Publié le 8 avril 2018 à 22h02 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h23
Comme beaucoup de mes congénères, j’ai très tôt été fascinée par la nature : elle m’a offert mes premiers instants de contemplation, mais aussi des questionnements profonds quant à l’évolution de la vie sur terre. Enrichie d’une enfance libre dans la campagne boisée de l’Est de la France, j’ai réalisé combien ce rapport à la nature était fondamental dans ma vie lorsque j’ai pu côtoyer d’autres forêts, sous d’autres latitudes… aux antipodes de ma région natale ! Ces paysages et leurs écosystèmes ont confirmé mon intérêt pour la biologie, cette science à mi-chemin entre les sciences «dures» et les sciences que l’on dit «humaines», comme la sociologie ou encore la philosophie.
Mon parcours de biologie m’a très vite permis de faire des stages dans des parcs naturels, où les études de faune et de flore sont légion. Deux mois d’inventaire d’orchidées sauvages, 4 mois de suivi de population de sangliers, et quelques cartographies de «prairies remarquables» plus tard, j’ai dû me rendre à l’évidence : cette approche de la biodiversité me posait de profondes interrogations… Pour quoi ? Pour qui ? Où était la pertinence de la préservation des milieux naturels au sein de ces réserves, parcs, et autres musées de la biodiversité, tandis que de l’autre côté de la frontière du-dit parc l’agriculteur voisin nous embaumait de produits de synthèse au fil des saisons…?
Quel intérêt de préserver l’habitat de la salamandre tachetée si l’eau de pluie qu’il reçoit est contaminée par des molécules inventées par l’homme pour optimiser ses productions agricoles…? Pourquoi alors établissons-nous de tels musées vivants de la biodiversité ? Pour satisfaire notre plaisir de contemplation ? Pour compenser notre appétit vorace sur les milieux qui nous hébergent ? Pour nous rassurer quant à notre capacité de bienveillance ? Sommes-nous véritablement capable de mesurer et de prendre en compte les enjeux liés à la biodiversité… ?
Oui, le spectacle que nous offre notre environnement est magnifique, et la biologie passionnante : comment l’évolution a-t-elle pu construire de telles parures, de telles couleurs, de telles parades ou encore de tels chants ? Et est-il nécessaire de la comprendre et l’aborder scientifiquement, techniquement, mécaniquement, pour l’apprécier ? S’il s’agissait simplement de prendre un peu de recul, de replacer l’humain dans l’histoire de la vie ?
Nous sommes apparus il y a bien peu de temps à l’échelle de la vie sur Terre, fourmis, bactéries et fougères nous ont précédés, et ont su se développer harmonieusement bien avant notre arrivée… Alors, s’il s’agissait seulement de nous positionner : quel rapport souhaitons-nous établir avec ce que nous appelons communément «la nature»? Sommes-nous contraints de la dominer ou de la maitriser, selon les schémas «modernes» admis depuis les propositions de Descartes? Ou pourrions-nous aussi simplement nous intégrer à cette nature, et en prendre soin comme nous savons prendre soin des êtres qui nous entourent ?
Les enjeux sont multiples : il n’est pas seulement question d’entretenir un paysage qui nous rassure et nous émerveille, mais bien de maintenir les conditions nécessaires pour que les écosystèmes qui nous entourent puissent continuer à évoluer, autour de des équilibres délicats qui les constituent. On parle depuis quelques semaines de la forte diminution des populations d’oiseaux sur les dernières décennies… On voit bien là une illustration claire de la complexité des écosystèmes : on ne peut pas imaginer «maitriser» les populations d’insectes, qu’on considère nuisibles aux cultures alimentaires, ou encore réduire les haies et surfaces boisées, sans qu’il n’y ait de dommage aux populations qui s’y logent et s’en nourrissent !
On le sait déjà, les interactions dans les écosystèmes sont nombreuses et probablement encore mal connues. Aussi intelligents et avancés en technologies soyons nous, nous ne saurions remplacer par des machines et des substances de synthèse, à la fois l’effet de prédation des larves de coccinelle sur les pucerons, les ballets fertiles de pollinisateurs, qui permettent aux fleurs de former des fruits, ou encore l’œuvre des vers de terre qui forment le subtil alliage du minéral et du végétal pour former de l’humus. En tout cas, plutôt que de réfléchir aux techniques palliatives, il semble bien plus simple, et sain, de prendre soin du vivant qui nous entoure et de savourer tous ses bienfaits, connus et méconnus, il est encore temps !
Propositions de lecture :
« Le monde a-t-il un sens ?» J.-M. Pelt & P. Rabhi
« L’entraide, l’autre loi de la jungle.» Pablo Servigne
«Reconsidérer la richesse.» P. Viveret
A lire aussi :
« Nourrir la terre pour nourrir les Hommes »
Destimed ouvre un nouveau champ avec une chronique régulière sur l’agroécologie portée par Madeline Carlin, ingénieur agronome, qui est membre du réseau des animateurs en agroécologie (AAE) -formés par Terre & Humanisme afin de transmettre l’agroécologie, ses pratiques et son éthique en suivant la voie que Pierre Rabhi a initié pour la souveraineté alimentaire, le respect de tous et du vivant…-