de moyens et de temps, car elle entraîne la brusquerie ; il faut éviter de mettre des protections alors que la personne peut maintenir sa continence, etc. mais tout cela, la vigilance maintenue, une attitude bienveillante, de l’empathie, passe par l’équipe de professionnels que la direction doit entourer pour travailler quotidiennement avec les personnes âgées, tout au long du parcours. Il faut un management de la bientraitance. » En effet, explique-t-elle : « Le respect et la considération passe par le souci du bien-être des équipes, de l’infirmière à la femme de ménages, au cuisinier. Ce n’est pas de la mièvrerie ou de la mollesse, il s’agit de clarifier les missions de chacun. »

« Aborder des thèmes sur le vieillissement amène l’équipe à une réflexion éthique »

Pour ce faire des réunions quotidiennes « de paroles libres », permettent de réfléchir sur la vie des résidents, leur moral, leur état de santé et la recherche de solutions adéquates. « Aborder des thèmes sur le vieillissement amène l’équipe à une réflexion éthique. La promotion de la bientraitance »,assure-t-elle. Elle indique, par ailleurs, que l’équipe est confrontée à la vieillesse et à la mort, « ces réalités engendrent des souffrances, des groupes de paroles sont proposés car pour prendre soin des autres, il faut prendre soin de soi ».

Lydia Gorenne est infirmière à l’EHPAD Saint-Jean à La Fare les Oliviers. Dans cet établissement, il a été développé le concept de « l’Humanitude » qui met du sens et un contenu dans les gestes simples de la vie quotidienne comme le regard, la parole et malgré les contraintes, mettre en avant la vie de la personne accompagnée plus que les impératifs professionnels de l’accompagnateur.

« Nous pratiquons « l’humanitude », c’est à dire ne pas perdre de vue la dignité d’un être humain »

Lydia Gorenne s’occupe depuis 22 ans de personnes âgées qui ont plus de 80 ans. Forte de son expérience, elle justifie le terme « bientraitance » qui « oblige les professionnels à garder la mémoire de la maltraitance ». Elle met en exergue : « La perception de l’individu, de sa place dans l’existence ». De fait « nos missions consistent à améliorer la santé des personnes et accompagner la vie jusqu’au bout et pour cela nous pratiquons « l’humanitude », c’est à dire ne pas perdre de vue la dignité d’un être humain et cela passe par la bientraitance du réveil au repas, la communication, la relation avec les familles. C’est aussi saisir le sens des mots de ces personnes qui parfois ne savent plus qui elles sont, par la parole, le toucher, le regard. »

« Quand elles ont perdu la parole, il reste le regard »

Une prise en charge non médicamenteuse qui permet « d’améliorer la relation soignant-soigné, une méthode qui quitte la pathologie pour travailler avec les capacités réduites mais existantes. Et chose importante, connaître le parcours de vie de la personne pour mieux la comprendre. » Et c’est avec émotion qu’elle raconte :« Je vous assure, je vais à la rencontre des personnes âgées et je reçois des cadeaux comme « Je t’aime toi ». Et quand elles ont perdu la parole, il reste le regard. »

Patricia MAILLE-CAIRE

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