Aix-en-Provence. 2025  Cezanne Rex !

119 ans après sa mort, Cezanne revient en majesté chez les siens. L’ouverture au public de sa maison familiale du Jas de Bouffan, une exposition majuscule au Musée Granet, la réouverture de son atelier aux Lauves seront les temps forts d’une année estampillée « Cz ». Bien entendu les autres établissements culturels de la ville seront à l’unisson de la thématique.

Paul Cezanne, Portrait de l'artiste au chapeau de paille, 1878–1879, The Museum of Modern Art, New-York, États-Unis The William S. Paley Collection. Acheté à la William S. Palley Foundation, 1990 © 2023. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence
Paul Cezanne, Portrait de l’artiste au chapeau de paille, 1878–1879, The Museum of Modern Art, New-York, États-Unis The William S. Paley Collection. Acheté à la William S. Palley Foundation, 1990 © 2023. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence

1989, 28 août. « Le» motif s’en va en fumée, carbonisé. Parti de Bimont à la mi-journée, le feu mettra 24 heures pour rendre incandescente la totalité de la montagne Sainte-Victoire. Une deuxième mort pour Cezanne, peut-être même une troisième après que le conservateur du musée Granet, Henri Pontier, ait affirmé en 1900 : «Moi vivant, aucun Cezanne n’entrera au musée.» Depuis, le sieur Pontier a donné son nom à une avenue d’Aix-en-Provence et Cezanne revient en odeur de sainteté chez les siens.

Conséquence du désamour, aucune œuvre majeure du maître n’appartient aujourd’hui au Musée Granet. Celles qui y sont visibles en permanence y ont été mises en dépôt par les Musées de France. Il faudra attendre 1956, cinquante ans après sa mort, pour voir le Musée du Pavillon de Vendôme accueillir une première exposition conséquente avec 90 œuvres de Paul Cezanne puis 1961, toujours au Pavillon de Vendôme avec 61 œuvres.

Cette dernière exposition fera la « une »  de la presse après le vol de huit tableaux, dont « Les Joueurs de cartes » -que l’on reverra dans quelques mois à Granet-. Les tableaux volés seront retrouvés en avril 1962 dans une voiture abandonnée. En 1982, c’est l’exposition « Cezanne » préparée en Belgique et présentée à  Liège du 12 mars au 9 mai qui sera prêtée à la ville d’Aix-en-Provence qui l’accrochera au Musée Granet du 12 juin au 31 août et connaitra un beau succès.

L’incendie et le retour en grâce

Le 16 juin 1990, un peu moins d’un an après le drame de Sainte-Victoire, tous les musées d’Aix-en-Provence inauguraient des expositions « baptisées » « Sainte-Victoire – Cezanne – 1990 ». En neuf mois, sous l’impulsion de Denis Coutagne, alors conservateur du Musée Granet et Bruno Ely, conservateur à l’époque du Musée des Tapisseries et du Pavillon de Vendôme, une exposition majuscule consacrée à la montagne était mise en place. Musées, galeries et collectionneurs privés du monde entier acceptaient de prêter des œuvres, sollicités, entre autres, par John Rewald.  Rappelons que ce dernier, historien d’art spécialiste de l’impressionnisme et du post-impressionnisme fut le premier et principal spécialiste de l’œuvre de Cezanne, sur lequel il écrivit plusieurs ouvrages et dont il réalisa le catalogue raisonné de l’œuvre. Il avait milité activement, en son temps, pour le sauvetage de l’atelier du peintre aux Lauves et à sa mort, en 1994, il fut enterré à Aix, près de la tombe du Maître, au cimetière Saint-Pierre d’Aix-en-Provence.

L’événement Cezanne de 1990 fut l’occasion de rappeler que, s’il n’était toujours pas pleinement en odeur de sainteté à domicile, le Maître d’Aix comptait nombre d’admirateurs un peu partout dans le monde ; près de 180 000 d’entre-eux fréquentaient les rives du cours Mirabeau pour admirer, entre autres, les représentations de la montagne entre le 16 juin et le 2 septembre. Cette exposition fut aussi à l’origine de la création, par l’Office du Tourisme, d’un parcours Cezanne jalonné par les célèbres clous dorés et frappés du « C » implantés sur les trottoirs de la ville

Cent ans après sa mort, Cezanne règne !

