Union Européenne. La révolution Macron l’emportera-t-elle ?

Publié le 11 mai 2022 à  10h12 - Dernière mise à  jour le 29 novembre 2022 à  12h28

Le président de la République s’est rendu à Strasbourg pour participer à la cérémonie de clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe lancée le 9 mai dernier et dont il avait été à l’initiative. Il a, à cette occasion, devant le Parlement européen, réaffirmé son soutien à l’Ukraine, plaider en faveur d’une Europe souveraine et efficace. Il a enfin appelé les Européens à engager une réflexion sur une nouvelle Communauté politique européenne, qui permettrait, au-delà de l’Union européenne, aux Nations européennes et démocratiques, de trouver un nouvel espace de coopération.

Emmanuel Macron à Strasbourg lors de la clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (Photo capture d'écran)
Emmanuel Macron à Strasbourg lors de la clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (Photo capture d’écran)

Un an durant, des représentants du Parlement européen, des Parlements nationaux, de la Commission européenne et des panels citoyens européens ont participé à cet exercice inédit de consultation citoyenne pour formuler des propositions pour l’Europe de demain. La cérémonie a été l’occasion pour des citoyens européens de témoigner de leur expérience, d’intervenir sur les propositions et de les remettre aux représentants des institutions.

«Agir fort. Aller vite. Rêver grand»

A cette occasion Emmanuel Macron devait citer les propos tenus par Robert Schuman, le 9 mai 1950: «La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui les menacent». Des mots qui, dans le contexte actuel, sont à ses yeux «plus essentiels que jamais». Face à la guerre en Ukraine, face aux incertitudes, c’est une message tout à la fois d’espoir et d’ambition qu’il a lancé: «Agir fort. Aller vite. Rêver grand. Ces mots ne sont pas seulement l’apanage de la Chine ou des États-Unis d’Amérique. Ces ambitions, nous les faisons nôtres. Gardons bien à l’esprit qu’il ne serait rien sans ce supplément d’âme européen qui nous rend unique, qui fixe le cap, donne le sens, qui fait que notre Europe et ce continent inédit où les grandes célébrations se font en parlant toutes nos langues et en les traduisant et en ayant une langue universelle qui est la nôtre, la musique, nos hymnes européennes».

«Un exercice démocratique inédit dans notre Union»

Il revient sur la Conférence sur l’avenir de l’Europe, dans laquelle il voit une nouvelle étape, «celle d’un exercice démocratique inédit dans notre Union, qui ne consiste donc pas à confronter nos citoyens à des alternatives parfois peut-être trop simples, pour ou contre, mais de les associer pleinement à la réflexion sur l’avenir de notre Europe». Il ajoute: «Ce que vous avez fait, et qui est inédit, c’est d’être pleinement associé à la conception à un moment de défi historique et de créer par la délibération collective, l’intelligence du débat, la confrontation d’idées, des solutions, certaines prêtes à être tout de suite appliquées, d’autres qui doivent poursuivre leur chemin, mais toutes qui nous permettent de bâtir cette Europe d’aujourd’hui et de demain».

«Une Europe plus juste, plus inclusive»

Pour Emmanuel Macron cette conférence ne doit pas s’arrêter là. Il met en exergue: «Beaucoup de vos propositions n’ont pas besoin de réforme institutionnelle, mais nous rappellent à la nécessité de l’agenda qui est le nôtre. La protection du climat et de la biodiversité, la santé et la qualité de notre alimentation. Une Europe plus juste, plus inclusive. Une Europe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Une Europe dotée des moyens de se défendre, une Europe solidaire, une Europe de la défense de nos valeurs et de l’État de droit».

« Préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine»

Puis de réaffirmer le soutien de l’Europe à l’Ukraine, à son président, Volodymyr Zelensky, et tout le peuple ukrainien. Il précise une nouvelle fois: «Nous ne sommes pas pour autant en guerre contre la Russie. Nous œuvrons en Européens pour la préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, pour le retour de la paix sur notre continent». Il prévient: «Quand la paix reviendra sur le sol européen, nous devrons en construire les nouveaux équilibres de sécurité et nous devrons, ensemble, ne jamais céder à la tentation ni de l’humiliation, ni de l’esprit de revanche, car ils ont déjà trop, par le passé, ravagé les chemins de la paix».

