Publié le 30 juin 2019 à 17h55 - Dernière mise à jour le 9 juin 2023 à 21h55
Le titre de la pièce l’indique : «Good night » se veut de conception anglo-saxonne, et on ajoutera qu’ici s’entrecroisent humour et gravité. Tantôt comédie, tantôt drame, fourmillant de rebondissements, possédant une intrigue à tiroirs, qui déstabilisent sciemment le spectateur, «Good night» nous prend, ne nous lâche plus jusqu’à un dénouement inattendu dont la particularité est d’éclairer la pièce sous un autre angle. Comme c’est souvent le cas avec les bons textes où tout est une affaire de style, l’intrigue tient dans la main…
Une nuit, un homme entre par effraction dans un appartement. Il est surpris par une femme qui, terrifiée, saisit une arme et le menotte à son lit… S’ensuit une confrontation violente entre ces deux êtres que tout oppose. Pourtant, ils ont quelque chose en commun qui va bouleverser la vie de Léa… Le puzzle reconstitué, on redécouvre les deux personnages autrement, et un peu comme dans la pièce de Shaffer «Le limier» tel est pris qui croyait prendre. Et si l’intrigue regarde par moments du côté du thriller la dimension psychologique prend le dessus, et sert de prétexte à brasser différents thèmes comme le désir d’enfant, la filiation, la famille, le deuil, et le besoin de se connaître. Né le 15 février 1986 Romain Poli, originaire du 93, est quelqu’un qui va vers les gens. Il les a écoutés compris, aimés. Fils d’un cheminot et d’une mère couturière devenue assistante maternelle, se destinant d’abord à devenir un athlète de haut niveau, dans la discipline de la gymnastique, il a entrepris des études de lettres modernes et, taraudé par le désir d’être acteur a fait des petits boulots pour gagner sa vie et sa liberté. Anciennement vendeur dans le prêt-à-porter le voilà écrivant et jouant dans différentes productions. Passionné par l’écriture il est auteur du court-métrage «Je suis une ecchymose» où, de manière puissante, il illustrait avec honnêteté la souffrance silencieuse des personnes victimes de discriminations homophobes. Un combat personnel qui est abordé en filigrane dans «Good night» pièce inclassable qu’il joue lui-même avec pour partenaire Nouritza Emmanuelian, comédienne et réalisatrice qui a tourné récemment dans la série «Fais pas ci, fais pas ça », et qui a été la partenaire de Romain Poli sur «Je suis une ecchymose » court-métrage réalisé dans le cadre du Nikon Film Festival, manifestation pour laquelle elle a également signé plusieurs œuvres. «C’est une personnalité incroyable, aime à dire d’elle Romain Poli, Nous avons un rapport d’amitié et qui, du côté professionnel, sonne comme une évidence.» Nouritza Emmanuelian apporte à la pièce Good night un supplément d’âme doit-on ajouter.
Comédien-artiste libre et courageux
Profondément doué Romain Poli est un comédien libre, aux choix courageux et profondément hors des sentiers battus. On l’a vu dans «Hamlet» à Grignan aux côtés de Philippe Torreton mis en scène par Jean-Luc Revol. On l’a applaudi dans «Entre vos murs» pièce coup de poing de Samuel Ganes dans laquelle on revit les destins parallèles de sept personnes pris dans la tourmente de la Seconde Guerre Mondiale, et dont la vie va côtoyer les camps de concentration. Cette pièce inspirée de témoignages authentiques est avant tout un texte humaniste qui nous démontre que l’individu, avant d’être homme ou femme, juif ou musulman, homosexuel, tsigane ou noir, communiste ou même nazi, reste avant tout un être humain. On l’a trouvé émouvant aux côtés de Mike Fédée dans «A partir d’un SMS » de Silvas Van H. Une comédie gay moderne qui analyse une relation amoureuse à travers la rencontre de Jo et Mathieu. Du premier rendez-vous à la rupture, on entre dans cette histoire d’amour par le biais de leurs confessions. A chaque étape, ils nous font partager les craintes, les désirs qu’ils ressentent et nous renvoient forcément à des instants vécus ou entendus. La particularité est que les comédiens ne communiquent pas véritablement entre eux mais s’adressent, la plupart du temps, directement au public par le biais de leurs pensées. On a trouvé remarquable sa mise en scène de la pièce de Michel Giliberti « Le Centième nom». Cette pièce est une tragédie humaniste, minimaliste qui met en scène la rencontre accidentelle de deux hommes, Jihad, le Palestinien et David, l’Israélien, mis face à face. Une rencontre sur fond de ruines. Ayant perdu ses parents dans l’explosion d’une bombe meurtrière, le Palestinien, se prépare à mourir le lendemain en commettant un attentat-suicide. Tous deux attendent la mort. Les dialogues sont âpres, cinglants et mettent en évidence l’absence de dialogue et de compréhension entre les protagonistes. Cette pièce se place irrémédiablement au cœur de l’actualité, tire son titre de l’Islam dans lequel Dieu a 99 noms terrestres et doit révéler son centième nom lors du jugement dernier. On l’a trouvé enfin virevoltant aux côtés de Marie Christine Letort dans l’extrait de «Pour un oui ou pour un non » de Sarraute monté par Jean Luc Revol. Aussi attend-on avec impatience cette pièce « Good night » reprise dans le off d’Avignon à L’Arrache-cœur dans une mise en scène inventive de Guillaume Mélanie.
Jean-Rémi BARLAND
Dans le cadre du Off «Good night» de et avec Romain Poli à l’Arrache-cœur d’Avignon, du 5 au 28 juillet à 16h50 – Salle Vian . Relâches les lundis 15 & 22 juillet. Plus d’info: https://www.arrachecoeur.fr/