Publié le 13 février 2021 à 17h01 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 14h55
Multiple champion du monde d’enduro moto, vainqueur de plusieurs étapes sur le Rallye Dakar, Antoine Méo est aussi à la tête d’une exploitation de 80 hectares à Vinon-sur-Verdon. Son cœur a toujours été partagé entre ses deux passions : la moto et l’agriculture. Aujourd’hui, il aimerait allier la notoriété qu’il a acquise dans la première pour faire connaître la seconde mais surtout faire changer l’image des agriculteurs auprès du public.
Originaire du Chaffaut, près de Digne-les-Bains, le pilote de 36 ans est né dans une famille d’agriculteur, aussi bien du côté de ses grands-parents maternels, qui possédaient une exploitation au Chaffaut dans laquelle il a grandi, que du côté paternel en Italie. « Petit j’étais tout le temps sur l’exploitation de mes grands-parents qui élevaient des ovins et cultivaient des céréales et du lavandin, raconte Antoine Méo. Parallèlement, je faisais de la moto sur leurs terres, mon père avait aussi une moto et on avait construit un vrai circuit d’enduro derrière la ferme, ce qui me permettait de travailler sur les terres la journée et de m’entraîner le soir. Je me déplaçais toujours à moto sur l’exploitation. J’aimais tellement ça que je suis parti en sport-études moto à Alès, mais dès que je rentrais, je partais travailler dans les champs. J’ai toujours su que je serais agriculteur après la moto. »
Des attaches très fortes à la terre
Rapidement intégré en équipe de France, Antoine Méo a pratiqué son sport dans le monde entier, il a même vécu en Italie, en Hollande, mais a toujours gardé des attaches très fortes avec sa terre. En 2008, il revient au Chaffaut et en 2012, il s’installe.
Parallèlement à sa carrière de sportif de haut-niveau il élève pendant quatre ans des vaches comme ses grands-parents italiens. Il a fait le choix d’arrêter l’élevage, car la gestion des animaux en parallèle de sa carrière de sportif était très compliquée compte tenu de ses nombreuses absences. « Après un épisode compliqué avec une bête pendant un Dakar j’ai promis à ma femme de ne plus prendre d’animaux tant que je serais en compétition», confie-t-il.
Le travail de la terre est très satisfaisant, très intéressant…
«C’était vraiment difficile de trouver des terres et je ne voulais pas empiéter sur l’exploitation de mes grands-parents, explique-t-il. Fin 2017, on m’a proposé de reprendre une grosse exploitation à Vinon-sur-Verdon. Avec ma femme, elle aussi issue du milieu agricole, on a décidé de sauter le pas.» Sur son exploitation le motard-agriculteur cultive des céréales, des semences, des courges butternut, du Colza, du lavandin, des haricots, des lentilles, etc. mais il a fait le choix de vivre sur l’exploitation de ses beaux-parents à Reillanne. Cette organisation leur permet de partager la charge de travail et de s’entraider. « Le travail de la terre est très satisfaisant, très intéressant et aussi très technique. C’est très complet» ajoute-t-il.
Dans le monde agricole son statut de sportif de haut-niveau a toujours été bien accueilli, bien aidé par le fait que beaucoup d’agriculteurs sont amateurs et pratiquants de sports mécaniques : moto, quad ou buggy. «Les gens sont souvent très surpris quand je leur dis que 80 % des agriculteurs pratiquent l’enduro ou la moto, s’amuse-t-il à préciser.D’ailleurs entre agriculteurs on se retrouve souvent pour faire des sorties.» Les compétences en mécanique qu’Antoine a acquises sur son exploitation se sont ajoutées à celles acquises en course et lui ont permis d’être un excellent metteur au point capable de se débrouiller partout. «Sur une exploitation ou sur le Dakar, c’est pareil il y a toujours des problèmes mécaniques. Il faut savoir trouver les bonnes solutions, poursuit-il. Cela m’est arrivé de parler de mes problèmes sur mes tracteurs aux ingénieurs avec qui je travaillais sur les motos et ils me donnaient des conseils.»
