Vingt-deux ans après avoir été jouée à l’Odéon, l’opérette d’Edmond Audran a retrouvé le haut de la Canebière le week-end dernier. Un retour réussi et joyeux qui a satisfait celles et ceux qui y ont participé.
En 1877, lorsque « Le Grand Mogol » est créé au théâtre du Gymnase de Marseille, Edmond Audran, le compositeur lyonnais, arrivé à l’âge de 19 ans sur les rives du Vieux-Port, est organiste titulaire des orgues de l’église Saint-Joseph. Son opérette, qui conte les aventures d’un prince indien amoureux d’une jeune parisienne exilée, connaît alors un franc succès. Elle sera jouée près de soixante fois, ce qui est remarquable en province.
La dernière reprise de l’ouvrage remonte à 2003 à l’Odéon et, en cette saison du centenaire de l’Opéra, Maurice Xiberras a décidé d’en programmer une nouvelle production. Choix pour le moins judicieux qui a rappelé qu’il n’y a pas que « Le chanteur de Mexico » ou « La Belle de Cadix » dans la vie et que d’autres partitions, superbement écrites, sont a découvrir et apportent, elles aussi, du bonheur à leurs auditeurs.
Le Grand Mogol était donc invité à Marseille. Sorti d’un livret de Duru et Chivot, le jeune prince Mignapour doit rester chaste jusqu’à son couronnement sous peine d’être banni. Mais il est tombé amoureux d’Irma, une parisienne exilée en Inde avec son frère Joquelet, et doit l’épouser après son couronnement. La cousine du futur Mogol, Bengaline, veuve de son état, compte bien, elle, convoler avec son cousin et ainsi s’asseoir sur le trône. Elle est appuyée dans cette volonté par le Grand Vizir qui tient à son poste et par un capitaine de l’armée britannique, Crakson qui a lui aussi craqué pour Irma. Complot, quiproquos et finalement Mignapour épousera Irma et Bengaline, Crakson… C’est Yves Coudray qui signe la mise en scène de cette nouvelle production l’inscrivant dans les décors à l’orientalisme chatoyant de Loran Martinel parfaitement adaptés à l’étroitesse de la scène. Un plateau sur lequel le metteur en scène dirige ses troupes avec élégance et précision. Rien n’est laissé au hasard et les moindres déplacements des interprètes apportent du sens à l’action. Yves Coudray évite tous les pièges de la lourdeur et de l’orientalisme dégoulinant pour ravir son public avec finesse.
Il peut compter pour cela sur une troupe totalement investie à ses côtés et qui, revêtue de somptueux costumes réalisés dans les ateliers de l’Opéra, apporte tout son sens au travail du metteur en scène. Julia Knecht, voix fraîche et bien en place, est une Irma juvénile et fine, et Jérémy Duffau, timbre assuré et projection idéale un Mignapour noblement énamouré. A leurs côtés Caroline Géa est une Bengaline à la voix chaude et de belle maturité qui affirme son rôle de façon éloquente; Gilen Goicoechea, voix puissante et précise, est un Grand Vizir aux faux airs d’Iznogoud et Frédéric Cornille est un Joquelet idéal, vocalement et scéniquement. Quant à Dominique Desmons, dans un rôle parlé, il apporte à Crakson bêtise et naïveté avec un accent impayable et l’usage d’un franglais maîtrisé avec, il faut bien l’avouer, plus de franc que d’anglais. Sortis des rangs de l’excellent Chœur Phocéen préparé par Rémi Littolff, Sabrina Kilouli. Damien Barra, Jacques Freschel et Corentin Cuvelier se voit attribuer quatre rôles secondaires qu’ils abordent avec aisance. Enfin, soulignons tout l’intérêt des chorégraphies de Anne-Céline Pic-Savary qui, avec Marion Iglesias, Guillaume Revaud et Vincent Tapia apportent avec bonheur leur pierre à cet édifice orientaliste fort réussi.
Michel EGEA
Prochaine opérette à l’Odéon: « La Belle Hélène » d’Offenbach les 22 et 23 février 2025. Plus d’info: opera-odeon.marseille.fr