«Rester ouvert sans être dépendant»

Puis de plaider en faveur d’une Europe maîtresse de son destin, libre de ses choix, d’une Europe puissance ouverte au monde. «Rester ouvert sans être dépendant est une condition de la poursuite du projet européen et de nos démocraties». De même, il plaide en faveur d’une Europe apte à se défendre. Il souhaite pour cela des investissements et l’identification «des capacités qui sont à bâtir et construire pour cela des filières industrielles européennes, nous préparer aux nouvelles formes de conflictualité, qu’il s’agisse du spatial, du cyber, du maritime et mieux protéger les pays ici présents qui sont à la frontière de l’Union européenne».

«Sortir plus vite des énergies fossiles»

En matière écologique, il considère: «Nous devons sortir plus vite, et la guerre nous l’impose, des énergies fossiles. C’est à la fois répondre à notre agenda climatique et être plus souverain et mettre la Russie face à ses responsabilités». «Il nous faut aussi, ajoute-t-il, retrouver notre indépendance alimentaire». Il n’omet pas d’évoquer l’indépendance démocratique et informationnelle. «La démocratie est fragile, l’État de droit est précaire. Sachons ensemble en rebâtir la force par des engagements nouveaux. Notre indépendance et notre souveraineté sont les conditions de notre liberté».

Extension du recours à la majorité qualifiée

Et de définir un deuxième grand chemin «celui de l’efficacité. Oui. Répondre face aux crises avec force, clarté, rapidité est décisif et le faire en tant que démocratie». Il se déclarer également favorable à une révision des traités ainsi qu’à une extension du recours à la majorité qualifiée «pour nos principales politiques publiques. Il nous faudra continuer aussi d’avancer et de définir les voies et moyens d’être plus solidaires, clarifier nos objectifs, et l’objectif de toutes nos institutions, en instaurant des objectifs qui nous permettront de tenir notre Europe unie : la croissance, le plein emploi, nos objectifs climatiques».

«Repenser notre géographie et l’organisation de notre continent»

Pour Emmanuel Macron: «La guerre en Ukraine est l’aspiration légitime de ce peuple comme de la Moldavie et de la Géorgie à rejoindre l’Union européenne nous invitent à repenser notre géographie et l’organisation de notre continent». Il ajoute immédiatement: «Mais même si nous lui accordions demain le statut de candidat – -l’instruction est faite et je souhaite que nous allions vite à l’adhésion- à notre Union européenne, nous savons tous parfaitement que le processus leur permettant l’adhésion, prendrait plusieurs années, en vérité, sans doute plusieurs décennies». Alors, pour lui: «Nous avons donc le devoir historique, non pas de faire comme on a toujours fait et de dire la seule réponse est l’adhésion (…) mais d’ouvrir une réflexion historique à la hauteur des événements que nous sommes en train de vivre sur l’organisation de notre continent».

«Création d’une communauté politique européenne»

Et de relancer une idée de François Mitterrand, formulée en 1989: la création d’une confédération européenne et de se prononcer en faveur de la création d’une communauté politique européenne. «Cette organisation européenne nouvelle permettrait aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité, de coopération en matière énergétique, de transport, d’investissements, d’infrastructures, de circulation des personnes et en particulier de nos jeunesses. La rejoindre ne préjugerait pas d’adhésions futures à l’Union européenne, forcément, comme elle ne serait pas non plus fermée à ceux qui ont quitté cette dernière».

Treize États membres, dont la Pologne, la Roumanie et la Suède, n’ont pas attendu la fin de son discours strasbourgeois pour rejeter les « tentatives inconsidérées et prématurées» de revoir les traités.
Michel CAIRE

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