Publié le 22 août 2016 à 20h27 - Dernière mise à jour le 9 juin 2023 à 22h06
Asli Erdogan, l’une des voix les plus importantes de la littérature turque contemporaine, a été arrêtée à son domicile dans la nuit du 16 au 17 août.
Romancière et nouvelliste, Asli Erdogan (dont le patronyme, courant en Turquie, n’a pas de lien avec le président du pays) est également une intellectuelle engagée, membre de la rédaction de Özgün Güden, un quotidien soutenant les revendications des Kurdes, et dont la 8e cour criminelle d’Istanbul a ordonné le 16 août, la fermeture et l’arrestation de ses collaborateurs. Mise en garde à vue au Bureau de lutte contre le terrorisme de la Sécurité turque, puis transférée à l’hôpital, certainement à la suite d’un malaise, Asli Erdogan a été déférée au tribunal le 19 août sur la base de trois chefs d’accusation : «propagande en faveur d’une organisation terroriste», «appartenance à une organisation terroriste», «incitation au désordre». À ce jour, Asli Erdogan a quitté la garde à vue et a été placée en détention dans la prison stambouliote pour femmes, Barkirköy.
Dans un communiqué Actes Sud cite: «En ce qui concerne les écrivains, on s’interroge encore plus : pourquoi s’en prendre à ces voix sincères et talentueuses qui font honneur à la culture turque d’aujourd’hui ? Cela ne rapportera rien, c’est un mauvais calcul et une publicité désastreuse pour un pays qui se plaint toujours de souffrir d’’une image négative. Et puis, méfiez vous des femmes fragiles ! Asli Erdogan ne l’est qu’en apparence et ce n’est pas demain qu’elle cessera de porter un regard critique sur le monde», avance Timour Muhidine, enseignant à l’INALCO, directeur de la collection « Lettres turques » chez Actes Sud, extrait d’un article paru dans Le Monde diplomatique, le 19 août 2016. Asli Erdogan, née en 1967, vit à Istanbul où elle intervient dans le champ politique, notamment pour défendre les droits de l’Homme. Physicienne de formation, elle a travaillé au Centre européen de recherches nucléaires de Genève. Elle a vécu et travaillé deux ans à Rio de Janeiro. Actes Sud a publié La Ville dont la cape est rouge (2003), Le Mandarin miraculeux (2006), Les Oiseaux de bois (2009) et Le Bâtiment de pierre (2013).
Le recueil Je t’interpelle dans la nuit (en version bilingue turc-français) est quant à lui publié aux Éditions de la MEET (Saint-Nazaire) en 2009. Lauréate de nombreux prix, elle est également traduite en anglais, allemand, italien et suédois, norvégien et arabe et incarne le rayonnement de la nouvelle littérature turque, celle de la génération d’après Orhan Pamuk. Elle figure aux côtés de cinq autres auteurs dont Yachar Kemal et Orhan Pamuk, dans un documentaire tourné par Osman Okkan pour Arte.