Publié le 8 novembre 2018 à 10h32 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 19h09
Renaud Muselier, Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Député européen vient de réunir ce 6 novembre à l’Hôtel de Région, l’ensemble des acteurs culturels régionaux, à l’occasion des Assises de la Culture. Tout au long de la journée, ateliers et tables rondes ont été animés par des experts autour des perspectives de la politique culturelle régionale. Une réunion qui a apporté des réponses au monde de la culture, en a soulevé d’autres comme l’a soulignée l’intervention de Renaud Muselier et la lettre lue par Didier Le Corre au nom de 180 structures culturelles.
Renaud Muselier a annoncé une sanctuarisation du budget culturel pour l’année
2019. «Ainsi, grâce à nos augmentations successives, la part de notre budget Culture dans le budget global de notre collectivité n’a cessé de croître. Elle atteint aujourd’hui plus de 3 % contre une moyenne de 2 % pour les autres régions lorsque l’objectif de l’État est d’atteindre 1 %». Précise notamment: «L’effort choisi par notre majorité est d’autant plus important que nos recettes baissent inexorablement. Nous avons été privés de 400M€ de recettes depuis 4 ans».
«C’est à vous de nous aider, de nous aiguiller pour faire les meilleurs choix possibles»
Renaud Muselier en vient au deuxième engagement de campagne des élections régionales au sujet de la culture. «Nous avions pris l’engagement de bâtir la politique culturelle de notre institution avec vous, les artistes. C’est la raison d’être de la Conférence Permanente des Arts et de la Culture que nous avons mise en place avec Christian Estrosi. C’est à vous de nous aider, de nous aiguiller pour faire les meilleurs choix possibles». Il déclare avoir entendu, à Mougins, lors d’une première rencontre «vos demandes pour davantage de dialogue et moins de verticalité». Il affirme que son objectif, lors de cette journée, est d’écouter: Je ne vous ferai donc pas de grand discours aujourd’hui. Pas de grande envolée, ni d’annonce tonitruante. Ce temps viendra, au mois de Janvier, à l’occasion des vœux aux acteurs culturels que
j’organiserai à l’Hôtel de Région. Dans ce cadre, il s’est rendu dans les 4 ateliers thématiques qui ont eu lieu le matin pour écouter. Il lance à ce propos: «Nous travaillerons à toutes vos propositions plus en détail dans les semaines qui viennent». Mais, ajoute-t-il: «Je peux vous dire que j’ai d’ores et déjà été sensible à certaines de vos remarques et demandes. Notamment une, qui ressort de tous les ateliers, celle de voir la Région jouer son rôle de fédérateur et de coordinateur. Fédérateur des réseaux professionnels et des différents acteurs au sein de chaque filière, coordinateur entre les différents niveaux de collectivités territoriales, interlocuteur entre vos préoccupations professionnelles et l’État». Il indique avoir également entendu les demandes d’appui pour obtenir du mécénat. «Nous travaillons à un dispositif que je vous présenterai au mois de janvier lors de mes vœux». Il poursuit, en matière de patrimoine: «Notre enjeu commun est d’aider notre jeunesse à s’approprier l’ensemble des cultures qui font notre richesse patrimoniale».
«J’ai entendu vos inquiétudes concernant le retrait de la Région de la politique de la Ville»
Il en vient à l’atelier sur les arts vivants, «J’ai entendu vos inquiétudes concernant le retrait de la Région de la politique de la Ville. Ce choix, nous ne l’avons pas fait de gaieté de cœur. Nous sommes contraints de nous recentrer sur nos compétences et ces actions sont avant tout des actions de proximité qui, de par la loi NOTRe, relèvent de la compétence des Départements et surtout demain des Intercommunalités. J’ai conscience qu’aujourd’hui, le bouleversement institutionnel que vit notre pays avec la montée en puissance des Intercommunalités, et parfois la disparition annoncée des Départements, crée un vide. Ainsi, je suis prêt à accompagner cette phase transitoire et en aidant de façon momentanée les structures qui participent à cette diversité des publics». Il souhaite aussi «comme vous l’avez plusieurs fois exprimé, donner plus de lisibilité à notre action régionale car dans vos remarques, il me semble parfois que tous les dispositifs que nous proposons ne sont pas utilisés comme ils pourraient l’être. Je m’engage aussi à rendre public de façon claire et intelligible les financements octroyés par la Région».
«La Région s’engage ainsi à un délai de réponse et un délai de vote de subvention de 3 mois maximum»
Lors du Festival d’Avignon, Renaud Muselier indique avoir entendu les alertes concernant les dates de vote et les délais de paiement. «C’est pourquoi, j’ai souhaité faire évoluer pour 2019 une modification du règlement financier. La Région s’engage ainsi à un délai de réponse et un délai de vote de subvention de 3 mois maximum. Ce nouveau règlement financier a été voté le 19 octobre dernier et entrera en vigueur le 1er janvier 2019». Il constate que dans l’atelier sur les industries culturelles, la question de la structure des réseaux a été centrale ainsi que les questionnements sur les nouvelles pratiques et les nouvelles technologies: «au sujet du cinéma, je m’engage à réunir dès le début de l’année 2019, l’ensemble des acteurs de la filière pour lancer un grand chantier de restructuration de notre soutien». «Je vous affirme pleinement et définitivement, notre Région n’a pas changé de nom et elle n’en changera pas. Simplement personne ne peut me dire être satisfait de voir notre belle région se résumer à un vulgaire acronyme, Paca».