Changer le regard sur les agriculteurs
Ces dernières années il s’est consacré essentiellement aux rallyes-raids avec quatre grosses courses par an, ce qui lui a permis de passer plus de temps sur son exploitation. La crise sanitaire a considérablement ralenti le rythme des compétitions et il n’a fait qu’une seule course en 2020. Aujourd’hui le pilote caresse un grand rêve qui est de remporter le Rallye Dakar en voiture, mais en attendant il projette de participer en buggy, avec un copilote aussi agriculteur, avec l’ambition d’y faire un résultat et de s’en servir pour promouvoir l’agriculture française. « J’aimerais beaucoup trouver des partenaires du monde agricole, pouvoir partir en amont de la course pour aller à la rencontre des agriculteurs locaux et ainsi montrer au public ce qu’il se fait dans les autres pays, révèle-t-il. Mais surtout montrer qu’en France on travaille très bien, que nous avons beaucoup d’obligations et qu’ailleurs ce n’est pas très vertueux. Les gens sont très axés sur une mauvaise image de l’agriculture et il faut faire de la sensibilisation. »
Dans cette optique durant le confinement Antoine Méo a créé une chaîne Youtube qui devrait prendre de l’ampleur dans les mois à venir. «L’un de mes plus grands regrets est de ne pas avoir plus profité de ma notoriété de sportif de haut-niveau pour parler de l’agriculture. Pendant longtemps mon sponsor (une marque de boissons énergétiques, NDLR) ne voulait pas que je parle de mon métier d’agriculteur mais en 2019 ils ont changé d’état d’esprit donc on va voir ce que l’on peut faire. J’ai des facilités à m’exprimer devant une caméra, c’est une chance !», conclut-il.
A.G pour l’Espace Alpin
Un agriculteur 2.0
En avril 2020 Antoine Méo a lancé sa chaîne Youtube : Antoine Méo agriculteurs. Elle a rapidement attiré l’attention de plusieurs centaines de spectateurs mais aussi d’une société de production lyonnaise, de la FNSEA et même de France télévision. « France 2 est intéressé pour s’impliquer dans le projet car avec l’annulation du salon de l’agriculture il leur faut du contenu de remplacement. Je crois qu’ils se sont rendu compte que certains sujets qu’ils avaient diffusés avaient fait beaucoup de mal à la profession et qu’il fallait faire de la sensibilisation positive. Nous voulons toucher le grand public en faisant parler les agriculteurs avec leur cœur et en leur faisant partager leur vision des choses. Notre but est de parler d’un thème différent à chaque fois et d’aborder aussi les sujets qui fâchent en expliquant pourquoi on fait telle ou telle chose » explique Antoine Méo. C’est lui qui mènera les interviews et il compte aller à la rencontre d’agriculteurs partout en France même s’il a commencé par ses connaissances bas-alpines. Il a aussi envie de développer un autre format dans lequel il invitera ses collègues sportifs de haut-niveau à découvrir le monde agricole. « J’ai eu cette idée pendant le confinement car j’ai des amis qui n’avaient plus de boulot et qui ont proposé de venir sur l’exploitation, poursuit-il. Il faut savoir que beaucoup de sportifs sont devenus agriculteurs j’aimerais aussi aller les voir. » Alors à quand Sébastien Loeb au volant d’un tracteur ?
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[(Palmarès :
-1996 : champion de Provence 80 cm3, catégorie 9-12 ans
-1997 : vice-champion de Provence 80 cm3, catégorie 12-16 ans
-2000 : 3e du championnat de France Junior MX
-2001 : 4e du championnat de France Junior MX
-2002 : Champion d’Europe de SX 125
-2003 : vice-champion de France Elite MX (pilote officiel Kawasaki)
-15e du championnat du monde MX1
-2007 : champion du monde d’enduro par équipe (ISDE)
-2008 : Débuts en enduro :
-4e du championnat du monde E2
-4e du championnat d’Italie
-2009 : vice-champion du monde d’enduro E1
-champion d’Italie d’enduro
-champion du monde d’enduro par équipe (ISDE)
-2010 : champion du monde et de France d’enduro E1
-2011 : champion du monde et de France d’enduro E2
-2012 : champion du monde et de France d’enduro E1
-2013 : champion du monde et de France d’enduro E1
-2015 : champion du monde d’enduro FIM E2
-2016 : deux victoires d’étape au Rallye, 7e au classement général
-2018 : deux victoires d’étapes au Rallye Dakar, 4e au classement général)]
[(L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin
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