Publié le 13 février 2015 à 17h03 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
A l’occasion de la présentation du 5e tableau de la compétitivité métropolitaine produit par la CCI Marseille Provence et l’UPE 13 et présenté par Eric Ammar, l’économiste André Cartapanis est intervenu sur le thème : «2015, année de la reprise : illusion ou réalité ?». Il brosse à cette occasion un panorama des prévisions macroéconomiques à l’horizon 2015-2016, en se focalisant sur la zone euro. Occasion donc de mettre l’accent sur la France… mais aussi la Grèce.
«La situation est complexe avec l’héritage de la crise, les atermoiements de la politique économique et les incertitudes quant aux effets des différents chocs possibles en 2015 », avance, dès ces premiers mots, l’économiste André Cartapanis.
Les pays émergents, selon le FMI, tels la Chine, le Brésil, devraient connaître un ralentissement dans leur développement et les pays développés une croissance de l’ordre de 1,3 à 1,8%, de 1,2% en zone euro. Avant de souligner: «Lorsque la crise a débuté, il y avait des situations identiques entre les États-Unis et l’Europe et, à partir de 2010, on a assisté à un effet ciseaux : les investissements sont repartis aux États-Unis, pas en Europe. Et, depuis décembre 2014 les prix baissent en Europe, c’est la question de la déflation et c’est extrêmement préoccupant». Puis d’en venir au taux de chômage: «Il reste très élevé en Europe avec une très forte hétérogénéité. Il est de 25% en Grèce, de 4 à 5% en Allemagne. Or face à une telle diversité de situations l’Europe ne propose que des règles uniques».
«Un désendettement est très difficile sans développement»
De plus, l’économiste met en avant le fait que les taux d’endettement des pays ne cessent de croître, y compris aux États-Unis. «C’est un phénomène que l’on observe au sortir d’une crise». Alors, certes, un rebond existe en matière de développement: «Il est relativement significatif mais, il ne ramène pas aux taux connus avant la crise». Mais le risque de déflation est là : «La crise financière n’est pas derrière nous. On ne sort pas de la crise du surendettement, il augmente même. Une inquiétude existe sur notre capacité à retrouver un train de croissance tel que celui que nous avons connu pendant 30-40 ans». Et de pointer une crise des gains de productivité et l’impact négatif sur l’économie des inégalités. «Aux États-Unis les 1% les plus riches épargnent 30 à 40% de leur revenu tandis que 90% de la population s’endette. Ces inégalités bloquent le développement économique». Et d’assurer:«Un désendettement est très difficile sans développement». Il note: «Après la crise internationale de 2008-2009, la croissance repart. Aux États-Unis des mesures très fortes sont prises, pas en Europe où toutes les activités supposant un endettement, dont le BTP, sont freinées. Et l’endettement augmente». Il juge donc que «les politiques macro-économiques européennes ont été menées souvent à contre-temps et de façon aberrante». Il déplore que la Banque centrale européenne ait mis beaucoup plus de temps à réagir que celles des États-Unis, de Grande Bretagne ou du Japon. De plus, poursuit-il: «Les États-Unis ont mené une politique non conventionnelle en injectant des centaines de millions, ce qui ne fut pas le cas en Europe. Les États-Unis ont accepté de voir leurs finances publiques se dégrader fortement, là encore tel ne fut pas le cas en Europe».
«Il y a déflation salariale dans des pays tels que la Grèce, l’Espagne, l’Irlande…»
De revenir sur le risque de déflation : «On n’en est pas loin : il y a déflation salariale dans des pays tels que la Grèce, l’Espagne, l’Irlande…». Et, alors que le taux de croissance est redevenu proche aux États-Unis de celui prévu avant la crise «tel est loin d’être le cas dans la zone euro, encore moins au Royaume-Uni».
Concernant la Grèce, il considère: «La première question est celle du remboursement de la dette. Tout le monde sait qu’elle ne sera pas entièrement remboursée. Ce qui est en jeu c’est le montage pour reporter la dette». Et de rappeler que Barack Obama a déclaré «On ne peut pas continuer à pressurer des pays qui sont en pleine dépression». André Cartapanis considère: «Nous sommes dans un étau dans la zone euro et il est extrêmement difficile de sortir du surendettement. Contrairement aux contraintes du chef d’entreprise qui peut licencier, lorsque l’État diminue ses déficits budgétaires, ses efforts sont globaux. Et à quel prix ? Un tel remède risque d’être pire que la maladie». Enfin, à ses yeux, le Plan Juncker qui vise à une relance par l’Europe est insuffisant.
Michel CAIRE