Publié le 26 juillet 2020 à 19h49 - Dernière mise à jour le 9 juin 2023 à 21h51
Les impacts négatifs de la récente période de confinement se sont étendus à de nombreuses cérémonies religieuses qui ont dû être reportées, parmi lesquelles plusieurs mariages encore en attente de bénédiction. On souhaite le meilleur aux futurs époux, et tous cas des célébrations qui ne ressemblent pas à celle à laquelle a été confronté le compositeur Franz Liszt à Marseille au 19e siècle. C’est le petit-fils du poète marseillais Joseph Autran (1813-1877), académicien français et ami de Liszt, qui a raconté les curieuses circonstances ayant provoqué un moment musical resté gravé dans la mémoire artistique phocéenne. Voici ce qu’il écrit : «Vers le 1er mai 1845, Liszt et Autran sont invités à dîner dans une villa de la banlieue marseillaise. Or Autran doit fausser compagnie à ses hôtes vers 11 heures du soir, pour faire office de témoin dans un mariage célébré à minuit (!) à la cathédrale de La Major. Liszt, toujours généreux, s’offre à l’accompagner et à tenir l’orgue pendant la cérémonie. Arrivés à la cathédrale, ils arpentent longuement la nef obscure en attendant le cortège nuptial … Divers sujets littéraires, musicaux, politiques alimentent leur conversation. Mais voilà qu’un sacristain vient les avertir que le mariage est annulé : la robe de la mariée a pris feu ! Liszt, n’entendant pas s’être déplacé sans raison, propose à Autran de se mettre à l’orgue et de lui jouer « quelque chose de sa façon ». Pendant une heure, il improvise une grandiose symphonie sur la Divine Comédie de Dante et ne s’arrête qu’au moment où le sacristain à moitié endormi vient les prier de le laisser se coucher … » Sur des poèmes de ce même Autran, Liszt compose au même moment des chœurs qui seront chantés par la chorale Trotebas, remarquable ensemble local paraît-il. Quelques années plus tard, le musicien se servira du matériau thématique de ces pièces afin d’écrire le célébrissime poème symphonique «Les Préludes » pour orchestre. Mais sa compagne de l’époque, la princesse Carolyne Wittgenstein, l’incite à indiquer que cette œuvre puissante a été inspirée par … Alphonse de Lamartine ! En effet, pour elle, cette référence prestigieuse était bien plus porteuse que l’évocation d’un écrivain marseillais. Snobisme, quand tu nous tiens …
Philippe GUEIT