Publié le 17 juillet 2023 à 16h30 - Dernière mise à jour le 1 août 2023 à 22h51
Succédant à l’exposition Hockney qui a accueilli 150 000 visiteurs, soit la plus belle affluence d’une « tournée » européenne de l’événement qui a compté pour étapes Bruxelles, Vienne et Lucerne, « Naples pour passion » met le musée Granet à l’heure du Seicento. Un accrochage somptueux qui propose de découvrir les chefs-d’œuvre de la Fondation Giuseppe et Margaret de Vito ainsi que des toiles issues de l’important fonds napolitain du musée aixois.
Pour la peinture napolitaine, dont la richesse est foisonnante après le Caravage, il y a un avant et un après Giuseppe de Vito. Cet ingénieur et entrepreneur italien d’une grande culture a vu le jour à Naples en 1924 ; désireux d’assouvir sa passion pour le Seicento napolitain il n’a eu de cesse d’étudier et surtout de collectionner des œuvres de cette période. Il a ainsi constitué un fonds remarquable et significatif aujourd’hui entretenu par la fondation née de sa volonté et de celle de son épouse Margaret, Giuseppe de Vito stipulant, dans les statuts de sa fondation « tout ce que j’étudie et accumule, j’entends le laisser aux générations futures qui pourront en profiter ».
Ainsi, actuellement, c’est la France qui en bénéficie avec cette exposition organisée par la RMN – Grand Palais, le musée national Magnin à Dijon et, bien entendu, le musée Granet où Pamela Grimaud, conservateur du lieu et commissaire scientifique, nous l’a présentée et commentée. L’accrochage d’une quarantaine d’œuvres permet de mettre en lumière le travail de 24 artistes ; il est mis en valeur dans les salles d’expositions temporaires du musée et décliné en thématiques :
l’héritage du Caravage, naturalisme et classicisme, l’insaisissable maître de l’annonce aux bergers, au carrefour des influences, la tentation du baroque : de Mattia Preti à Luca Giordano, fervente et tourmentée : Naples au XVIIe siècle, Batailles et cortèges et le triomphe de la nature morte, deux dernières salles proposant des œuvres de Naples au XVIIème siècle dans la collection du musée Granet.
Si chaque section réserve d’intéressantes découvertes, celle consacrée au Maitre de l’Annonce aux bergers n’est pas la moins intéressante. La personnalité de l’artiste, au nom de convention vraisemblablement lié aux versions de son « Annonce aux bergers » fait l’objet de débats critiques qui ont poussé Giuseppe de Vito à se passionner pour lui.
Peintre naturaliste ayant assimilé les leçons du Caravage, on lui doit de nombreuses figures mi-corps dont cette « Figure juvénile humant une rose » dont l’attribution fait encore débat, est fascinante par l’intensité du regard et la nonchalance du personnage troublante.
Trouble et fascination qui ont compté au moment de réaliser l’affiche de l’exposition avec cette œuvre.
Un peu plus loin, impressionnante par sa dimension dramatique, « La Déposition du Christ » de Mattia Preti marque l’installation du courant baroque à Naples. Un courant entretenu aussi par Luca Giordano avec, entre autres de ses œuvres exposées, une spectaculaire « Tête de saint Jean-Baptiste » à la manière de Jusepe de Ribera. Des têtes coupées, il y en a d’autres au long de cette exposition puisqu’on peut y découvrir en pendants deux œuvres de Massimo Stanzione « Judith tenant la tête d’Holopherne » et « Salomé portant la tête de saint Jean-Baptiste » ; deux œuvres qui connurent un grand succès et qui furent souvent reproduites. Soulignons ici la beauté des deux femmes et la richesse de leurs vêtements qui leurs confèrent un réel pouvoir de séduction au-delà du côté morbide du sujet traité. Avant de pénétrer dans les deux salles réservées au fonds napolitain du musée Granet, la salle consacrée au triomphe de la nature morte nous rappellera, à la fin, que les sujets religieux n’étaient pas les uniques sources d’inspiration des peintres du Seicento à Naples…
Michel EGEA
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Trois questions à Pamela Grimaud, Conservateur au musée Granet, commissaire de l’exposition
Au sortir de cette exposition, on peut se demander si la peinture du Seicento napolitain aurait connu une telle mise en valeur si la fondation de Vito n’avait pas existé ?
Affirmer cela serait peut-être un peu exagéré. Mais il est vrai que Guiseppe de Vito a largement contribué à la recherche sur la peinture de cette époque, notamment en organisant et en participant à la grande exposition « Civilta dei Seicento a Napoli » en 1984 à Capodimonte et, deux ans auparavant à « Painting in Naples » montrée à Londres, Washington, Paris, Turin. Il prêtait les œuvres de sa collection, mais faisait aussi partie des comités d’organisation et on lui demandait des notices pour les catalogues. Il n’était pas seulement sollicité en tant que préteur, mais son érudition, notamment concernant cette période, en faisait un spécialiste incontournable.
On découvre à l’occasion de cette exposition la richesse du fonds napolitain du musée Granet. Ne pourrait-il pas être mis en valeur de façon permanente ?
(Sourires) J’aimerai bien mais il faudrait doubler la surface du musée… Grace à la présente exposition nous avons pu libérer deux salles du premier étage pour présenter des œuvres des collections du musée et ce, pratiquement, jusqu’à l’été prochain. C’est déjà une belle visibilité.
Notre collection est constituée des dons de particuliers, des œuvres de Saint-Jean de Malte mais aussi de collectionneurs dont le plus important est Bourguignon de Fabregoules, de deux importantes natures mortes qui appartenaient à François-Marius Granet et de dépôts de l’Etat. Diverses provenances, donc, pour un ensemble cohérent et représentatif.
A l’instar de « Naples pour passion » qui succède aux œuvres de David Hockney, ces dernières années la programmation du musée Granet alterne entre périodes contemporaines et plus anciennes avec bonheur. Cette politique est-elle appelée à se poursuivre ?
Nous avons à cœur d’avoir une programmation éclectique, c’est la mission d’un musée de beaux-arts de valoriser son patrimoine et ses collections mais aussi d’être un musée vivant qui s’intéresse à l’art d’aujourd’hui et même le plus actuel puisqu’en début d’année nous avons tenu une exposition « Sphère, Code, Cylindre » consacré à l’art numérique et aux NFT, suivie de celle consacrée à David Hocney qui a eu le succès qu’on sait et maintenant Naples et le seicento. Nous allons essayer de poursuivre dans cette direction pour les années qui arrivent.
Propos recueillis par M.E.
Pratique. Musée ouvert du mardi au dimanche de 10 à 18 heures. Fermeture des caisses à 17 h 30. Fermeture hebdomadaire le lundi.
Tél. 04 42 52 88 32 – Plus d’info sur museegranet-aixenprovence.fr