Publié le 21 octobre 2017 à 23h05 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h30
Après l’échec de son intervention devant l’assemblée des Régions de France, le Premier ministre Édouard Philippe a tenu à mettre les formes à Marseille, devant l’Assemblée des départements de France, réunie en congrès. Peu de choses, au final dans la corbeille mais l’emballage était là. Il se veut complice lorsqu’il lance:«J’aimerais qu’en 2022 nous puissions dire que nous avons franchi une nouvelle étape de la décentralisation». Mais, pour cela, ce sont les fonds qui manquent le plus…
Le Premier ministre évoque «les défis», il en voit deux essentiellement : le financement de la solidarité, «et en particulier la gestion des allocations individuelles de solidarité (AIS)» et l’impact «des phénomènes migratoires sur nos territoires, que vous vivez de près à travers le sujet des mineurs non accompagnés». Concernant le financement de la solidarité, il avance en toute conscience: «J’ai bien conscience de la rigidité que l’ensemble des dépenses sociales font peser sur vos budgets départementaux, dans la mesure où elles représentent les 2/3 de vos dépenses de fonctionnement. J’ai conscience également que les seules allocations individuelles de solidarité représentent environ la moitié de ces dépenses sociales. J’ai conscience enfin que nous sommes sur une tendance de hausse quasi-continue, +3 % entre 2015 et 2016». Et d’affirmer: «J’entends pleinement vos demandes, à court terme d’abord, et à moyen terme ensuite. A court terme, vous avez posé la question de l’ouverture d’un fonds d’urgence pour les départements confrontés à des impasses de financement. Vous le savez, par principe, je ne suis pas très favorable à l’idée de pérenniser des mécanismes exceptionnels, mais avec Gérard Collomb, Gérald Darmanin et Agnès Buzyn, nous avons pris le temps de l’analyse. Globalement les fondamentaux s’améliorent : les DMTO (Droits de mutation à titre onéreux) ont fortement progressé ces derniers mois, la situation économique se redresse, ce qui devrait avoir un effet amortisseur sur le besoin de RSA. Mais la situation n’est pas homogène et quelques départements restent confrontés à une situation structurellement dégradée. Pour ceux-là, nous travaillons à la mise en place d’un mécanisme de fonds d’urgence en loi de finances rectificative pour 2017». Et propose un travail en commun. Mais, prévient-il: «A moyen terme, c’est le système de pilotage et de financement de nos allocations individuelles de solidarité qui doit être revisité. C’est une réflexion qui dépasse largement le seul cadre du financement du RSA et qui implique un regard sur l’ensemble de notre fiscalité locale. C’est le sens de la mission que j’ai confiée la semaine dernière à un groupe d’experts et d’élus». Il en vient au RSA: «D’une part, nous devons nous inscrire dans la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, dont les travaux de concertation viennent de s’engager : vous y serez bien entendu pleinement associés. D’autre part, j’ai la conviction que nous devons vous donner les moyens d’activer les dépenses sociales pour renforcer le lien entre le bénéfice du RSA et les politiques d’insertion que vous menez avec le monde associatif. Des expérimentations sont possibles; j’y suis tout à fait disposé».«C’est le rôle de l’État d’accueillir dignement une personne étrangère sur notre territoire…»
Puis, d’évoquer la situation des mineurs non accompagnés: «Je sais les départements pleinement soucieux d’assumer leur rôle de protection de l’enfance en danger, et, à ce titre, d’accompagner les mineurs non accompagnés. Pour sa part, conformément aux engagements du Président de la République, l’État assumera l’évaluation et l’hébergement d’urgence des personnes se déclarant mineurs entrants dans le dispositif jusqu’à ce que leur minorité soit confirmée. «C’est le rôle de l’État, tient-il à rappeler, d’accueillir dignement une personne étrangère sur notre territoire, de lui assurer la protection correspondant à son statut, de s’assurer que les titres qu’elle présente sont authentiques, de déterminer enfin son âge. Il nous donc faut mettre en place des dispositifs d’accueil et un processus de prise en charge spécifique ; adapter les dispositions législatives ; clarifier la question des coûts». Et de préciser que des groupes de travail se réunissent déjà, des conclusions «pourraient» être rendues d’ici la fin de l’année. D’ajouter immédiatement: «Pour montrer notre volonté d’agir en ce sens, et comme je crois à la preuve par les faits, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit des crédits