Publié le 25 mars 2015 à 23h30 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h47
Le corps médical de l’ Assistance Publique Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a tenu une conférence de presse ce mercredi 25 mars pour exprimer son opposition à la deuxième mouture du contrat de retour à l’équilibre financier qui doit être présenté en avril. Une première mouture avait été rejeté en octobre dernier. Il dénonce un projet qui mettrait à mal les dimensions soins, enseignement et recherche du Centre Hospitalier Universitaire, pire, il ne ferait qu’aggraver la situation financière de l’AP-HM du fait d’une nouvelle réduction du nombre de lits (autour de 150). La réduction des effectifs, 500 personnes, est tout aussi «inacceptable» pour le corps médical qui considère travailler déjà en sous-effectif.
Le professeur Guy Moulin, Président de la Commission médicale d’établissement tient d’abord à préciser: «La position que nous allons exposer est celle de tous les chefs de pôle ainsi que de la faculté de médecine». Puis d’avancer : «L’AP-HM est le 3e CHU de France. Il est, depuis le début des années 2000, en réorganisation permanente ce qui témoigne de son dynamisme. De nombreux services ont fermé, de nombreuses activités ont été regroupées et nous sommes actuellement au milieu du gué». «En quelques années, précise-t-il, on a fermé entre 800 et 1 000 lits, une réduction de voilure qui répond aux nécessaires améliorations de notre plateau technique. On a réduit la voilure mais les problèmes logistiques et de fonctionnement restent les mêmes. Et nous restons, malgré les progrès, les efforts, avec un poids du fonctionnement qui est l’un des plus élevés, plus 30% par rapport aux autres structures. Il faut enfin savoir que le déficit de l’AP-HM serait de 37 millions, un déficit dû pour partie à une activité insuffisante, or, le nouveau contrat va réduire encore plus celle-ci».
«Ce contrat mettrait en danger la qualité des soins»
Le professeur Guy Moulin rappelle: «Nous avons réalisé un projet d’établissement qui a été salué par l’Igas (Inspection générale des affaires sociales), avec ce contrat, il serait impossible de le mettre en œuvre, et, de 3e CHU de France, nous chuterions à la 15e place». «Nous estimons que ce contrat mettrait en danger la qualité des soins», affirme-t-il.
Le Professeur Patrick Dessi représente le doyen Leonetti. Pour lui : «Il faut faire la distinction entre un CHU et un centre hospitalier ou une clinique privée. Bien sûr, nous partageons une mission de soins mais nous avons en plus une mission d’enseignement et une autre de recherche. Donc, vouloir comparer les dépenses revient à vouloir comparer un match de foot et un de rugby, en ignorant que les règles sont différentes. La recherche, l’enseignement, sont au cœur des CHU et, en continuant ainsi, on démobilisera ceux qui pourraient devenir professeur, sachant que l’on devient professeur à Bac +20 ou 22. Et aujourd’hui des gens se détournent».
Le professeur Moulin de reprendre: «Aujourd’hui des médecins ne se sentent pas bien car chaque fois qu’il y a besoin de compresses, de blouses, il faut se battre. Ce n’est pas possible de continuer de cette manière».
«l’État a soutenu l’AP-HM dans sa politique d’endettement»
Un professeur lance : «l’état de la Timone, de l’hôpital Nord, n’est pas à la hauteur des besoins. Il faudrait construire une nouvelle maternité. Alors, bien sûr qu’il y a de l’endettement mais, il était nécessaire pour améliorer les locaux. Et il est opportun de rappeler que l’État a soutenu l’AP-HM dans sa politique d’endettement».
Le docteur Collart va dans le même sens: «Le travail est fait correctement mais nous avons plusieurs locaux, parfois vétustes. Si nous avions moins de sites, et plus modernes, nous aurions moins de frais mais, cela n’est pas et tout le monde sait que cela ne sera pas. Alors, il est malhonnête de dire que Marseille ne doit pas être déficitaire, ce n’est pas possible. Et nous obtenons de bons résultats grâce à un investissement surhumain du personnel médical et paramédical. Les économies supplémentaires vont faire imploser le système».
Le professeur Michel Tsimaratos revient sur le projet médical. Et d’insister: «sur l’implication des médecins, des infirmières, des aide-soignantes, de tous les agents soignants ou non. Nous avons des personnels, y compris des médecins, qui s’arrêtent pour cause de burn-out. Et il faut être conscients que, si actuellement nous maintenons l’activité à l’identique c’est un exploit qui est à mettre à l’actif de tous les personnels. Avec ce contrat tout s’effondrerait». Le professeur Rossi vante à son tour la qualité des personnels «qui permet d’obtenir des résultats d’une qualité exceptionnelle». Le docteur Jean-Claude Samuelian, pour sa part, explique devoir déjà diminuer les prises en charge au centre de ressource autisme, faute de moyens, par manque de personnel et cela avant le nouveau contrat.
«On ferme des lits dont nous avons besoin»
«On nous demande, poursuit le professeur Moulin,un contrat de retour à l’équilibre financier, celui qui est proposé n’est pas acceptable car il s’appuie sur 2/3 d’économie et 1/3 de recettes. Le document vise donc 55 millions d’euros d’économie sur 3 ans et 30 millions d’euros de recette. Le problème c’est qu’on nous demande 40 millions d’économie sur le personnel. C’est énorme. C’est une nouvelle réduction de voilure majeure qui ne correspond pas aux besoins d’un CHU». De même, ajoute-t-il: «Les réorganisations prévues sur l’hôpital Nord avec la mise en place de plateaux techniques indifférenciés ne sont pas acceptables car incompatible avec, encore une fois, les exigences d’un CHU. Pas plus que la fermeture de 35 lits. On ferme des lits dont nous avons besoin». Il prévient «On privilégie la pharmacie ambulatoire mais l’Académie de médecine vient d’insister sur la nécessité d’évaluer ses effets avant de la généraliser ».
Concernant Sainte-Marguerite le projet prévoit le transfert de l’orthopédie à la Timone. «Si cela se traduisait par l’ouverture d’un bloc High Tech, pourquoi pas. Mais tel n’est pas le cas et, on supprime même l’équipe qui était en place. Alors, on fait des économies mais on va perdre beaucoup plus puisqu’il y aura moins d’opérations et, là encore, on tourne le dos à notre mission d’enseignement».
Le professeur Villani de dénoncer le fait que «ce contrat ait été élaboré sans concertation avec les médecins». Il interroge: «On veut réduire encore plus les effectifs. Quels effectifs ? Si quelqu’un sait comment on peut faire avec 4,5 femmes de ménages pour s’occuper de 25 lits 7 jours sur 7 qu’il vienne me le dire ».
«A Marseille, nous subissons la double peine. Nous avons moins de moyens qu’ailleurs et on nous impose des contraintes supplémentaires», conclura un médecin.
Michel CAIRE