Publié le 10 janvier 2018 à 9h51 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h51
«La situation des Hôpitaux de Marseille, fleurons du système hospitalier sur un plan local et national est, non seulement, dramatique mais également dangereuse pour les personnels et pour tous les patients. Il faut que la population entende le cri de détresse des personnels des différents établissements du département», indique Franck Bergamini, le secrétaire de l’Union Départementale des Syndicats FO 13. A ses côtés, Audrey Jolibois, secrétaire du syndicat FO de l’ Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et de René Neuherz, secrétaire du Groupement Départemental FO Branche Santé.
Le syndicat réclame notamment l’annulation de tous les Contrats de Retour à l’Équilibre Financier et toutes les dettes des hôpitaux, «car, la Santé passe avant tout et n’a pas de prix, et, de plus, nos problèmes ne viennent pas de la gestion au sein des établissements mais des choix réalisés par les gouvernements successifs, c’est eux les mauvais gestionnaires et c’est la tarification à l’acte qui tue la santé publique» avance René Neuherz. «L’Hôpital public perd des spécialités, ajoute Audrey Jolibois, c’est dramatique, c’est au détriment des populations et, volontairement, au bénéfice du privé».
«Elle a pleuré toute la première nuit»
Audrey Jolibois rappelle: «Nous avons lancé un mouvement le 21 décembre à la suite de la publication dans « la Provence » d’un article annonçant l’imminence de la mise en œuvre d’un projet social, qui est plus proche d’un plan social, avec la prévision d’une suppression de postes qui oscille entre 800 et 1 000. Ces suppressions seraient la contrepartie d’un projet de modernisation des hôpitaux de l’AP-HM. Or, le pire c’est que ce plan n’est financé qu’à 50% par l’État, c’est à dire que cela va produire de nouveaux déficits pour l’AP-HM. Ceci étant dit, si la question du financement se pose il est évident qu’une modernisation s’impose». Soulignant que ces suppressions de poste «devraient se cumuler avec les 300 prévues entre 20015 et 2020 dans le cadre du contrat de retour à l’équilibre financier». Une rencontre avec le directeur a eu lieu: «Il n’a ni démenti ni confirmé les chiffres. Or nous sommes déjà à la limite. J’ai rencontré une infirmière de la Conception qui s’est retrouvée seule, de nuit, sans aide-soignante, pour 25 patients. Elle a pleuré toute la première nuit, un peu moins la deuxième, la troisième elle a arrêté de pleurer et décider de faire pour le mieux. Et ils sont de plus en plus nombreux à vivre dans le stress, à rentrer perturbés chez eux avec un sentiment d’abandon et de travail bâclé. Et que dire de ceux qui, parfois, sont confrontés, à des choix extrêmes. Je pense à une infirmière, aux urgences, confrontée à deux urgences vitales en même temps et contrainte de faire un choix, celui du plus jeune. Ce n’est pas supportable». Raconte qu’il n’est pas rare aujourd’hui de voir «des personnels soignants réaliser plus de 12 heures d’affilées et même très régulièrement selon les services jusqu’à 18 heures». Audrey Jolibois évoque à ce propos le cas des infirmières qui assistent les médecins lors de greffes. «Dans la fonction publique on a droit à 25 heures supplémentaires, sauf dans les hôpitaux publics où le quota est de 15 heures, 18 pour ce type d’infirmière. Mais ce n’est pas suffisant et il arrive qu’elles travaillent gratuitement». Elle en vient à la question des lits: «Depuis 2013 on peut estimer que plus de 150 lits ont été fermés à l’AP-HM dans les divers établissements. Les chiffres que nous avons sont une hypothèse de travail dans l’attente de la confirmation de la direction générale. Et le plan de modernisation présenté par le Directeur général projette une nouvelle baisse de 232 lits».
«Agence de réduction des soins»
«Il faut savoir, reprend René Neuherz, que tous les établissements hospitaliers publics du Département sont confrontés à des difficultés. Et nous menons actuellement une étude pour faire le point sur la situation des maladies nosocomiales sur le Département et la Région car des éléments nous laissent à penser qu’elles sont en augmentation». Et de dénoncer l’action de l’Agence régionale de santé (ARS) qu’il qualifie «d’agence de réduction des soins». Il signale le cas des urgences d’Aix «qui ne fonctionnent qu’avec des médecins vacataires payés entre 1 500 et 1 800 euros par jour. A Pertuis on va mettre en place des horaires d’ouverture… des urgences. A Aubagne l’hôpital est sous perfusion depuis des années». Et de pointer: «On assiste au développement d’un nouveau phénomène: le départ de médecins vers le privé où, au moins, ils auront les moyens de travailler». René Neuherz prévient que le 30 janvier une journée nationale d’action aura lieu dans les Ehpad pour dénoncer «les conditions dans lesquelles on laisse nos aînés et pour réclamer que le gouvernement renonce au nouveau système de tarification qu’il entend mettre en place et qui ponctionnerait de 80 000 à 300 000 euros aux Ehpad». Et de conclure: «Je ne cesse de dire à la population: Allez voir vos élus, c’est vous qui détenez l’arme fatale, le bulletin de vote».
Michel CAIRE