Publié le 12 janvier 2020 à 21h28 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Élégance et sobriété pourraient être les maîtres-mots du concert que la pianiste Yuja Wang et le violoncelliste Gautier Capuçon ont donné ce samedi au Grand Théâtre de Provence (GTP). Affluence record d’ailleurs, des personnes sur liste d’attente et une fièvre d’avant-récital absolument palpable. Il faut dire que ces deux artistes servent la musique avec rigueur, inventivité, et une humilité de tous les instants. Au programme la «Sonate pour violon et piano en la majeur» de César Franck, œuvre redoutable arrangée pour violoncelle et piano qui demande une technicité sans failles. On dira que c’est un accord parfait que l’on a pu entendre lors de cette première partie de concert. Créée en 1886 cette sonate fut conçue pour le célèbre virtuose belge Eugène Ysaÿe qui devait épouser le 26 septembre Louise Bourdeau. Le récipiendaire en fut bouleversé, et l’année suivante le violoncelliste Jules Delsart fut autorisé à faire une transcription pour violoncelle laissant la partie du piano inchangée. Un violoncelle profond, un piano ample tout le monde fut conquis. Pour preuve les applaudissements entre les mouvements (ce qui n’est pas la coutume) mais la qualité du jeu secouant chacun, les conventions furent bousculées. On retiendra surtout l’alliance et la complémentarité des deux musiciens. D’habitude plutôt explosive Yuja Wang semble ici canalisée par l’interprétation de Gautier Capuçon. Violoncelliste assez intériorisé ce dernier apparaît comme transcendé, et prenant des risques comme libéré. Autre chef d’œuvre au programme du concert que l’on trouve sur l’album qui en a donné la trame la «Sonate pour Violoncelle et piano» de Frédéric Chopin, une des rares partitions pour musique de chambre écrite par le compositeur polonais. La relation du musicien avec la romancière George Sand qui eut lieu en 1836 donna naissance à des moments tumultueux et remplis de bonheur. La composition de cette sonate fut difficile et on notera que Chopin eut rarement autant de mal à accoucher d’une œuvre. Quatre mouvements la structurent, le Scherzo du dernier mouvement étant le point d’orgue de cette sonate qui marqua les esprits. L’interprétation est là encore au sommet. Toujours dans l’album et sur la scène du GTP l’Introduction et Polonaise brillante sonne comme de la musique d’un autre monde. Si la partie du violoncelle renferme quelques passages virtuoses, c’est le piano qui est surtout ici mis en valeur. Et en rappel Le Grand Tango de Piazzola permit à Yuja wang d’offrir un glissando de toute beauté. Et que dire du «Cygne» de Saint-Saëns extrait du «Carnaval des animaux» proposé en dernier rappel si ce n’est que la pianiste et le violoncelliste tutoyèrent les anges.
Jean-Rémi BARLAND