Publié le 25 octobre 2015 à 23h40 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h42
«Le Pays du sourire», l’opérette de Franz Lehar, fait toujours recette. Et c’est bien mérité. Parce que la partition est de qualité, sans temps morts, parce que les airs sont nombreux et beaux, parce que le livret tient bien la route et parce que cette histoire d’amour, pour le moins exotique, fait rêver, sourire et pleurer. Bref, pour toutes ces raisons, en ce dimanche après-midi, l’Odéon de Marseille avait pratiquement fait le plein pour la deuxième représentation de l’ouvrage.
Une production retravaillée par le metteur en scène Jack Gervais qui a intelligemment concentré le propos sur l’histoire d’amour malheureuse en supprimant quelques ficelles comiques. De plus, ces représentations ont aussi bénéficié des costumes de l’Opéra, notamment ceux de «Turandot» et ceux, très années folles, d’un spectacle intitulé… «Années folles». Et c’est fou ce que tout cela apporte à l’œuvre : crédibilité, modernisme, regard neuf. On ne s’ennuie pas une minute et, visiblement, sur scène les artistes prennent beaucoup de plaisir; dans la salle nous aussi. Pour servir l’œuvre, c’est une distribution des plus intéressantes qui est réunie. Aux côtés de quelques figures tutélaires, Simone Burles en Duchesse pétillante, Dominique Desmond en infâme oncle Tchang, Michel Delfaud en élégant, et coquin, comte de Lichtenfels et Antoine Bonelli, inénarrable chef des eunuques, ce sont de jeunes artistes qui prêtent traits et voix aux héros de la pièce. A commencer par la charmante Charlotte Despaux, qui incarne une Lisa très crédible. Au-delà d’atouts physiques indéniables, la jeune femme possède une voix agréable et puissante, avec une belle ligne de chant. Tout juste peut-on lui reprocher quelques lacunes dans la diction et un léger manque d’expérience dans les parties parlées et jouées. Ce qui n’enlève rien de son pouvoir de séduction qui prend toute sa mesure dans les duos avec Marc Larcher. Vous avez dit séduction ? Le ténor n’en manque pas, campant un Sou-Chong quasi-parfait. Phrasé idéal, voix bien placée, puissance, il excelle en amoureux éperdu et bissera le final de «Je t’ai donné mon cœur» pour le plus grand plaisir de la salle. Belle découverte, aussi, en cet après-midi d’automne : celle de Julie Morgane qui campe une princesse Mi très… «Mimi». Sa finesse et son minois servent son jeu et sa voix est des plus agréables. Elle est un rayon de soleil qui vient illuminer la scène. Le marseillais Rémi Cotta, excellent comédien, est un Gustave bien présent. Sneji Chopian, Agatha Mimmersheim, Servane Lombard, Jean Goltier, Damien Rauch et Vincent Jacquet apportent chacun, avec talent, leur pierre à l’édifice, tout comme les danseurs et un chœur Phocéen solide et bien préparé. Puis, il y a l’orchestre du Théâtre de l’Odéon, qui n’est pas pour rien, loin s’en faut, dans le succès de cette représentation. Sous la direction de Bruno Membrey, les musiciens servent la partition de fort belle façon, avec un son parfois délicieusement suranné qui est loin de nous déplaire et qui est assurément un «plus» pour la qualité de la production. Avec ce «Pays du sourire», la saison d’opérettes est bien lancée à l’Odéon. Prochains rendez-vous les 21 et 22 novembre pour «Un de la Canebière» de Vincent Scotto.
Michel EGEA