Publié le 17 janvier 2018 à 20h39 - Dernière mise à jour le 9 juin 2023 à 21h56
Assistance à auteur en danger
S’ensuit un dialogue nourri de moult éclats de voix au départ, puis fait, au fur et à mesure, d’échanges complices où chacun dévoilera une part de sa vie intime passée et de ses souvenirs (Thomas évoquera sa femme morte d’un cancer), où il sera démontré au final qu’«être auteur, c’est être libre». Joyeuse comédie sur fond de mélancolie et de douleur rentrée, «Tout ce que vous voulez» pourrait s’appeler «Assistance à auteur en danger». Mais, il est parfois risqué de porter secours à un dramaturge en détresse d’inspiration. Celui-ci étant comme un romancier un pilleur de vies, on peut retrouver ensuite ses propos retranscris dans sa pièce, tout comme le voir utiliser les moments passés avec lui dans l’une des scènes de sa comédie. Avec brio, Arnaud de la Pattelière et Matthieu Delaporte jouent avec ces codes, et nous promènent dans une histoire d’amour à retardement, truffée de mots d’auteur, de situations burlesques, et de poésie. Un récit, plus profond qu’il n’y paraît, qui s’apparente à bien des égards aux meilleures comédies de Billy Wilder. C’est dire à quel niveau on se situe ! En revanche si la mise en scène de Bernard Murat ne brille pas par son aspect révolutionnaire, (c’est solide mais pas surprenant), l’absence de prise de risques est contrebalancée au final par une ingénieuse présentation de ce «théâtre dans le théâtre» qui est un des moteurs de la narration. Avec en prime un beau décor signé Nicolas Sire et une musique additionnelle très somptueusement glamour que l’on doit à Benjamin Murat.
Bellissima Bejo et exceptionnel de Groodt
Et puis il y a les acteurs ! Au diapason et en parfaite adéquation avec le texte. Dans le rôle de Lucie, Bérénice Bejo, d’une beauté parfaite, imprime au fil des minutes à son personnage une densité dramatique des plus troublantes. Pas forcément très à l’aise au début, l’actrice nous éblouit par la suite. Parfait de bout en bout, faisant de son personnage d’amoureux qui ne veut pas trop le montrer un être fragile dans la lignée de ceux de la Commedia dell’arte ou de Beaumarchais, Stéphane de Groodt, par Thomas interposé, arrive à nous renverser l’âme. Sa gestuelle, sa manière de se déplacer, ses regards échangés avec Bérénice Bejo apportent densité, et le comédien est tout simplement prodigieux dans la manière de faire entendre… les silences. «Si l’amour porte des ailes, n’est-ce pas pour voltiger ?», écrivait Beaumarchais repris en cela par Jean Renoir au début de «La règle du jeu». Parfaitement d’accord ! Et ici c’est le spectateur qui s’envole !
Jean-Rémi BARLAND
“Tout ce que vous voulez” au Gymnase de Marseille: jeudi 18 janvier à 20h30 – vendredi 19 janvier à 20h30 – samedi 20 janvier à 15h et 20h30 et le dimanche 21 janvier à 15h. Plus d’info et réservations – lestheatres.net