Villa Méditerranée à Marseille: Ghariani – Plantu – Rozental pour dessiner une Méditerranée de Paix

Publié le 11 novembre 2015 à  14h34 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h44

«Le terrorisme tue, mais l’enfant qui est mort sur les côtes européennes est mort à cause de l’indifférence de l’Europe», Lance Michel Vauzelle, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. «Nous avons, poursuit-il, dit notre honte de l’Europe. On ne demande pas à quelqu’un qui se noie sa nationalité. Nous avons dit qu’il ne s’agissait pas de faire du tri sélectif, c’est pour les ordures, on accueille des gens qui arrivent en pleine détresse». Des propos, forts, tenus à l’occasion de l’accueil de l’exposition pédagogique «Dessine-moi la Méditerranée» réalisée par les dessinateurs de Cartooning for Peace (*). Exposition dont la Région est partenaire dans le cadre de son appel à projets «La Méditerranée des médias» et qui a vu les dessinateurs Plantu, Izel Rozental et Nidahl Ghariani faire le déplacement à la Villa Méditerranée à Marseille. Ils ont ainsi pu rencontrer, débattre, avec un public composé de nombreux jeunes.

Nidahl Ghariani, Plantu et  Izel Rozental pour dessiner une Mediterranée de Paix à la Villa Méditerranée à Marseille (Photo Robert Poulain)
Nidahl Ghariani, Plantu et Izel Rozental pour dessiner une Mediterranée de Paix à la Villa Méditerranée à Marseille (Photo Robert Poulain)
Michel Vauzelle, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et le dessinateur Plantu, président de Cartooning for Peace  (Photo Robert Poulain)
Michel Vauzelle, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le dessinateur Plantu, président de Cartooning for Peace (Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)

Les dessinateurs ont présenté l’exposition composée de 12 panneaux déroulants, accompagnés d’un dossier enseignant et d’un livret élève. Ce kit pédagogique est présenté dans un premier temps en région Paca, puis circulera dans l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen. Plantu explique : «Plus que contre les intégrismes, notre combat est contre l’ignorance, qui font que des gens ne comprennent pas les images». Michel Vauzelle interpelle : «Comment aller devant les monuments aux morts et dire: plus jamais la guerre, plus jamais le nazisme, alors que cela se passe en Europe ? Dans ce bassin méditerranéen, chrétiens, musulmans, juifs, athées, nous sommes dans une communauté de destin et nous l’accomplirons».

«Il n’est pas besoin d’aller loin en Méditerranée pour prendre des leçons de solidarité»

Bernard Valero, ambassadeur, dirige la Villa Méditerranée, avoue avoir été sensible aux propos de Michel Vauzelle «très graves, sur un sujet très grave». «Il n’est pas besoin d’aller loin en Méditerranée, ajoute-t-il, pour prendre des leçons de solidarité, je pense au Liban, 4 millions d’habitants, qui accueille 1,5 millions de réfugiés qui ont fui la Syrie». Puis de saluer cette exposition «belle leçon de liberté et de solidarité». «Il n’y a rien de plus important pour un adulte que d’accompagner des jeunes, afin de leur permettre de vivre dans un monde meilleur».
Nidahl Ghariani évoque une mer qui, plus que Méditerranée, «devrait s’appeler Rouge, de par son passé, ses conflits. Et puis, entre ses rives, je me suis demandé ce qui pouvait rassembler et j’ai pensé aux similitudes. C’est ce que l’on cherche lorsqu’on est perdu, lorsqu’on est à l’étranger, les similitudes, une langue commune. Et je pense que nous, méditerranéens, devons nous concentrer sur cela». Il se tourne vers Michel Vauzelle : «J’ai été agréablement surpris par vos propos». Puis d’évoquer la Tunisie : «Nous accueillons actuellement 1,5 millions de Libyens»…
Plantu reprend : «Nous savons, depuis dix ans, que des dessins sont mal compris, qu’il faut s’expliquer. Aujourd’hui nous sommes devant vous, un musulman, un juif et quelqu’un qui a été catholique, nous sommes là pour faire partager nos convictions, nos images».

