Publié le 26 novembre 2013 à 10h12 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h40
Michel Vauzelle, le président de la région Provence Alpes-Côte d’Azur, a ouvert à Marseille, ce 25 novembre, les 7e Assises nationales du développement durable. Puis de céder la parole à Annick Delhaye sa vice-présidente déléguée au développement soutenable, à l’environnement, à l’énergie et au climat avant une première réflexion sur « le développement durable, levier de sortie de crises ? », à savoir le thème de ces journées. Avec, comme question subsidiaire : « crise ou crises de quelles crise parlons-nous ? ».
Michel Vauzelle insiste en premier lieu sur l’importance de la région, « pour qu’il existe un espace harmonieux entre l’échelon que représente l’État et les Villes. De plus, c’est au niveau des territoires que l’on observe les bonnes pratiques en matière de développement durable ». Puis de dire son inquiétude « face à l’idéologie des mégapoles qui est contraire au développement durable ». Il signale l’importance du comité scientifique qui s’est mis en place à l’occasion de ces Assises : « Car il faut rassembler du savoir, analyser. Le conseil scientifique va fonder nos débats démocratiques sur des éléments scientifiques ». Selon le président : « La crise que nous traversons n’est pas seulement économique, financière, sociale, elle est aussi culturelle, environnementale et climatique. Il faut donc apporter des réponses d’ordre moral, d’ordre politique pour répondre aux problèmes des générations actuelles comme de celles à venir ». « Nous assistons à une professionnalisation nécessaire en matière de développement durable mais cela ne doit pas exclure le peuple car il existe une grande quête de participation de la population », prévient-il. Et de s’interroger : « N’a-t-on pas analysé la crise financière hors des questions relatives au développement durable alors que notre société de consommation produit des questions environnementales et développe les inégalités? Et les populations sont en butte aux puissances de l’argent mondialisées qui ferment les entreprises ».
« Le changement passera par la capacité de chacun à jouer son propre rôle, à assumer sa part de responsabilité »
Annick Delhaye poursuit : « Nous sommes convaincus que le développement soutenable est décisif; que les équilibres sociaux et économiques ne peuvent être restaurés que si l’on respecte l’environnement ; que l’on ne pourra réussir que si nous changeons de comportement ». Pour elle également « le changement passera par la capacité de chacun à jouer son propre rôle, à assumer sa part de responsabilité ».
Cynthia Fleury, sociologue, philosophe et psychanalyste, préside le conseil scientifique. Elle explique qu’une volonté interdisciplinaire s’est exprimée dans la constitution de ce dernier. « Nous avons un rôle d’alerte sur l’instrumentalisation de la crise économique pour faire disparaître la question écologique ». Le document met en avant le fait que « le développement durable a trois finalités intrinsèquement liées : assurer l’équité sociale, garantir un environnement de qualité et construire une économie respectueuse de l’homme et du vivant ».
Cynthia Fleury de lancer : « Nous appelons chacun à se mobiliser et à nous saisir de cette question. La société est à l’heure, elle est prête, elle a dépassé le simple niveau de la critique. Et il y a un vrai hiatus avec le politique. Les politiques ont changé de place dans la boucle de légitimation. Le rapport de force peut être initié par le privé et contraindre le politique à venir légitimer en fin de processus un projet pilote ».
Hervé Le Treut, membre de l’Académie des Sciences avance quelques chiffres pour expliquer comment la situation évolue : « Dans les années 60, 1 milliard de tonnes de carbone était rejeté chaque année, on a dépassé le seuil des 4 milliards dans les années 70, lors de la déclaration de Rio en 92 nous en étions à 6 milliards et aujourd’hui nous avons atteint les 10 milliards. Cela correspond à l’accroissement de la population ».
« Nous sommes dans un monde compliqué, lorsqu’on essaie d’apporter des réponses simples, on se trompe »
François Letourneux, le président du comité français de l’Union mondiale pour la nature considère : « Nous sommes dans un monde compliqué, lorsque l’on essaie d’apporter des réponses simples, on se trompe ». De plaider donc pour faire prendre en compte la complexité des dossiers, « et si on donne envie aux gens de s’intéresser à la biodiversité, alors on pourra avancer ».
Loïc Blondiaux, docteur en sciences politiques à l’IEP Paris cite Gandhi : « Ce que vous faites pour moi, sans moi, vous le faites contre moi ». Et d’ajouter « Nous savons que les démocraties sont mortelles et que les ennemis de la démocratie ne se sont jamais aussi bien portés ». Alors, fort de ces deux constats il juge : « Le développement durable et la démocratie seront sauvés ensemble ou périront ensemble ».
Aujourd’hui deux impératifs s’imposent : « Le premier est participatif, des objectifs doivent venir d’en bas, des citoyens eux-mêmes. Et puis il faut avancer en direction d’un idéal de démocratie délibérative qui est plus simple à mettre en place au niveau local. Mais on ne pourra pas se débarrasser du rôle des États ».
« Une transition s’impose, non pour des grands sentiments, mais pour des raisons totalement égoïstes »
Pour Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques : « Si nous sommes dans la panade aujourd’hui c’est que la crise actuelle est aussi écologique. Et une transition s’impose, non pour des grands sentiments, mais pour des raisons totalement égoïstes : l’Europe est la région du monde où il reste le moins de matières premières ». Et la France, en matière de changement est loin derrière l’Allemagne.
Pour Dominique Dron, chargée de la préparation du livre blanc sur le financement de la transition écologique, ancienne commissaire générale du développement durable, « sur une question telle que : quel monde pour demain ? Nous n’avons pas de récit moteur ou plutôt nous croyons à des discours contradictoires ». De plus, « tant que le rendement financier sera premier on ne pourra pas trouver de solution ». Ajoutant : « Si certains éléments du traité transatlantique passent, il y aura problème ».
Ronan Dantec de son côté considère : « Aujourd’hui, tout le monde est conscient qu’il y a une crise écologique » et d’espérer un accord à la conférence de l’ONU sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015, « avec des engagements verticaux des États car je ne crois pas au discours selon lequel la société civile, qui est plutôt organisée comme un lobby sectoriel, puisse sauver la nature contre les États ».
Michel CAIRE