supplémentaires pour accompagner la hausse du nombre de mineurs concernés et prendre en charge, à titre exceptionnel, une partie des surcoûts de l’aide sociale à l’enfance liés à la hausse du nombre de mineurs non accompagnés accueillis dans les départements cette année. Au total 132M€ sont prévus en 2018». ste-150_extraits_discours_1er_ministre_les_mna_et_des_economies_pour_319_20_10_17.mp3 Édouard Philippe a également évoqué la question des métropoles et leur rapport avec les départements : «Je sais que ce qui a pu prendre forme à Lyon, n’est pas nécessairement reproductible à Marseille, ni d’ailleurs forcément à Bordeaux», avance-t-il avant d’annoncer : «L’étape que nous souhaitons mettre en œuvre est celle d’une décentralisation assumée». Et d’expliquer en trois temps : «D’abord, l’articulation des compétences ne doit pas répondre à une logique d’équilibres institutionnels, mais à une logique d’amélioration de la prestation que, tous acteurs publics confondus, nous délivrons à nos concitoyens».Lorsque le législateur décide de confier une politique publique à des collectivités territoriales, il doit lui en donner les moyens : financiers…
Ensuite, et le propos mérite d »être entendu, il déclare: «Lorsque le législateur décide de confier une politique publique à des collectivités territoriales, il doit lui en donner les moyens : financiers, bien sûr, mais aussi juridiques.». Enfin, conclut-il: «Nous devons assumer, ensemble, le principe de l’évaluation des politiques publiques, de toutes les politiques publiques, qu’elles soient menées par l’État ou par les collectivités territoriales». Et salue le rôle joué en la matière par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. Il considère enfin: «Les territoires ont besoin de stabilité pour avancer, c’est pourquoi le Gouvernement ne relancera pas de grande opération de mécano institutionnel. En revanche, nous accompagnerons les volontés de rapprochement, dès lors qu’elles répondront à l’intérêt général». Il tient à distinguer l’Ile-de-France du reste du territoire. «L’espace métropolitain de Paris et de l’Ile-de-France est aujourd’hui confronté à des défis à la mesure de sa taille et de sa densité». Pour relever ces défis, il considère:« l’espace métropolitain doit aussi disposer d’un cadre institutionnel rénové, répondant à des exigences d’efficacité, de lisibilité et de responsabilité.» S’agissant des autres territoires, il juge : «Quand le fait métropolitain est prégnant, le temps est au dialogue, franc, constructif, ouvert, même si, disons-le, pour les territoires métropolitains en capacité de se mesurer aux autres métropoles européennes, notre intérêt collectif est de les pousser à fonctionner mieux et gagner en attractivité».Le Gouvernement a proposé de mettre en place, au profit des bailleurs sociaux, des facilités de financement inédites…
Puis d’en venir à la réduction des dépenses de fonctionnement des départements : «Nous devons dégager des marges de manœuvre sur les normes qui pèsent sur vos budgets. C’est un chantier prioritaire du programme Action publique 2022». Le Premier ministre a également évoqué le logement. «Dans grandes villes et les métropoles, nous souhaitons accélérer la construction de logements en simplifiant les normes, les procédures, et en accompagnant les collectivités territoriales dans leurs grandes opérations d’urbanisme». Insiste sur la réforme structurelle, dès 2018, des APL, en particulier dans le parc social. «Cette réforme part du constat que les loyers, même dans le parc social, ne sont pas adaptés pour loger les ménages aux plus faibles ressources, et que ce niveau élevé conduit à un niveau de dépense sur l’APL qui n’est plus supportable. Nous discutons donc avec le Mouvement HLM d’un mécanisme vertueux et d’une réforme structurelle, pour accompagner la baisse des loyers et la baisse des APL. Nous avons pris l’engagement que cette réforme sera absolument neutre pour les locataires. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé de mettre en place, au profit des bailleurs sociaux, des facilités de financement inédites, afin de les accompagner dans cette mutation…». Mais, in fine, Marseille ne fut pas le Warterloo régional, ce ne fut pas non plus Austerlitz pour Édouard Philippe, timidement applaudi. Patricia MAILLÉ-CAIREA l’issue de l’intervention du Premier ministre, Édouard Philippe, qui était attendu «comme le loup blanc» par une salle «en pleine forme» » s’est plu à dire Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France (ADF), l’ambiance au théâtre de La Criée de Marseille qui accueillait le congrès a pris un coup de froid.