Publié le 7 décembre 2018 à 19h36 - Dernière mise à jour le 9 juin 2023 à 22h33
Après avoir secouru près de 30 000 personnes en 34 mois, SOS Méditerranée, en partenariat avec Médecins Sans Frontières (MSF), a été contrainte de prendre la décision de mettre fin à l’affrètement du navire l’Aquarius. Face aux attaques incessantes dont le navire et ses équipes ont fait l’objet, cette décision devrait favoriser la reprise rapide et durable de la mission de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. Ainsi, en dépit du climat hostile dans lequel évoluent les ONG de secours en mer, SOS Méditerranée demeure pleinement engagée à fournir une assistance vitale aux naufragés et se prépare à reprendre les opérations de recherche et de sauvetage début 2019.
Dix-huit mois de criminalisation, de décrédibilisation et de diffamation contre les ONG de recherche et de sauvetage ont encore davantage fragilisé les capacités de sauvetage en mer -déjà insuffisantes-, alors qu’augmentait le taux de personnes mortes noyées sur cette route migratoire connue pour être la plus dangereuse au monde. De la sorte, une campagne politique, judiciaire et administrative acharnée, soutenue par plusieurs États européens, a contraint l’Aquarius à rester à quai durant les deux derniers mois, l’empêchant ainsi de reprendre ses activités de recherche et de sauvetage. SOS Méditerranée n’entend pas demeurer inactive plus longtemps : l’association compte poursuivre sa mission et repartir sauver des vies en mer dans le respect le plus complet du droit maritime international. «Renoncer à l’Aquarius a été une décision extrêmement difficile à prendre, mais elle permettra à nos équipes de reprendre les opérations de recherche et de sauvetage le plus rapidement possible», a déclaré Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS Méditerranée. «Nous refusons de rester les bras croisés sur le rivage alors que des gens continuent de mourir en mer. Tant que des êtres humains continueront à tenter la traversée la plus dangereuse du monde, SOS Méditerranée remplira son devoir d’assistance en répondant à l’urgence par tous les moyens professionnels possibles».
Soumis à de multiples pressions politiques, l’Aquarius a été, à deux reprises en moins de deux mois, sciemment exclu des registres de l’État du pavillon de Gibraltar, puis du Panama. Le navire humanitaire doit aujourd’hui répondre à des allégations d’activité criminelle, des accusations disproportionnées et infondées. «Les attaques répétées et ciblées contre les organisations humanitaires, qui viennent s’ajouter à la négligence criminelle des États membres de l’UE qui ne respectent en aucun cas leurs obligations maritimes et internationales, entraînent des risques croissants pour les personnes en détresse en mer », a déclaré Sophie Beau, directrice de SOS Méditerranée France. «Cette année seulement, plus de 2 100 personnes, à notre connaissance, sont mortes en Méditerranée, tandis que beaucoup d’autres ont été interceptées par les garde-côtes libyens, qui sont soutenus par l’UE. Ces naufragés sont ensuite renvoyés de force en Libye, où des traitements inhumains les attendent. L’Aquarius a tenté de combler le manque de dispositifs de sauvetage en Méditerranée durant ces 34 derniers mois. Mais les attaques inacceptables et répétées à son encontre ont fini par l’arrêter. Aujourd’hui, quasiment aucune opération de recherche et de sauvetage ne subsiste en mer et ce vide est pour nous le plus mortifère des échecs de l’Europe ».
L’ONG explore déjà activement les options pour un nouveau navire et un nouveau pavillon, et étudie sérieusement toutes les propositions d’armateurs qui lui permettraient de poursuivre sa mission de sauvetage. «C’est un signe fort de solidarité du monde maritime envers notre mission civile de recherche et de sauvetage. Depuis notre toute première mission, en février 2016, nos opérations n’ont été possibles que grâce au soutien incroyable que nous recevons de la société civile », a déclaré Sophie Beau. «Sauver des vies en mer est et restera notre mission et, aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin du soutien de tous les citoyens qui croient encore en nos valeurs d’humanité en mer et désirent concourir à nos efforts pour trouver un nouveau navire et un nouveau pavillon.»
A propos de SOS Méditerranée SOS Méditerranée est une association civile de sauvetage en haute mer, créée en 2015 dans un élan de la société civile européenne, mobilisée face à l’urgence humanitaire en Méditerranée. Ces quatre dernières années, plus de 15 000 personnes ont été recensées comme s’étant noyées en mer Méditerranée centrale par l’Organisation Internationale des migrations1. Sans oublier tous ceux et celles qui ont sombré sans témoin. Cette situation dure depuis une vingtaine d’années. «Nous ne pouvons accepter que des milliers de personnes meurent en mer sous nos yeux, aux portes de l’Europe, sans rien faire. Notre action de sauvetage en mer répond à un impératif moral et légal, alors qu’il est possible de sauver desvies. Il faut réunir des moyens et agir pour mettre fin à cette tragédie», déclarent les cofondateurs Klaus Vogel et Sophie Beau, le 9 mai 2015 (Journée de l’Europe) lors de la création du mouvement européen SOS Méditerranée à Berlin. La création de SOS Méditerranée s’inscrit dans le cadre légal de l’obligation d’assistance à toute personne en détresse en mer ; elle se fonde sur les traditionnelles valeurs de solidarité et d’empathie des gens de mer. Face à la gravité de la situation en Méditerranée, elle répond à l’exigence morale d’une action humanitaire professionnelle. Projet franco-allemand d’abord, le réseau s’agrandit vite avec l’arrivée d’une nouvelle association en Italie en 2016, puis d’une autre en Suisse en 2017. Alliant les compétences du monde maritime et de l’humanitaire, SOS Méditerranée poursuit sa mission en mer et à terre, avec trois objectifs : • sauver des vies en Méditerranée centrale, • assurer la protection des rescapés jusqu’à leur arrivée dans un port sûr, • témoigner. L’organisation affrète pour cela un navire de 77 mètres de long, l’Aquarius, parti le 20 février 2016 du port de Marseille pour rejoindre l’île de Lampedusa, lieu de lancement de sa première campagne en mer le 26 février 2016. |