En 2006, le Musée Granet, dont la rénovation venait de s’achever, rouvrait ses portes. Et quoi de mieux qu’une année Cezanne, dont on commémorait le centième anniversaire de la mort, pour conférer à l’événement une dimension planétaire. Quelque 451 000 visiteurs fréquentaient l’exposition et, dans le même temps, Aix-en-Provence. Il faut dire que dix ans auparavant, l’exposition consacrée au Maître d’Aix, dont le commissariat était assuré par Françoise Cachin, alors directrice des Musées de France et Joseph J. Rishel, alors conservateur au département des peintures  et sculptures européennes au Philadelphia Museum of Art, successivement présentée au Musée d’Orsay, à la Tate Gallery à Londres et au Philadelphia Museum of Art avait été gratifiée d’un retentissement mondial.

En 2009 une autre exposition consacrée à Picasso et Cezanne fait le buzz au Musée Granet avec pas moins de 371 000 visiteurs. Depuis, divers événements se produisent comme « Cezanne at home » en 2017/2018 autour d’une œuvre majeure « Vers la route du Tholonet près de Château Noir, 1900-1904 » déposée pendant un an au musée par la fondation Henry et Rose Pearlman et l’exposition « Sainte(s)-Victoire(s) » en 2019, trente ans après l’incendie, qui présente, entre autres, trois « montagne » du Maître d’Aix.

2025, l’apothéose du Maître

« En consacrant, après la grande exposition de 2006 organisée à l’occasion du centenaire de sa mort, une nouvelle année à Cezanne, je veux dire ma conviction du lien viscéral entre l’homme, l’artiste et son œuvre avec Aix-en-Provence. Aujourd’hui prophète courtisé, il était hier un peintre négligé. Je suis persuadée que son histoire traduit aussi celle de sa ville et de son territoire, celle d’un artiste attaché à sa terre natale jusqu’à emprunter des chemins universels pour mieux la chérir»,  indique Sophie Joissains, maire d’Aix-en-Provence, qui scelle ainsi définitivement la reconnaissance de la ville pour son peintre.

Marquée par une exposition « Cezanne au Jas de Bouffan » qui prend en compte plus d’une centaine d’œuvres réalisées par l’artiste entre 1860 et 1899, mettant en avant son rapport à la Bastide familiale du Jas de Bouffan, cette année 2025 proposera un parcours dédié à travers les sites cézanniens : l’atelier des Lauves, les carrières et le cabanon de Bibémus et, bien entendu, la bastide du Jas de Bouffan. Deux autres musées de la ville, Vieil Aix et Pavillon de Vendôme, se mettront aussi à l’heure cézannienne. Nous reviendrons en détail dans les semaines qui viennent sur l’exposition qui ouvrira ses portes le 28 juin prochain au musée Granet et sur les autres événements de l’année Cezanne 2025. D’ores et déjà il est bon de savoir que les billets pour visiter l’exposition sont en vente sur le site cezanne2025.com où se trouvent tous les renseignements pratiques.

« Nous attendons 339 000 visiteurs, confie Michel Fraisset, le directeur de l’Office de tourisme aixois. Mais vu l’ampleur du projet et le fait que ce soit à Aix-en-Provence, une bonne surprise est toujours possible. » Alors, afin d’associer de nombreux professionnels à l’événement, l’office de tourisme a lancé trois marques avec licence, « Cezanne 2025 » valide jusqu’au 31 décembre 2025, « Cezanne chez lui » au delà de 2025 et « Paul Cezanne » que seul l’Office de tourisme aixois est habilité à utiliser. Rien n’a donc été laissé au hasard pour l’apothéose de Cezanne chez lui. A suivre…

Michel EGEA

Cezanne : avec ou sans accent ?
Cézanne ou Cezanne ? La graphie du patronyme est communément ornée d’un accent aigu. Mais aujourd’hui, et en particulier pour « Cezanne 2025 » l’accent a disparu. Il faut savoir que le peintre, son père, sa mère ou sa sœur Marie n’ont jamais écrit leur nom ou signé avec un accent aigu sur le premier « e ». L’usage du « é » s’est imposé au fil des ans et au fil des écrits sur le peintre, renforcé par le fait que Paul junior accentuait, lui, son patronyme. Dans un article consacré au sujet, en 2017, et publié par la Société Paul Cezanne, françois Chedeville concluait ainsi son propos : « Il revient à chaque auteur de choisir la forme graphique qu’il veut privilégier ; soit il se conforme à la norme graphique française et met l’accent sur le e, soit il accède au souhait de la famille du peintre de voir respectée l’orthographe originelle de leur patronyme, quitte à créer chez ses lecteurs un effet de surprise par cette modification du code graphique aujourd’hui universellement admis dans la langue française écrite.»

 

 

 

 

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