«La place occupée par la culture dans une société en dit beaucoup sur la manière dont elle aborde son destin»
S’il affiche sa volonté de poursuivre une politique culturelle ambitieuse c’est, parce qu’il juge que: «La place occupée par la culture dans une société en dit beaucoup sur la manière dont elle aborde son destin. La culture, c’est le reflet de notre humanité et de notre humanisme. Une société sans culture est une société sans avenir, ni espérance. Ni rêve, ni grandeur, voilà ce qui attendrait une société qui méprise ses artistes». «C’est la raison pour laquelle j’ai toujours refusé de sacrifier nos politiques culturelles sur l’autel de l’orthodoxie budgétaire» affirme-t-il car, «la culture ne peut pas être victime de la crise tout simplement car la culture est une des réponses à la crise. Certains estimeront sans doute que ça n’est pas assez. Ils ont raison. Nous aimerions pouvoir faire davantage. D’autres au contraire diront que 3 % de notre budget consacré à la politique culturelle, c’est beaucoup trop. Ils ont tort. Ils auront toujours tort».
«L’art alerte. Il interpelle. Il interroge»
Il en vient au rôle du politique en termes de culture: «Nous savons combien pour s’exprimer un artiste doit être libre. Bien sûr, l’art peut choquer et heurter les consciences. Il peut même déranger parfois mais c’est aussi une de ses fonctions. L’art alerte. Il interpelle. Il interroge. Il engendre la réflexion et bouleverse l’ordre établi. L’art c’est le mouvement ! Pour vous, pour nous, la liberté a un caractère sacré. Le caractère sacré de la liberté de création des artistes, c’est là la base de notre politique culturelle. Le rôle des élus n’est pas de définir ce qui est beau et ce qui est laid. Notre rôle c’est d’accompagner les artistes. De leur donner les moyens de créer et de s’exprimer».
Et d’évoquer les enjeux pour le secteur culturel en Provence-Alpes-Côte d’Azur qu’il juge immenses. «Ils dépassent même ces frontières. L’enjeu pour nous est culturel évidemment mais il est également social et sociétal. Une politique culturelle doit à la fois préserver notre patrimoine et nos mémoires tout en encourageant à l’innovation et à l’émergence. Nous devons tout faire pour préserver notre patrimoine régional. Matériel et immatériel. Je refuse d’ailleurs cette fausse opposition entre le patrimoine et le spectacle vivant. Comme si ce qui constitue aujourd’hui notre patrimoine, n’avait pas été hier, création».
Renouvellement des publics et transmission aux jeunes générations
Un dernier thème a également traversé tous les ateliers le matin, celui du renouvellement des publics et celui de la transmission aux jeunes générations : «Transmission de la mémoire mais pas seulement; transmission du goût d’aller aux spectacles, du goût d’être ouvert à tous les styles et à toutes les esthétiques. A un moment où nous ne connaissons pas encore les conséquences, pour ne pas dire les dégâts, de la culture Internet. C’est dans ce sens que nous avons imaginé notre dispositif e-Pass. Il n’est pas encore parfait mais nous cherchons à l’améliorer sans cesse avec vous». Tandis que Marc Ceccaldi, le directeur régional des affaires culturelles, insiste sur la notion d’éducation: «L’art se travaille très tôt» avant de considérer qu’il importe, plus que de créer de nouvelles structures, «de conforter l’existant».
«Nous avons besoin d’un dialogue en cohérence avec nos partenaires institutionnels»
Didier Le Corre entend le propos de Renaud Muselier, se félicite de voir qu’il apporte des réponses à des inquiétudes du monde de la culture et appelle «à travailler ensemble en confiance et pas à côté». Un représentant du Vélo Théâtre d’Apt ne se retrouve pas dans les débats de l’après-midi, va dans le même sens que Didier Le Corre: «Nous avons besoin d’un dialogue en cohérence avec nos partenaires institutionnels». Florian Laurençon, directeur général adjoint des services du Conseil régional en charge de l’éducation, de la culture, de la jeunesse et de la politique culturelle tient à expliquer: «Vous êtes sur des champs d’expérimentation différents. Ce qui vous rapproche c’est le public, l’idée était de recueillir des témoignages, d’être dans le concret». Didier Le Corre s’inscrit dans ce propos, souhaite que l’on étudie aussi les échecs: «pour, ensemble, dans les mois à venir, faire sauter les verrous, c’est le sens de notre appel. Pour donner un exemple qui ne concerne pas la Région, nous avons des artistes qui interviennent auprès de collégiens. Un établissement nous a dit ne pas pouvoir venir car il n’avait pas les moyens de se déplacer. Il existait pourtant un service intercommunal des transports mais comme les collèges dépendent du département il y a eu blocage. C’est ce genre de problème qu’il faut régler». Aux yeux de Raymond Vidil, armateur, président de l’association « MP culture » qui a porté MP 2018: «La culture n’est pas accessoire, le monde économique en est bien conscient et il n’y vient pas seulement dans une démarche de mécénat, même si le dispositif n’est pas assez utilisé. En ce qui me concerne mon entreprise est sur Marseille et je suis persuadé qu’elle ne pourra pas se développer si le territoire n’est pas fertile. Et, d’autre part, le monde économique est confronté à un défi considérable: celui de l’innovation. Cela peut faire peur et il en est pour convoquer cette peur tandis que d’autres, grâce à leur créativité, réduisent ces craintes». Il insiste enfin sur l’attractivité du territoire: «Nous devons éditorialiser et communiquer sur la proposition culturelle». Florian Laurençon de conclure en indiquant que l’acte de créer implique la prise de risque sur le plan économique «mais aussi de surprendre le public. Notre rôle est de partager les risques, c’est ce qui fait une politique culturelle».
Michel CAIRE