«Il y a cinq ans, nous avons attrapé une maladie : nous avons commencé à parler et on ne peut plus s’en passer»

Une question vient de la salle : «Avez-vous peur ?». Nidahl Ghariani répondra : «En Tunisie, nous n’avions qu’une seule parole. Puis, il y a cinq ans, nous avons attrapé une maladie : nous avons commencé à parler et on ne peut plus s’en passer. Parfois c’est maladroit mais nous aimons nous écouter, rire, pleurer. Nous découvrons notre réalité, elle n’est pas toujours belle, mais c’est la nôtre».
Pour Plantu, il ne doit pas être question de peur «mais de dialogue». «Or, à partir du moment où on humilie,il ne peut avoir lieu. Donc le respect s’impose, car lui seul permet le dialogue qui, lui-même, est enrichissement». Izel Rozental assure : «Je n’ai pas peur car il existe une solidarité entre dessinateur qui me donne du courage». Précisant: «Ici vous me voyez comme un turc qui dessine, en Turquie je suis le juif qui dessine et chez les juifs, l’ashkénaze qui dessine, autant d’identités mais toujours le dessin, la liberté».
Dans la salle, une personne s’interroge: «Mais est-ce que quelque chose a changé avec l’attentat de Charlie Hebdo et les dessins étaient-ils trop violents ?»
Nidahl Ghariani réagit : «Rien ne laissait penser aux gens de Charlie, ceux de la plage tunisienne ou du Bardo, qu’ils allaient mourir. Cela peut arriver à tout le monde. Je me suis rendu avec ma fille, un mois après l’attentat, sur la plage de l’hôtel où il a été commis et je me disais : Est-ce que le terroriste m’aurait demandé si nous étions tunisiens ou touristes avec ma famille, avant de tirer ? Bien sûr que non. Il en aurait été de même au Bardo. Les gens qui ont perdu la vie n’étaient coupables de rien, pas plus que les dessinateurs de Charlie. Il y avait des dessins avec lesquels on peut ne pas être d’accord, OK, mais ils dessinaient, ils n’y avaient aucune raison de les tuer». Souligne: «Aujourd’hui des dessinateurs quittent la Tunisie, ceux qui restent sont par là-même plus visibles aux ennemis de la liberté d’expression, les terroristes mais aussi des politiciens. Mais nous continuons».
Pour Izel Rozental le 7 janvier à changer quelque chose : «Avant je faisais attention, je ne voulais pas blesser, aujourd’hui mon point de vue à changer : on peut faire tout ce que l’on veut ».
Michel CAIRE

(*)Cartooning for Peace: initiative lancée par Plantu et Kofi Anan, et un réseau international de dessinateurs de presse engagés qui combattent, avec humour, pour le respect des cultures et des libertés. Depuis 2006, Catooning for Peace sensibilise le public aux enjeux de la liberté d’expression et aux grands problèmes de société en utilisant la forte valeur pédagogique du dessin de presse. Elle compte aujourd’hui 125 dessinateurs de 51 nationalités, impliqués dans la promotion du dialogue et de la tolérance.

Dessine-moi la Méditerranée

L’exposition pédagogique Dessine-moi la Méditerranée trace les contours de la région méditerranéenne d’aujourd’hui, construite par les contacts et les liens culturels incessants entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie au fil des siècles. Tout en rendant hommage à cet espace de diversité culturelle, les dessinateurs de presse de «Catooning for Peace» croquent aussi des littoraux surpeuplés, pollués par le tourisme et marqués par les troubles et les conflits. Tour à tour ils décortiquent à coups de crayons l’état de la liberté de d’expression dans la région, les exils forcés et les frontières, la cohabitation, bon gré mal gré, des religions, les défis pour la jeunesse… donnant ainsi des clés pour mieux lire et comprendre les grandes problématiques du pourtour méditerranéen d’aujourd’hui et contribuer à la construction d’un espace commun de paix où vivre ensemble. Nouvel outil développé par Cartooning for Peace, « Dessine-moi la Méditerranée » permet aux enseignants et aux acteurs de la vie sociale et culturelle du pourtour méditerranéen d’accompagner la formation d’un esprit critique, d’encourager la réflexion sur des événements historiques ou d’actualité et de promouvoir des espaces de débats pour les jeunes.
Plus d’info: Cartooningforpeace.org

Diaporama Robert Poulain

Articles similaires

Aller au contenu principal