Publié le 14 août 2016 à 10h28 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h33
Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des Evêques de France (CEF), invite les catholiques à prier pour la France lors de la fête de l’Assomption, le 15 août avant que les cloches des églises ne sonnent à la volée. Il en explique les raisons, revient sur les attentats et notamment sur un été marqué en France par l’attentat de Nice, l’assassinat du Père Hamel, à Saint-Étienne du Rouvray. Entretien.
Quel message entendez-vous transmettre à l’occasion du 15 août avec cet appel à une prière pour la France et pour que les cloches sonnent à midi ?
Cet appel a été lancé après l’assassinat du Père Hamel, à Saint-Étienne du Rouvray. Il s’agit d’une prière pour la France et pour la paix. Nous invitons toutes les communautés qui composent notre pays à dépasser les peurs, à s’unir, à vivre en fraternité. Comme cela a été le cas après l’assassinat du Père Hamel ou un pas a été franchi dans la symbolique de l’horreur. Des membres de Daech sont entrés dans un lieu de culte pour tuer un religieux, un vieil homme. A la suite de cette horreur, des sentiments divers nous ont habités. Nous savons bien pourtant que seule, la fraternité, chère à notre pays, est la voie qui conduit à une paix durable et il nous faut la bâtir ensemble. Je dois dire que des solidarités magnifiques se sont exprimées. Comme une réponse à la peur que certains veulent faire souffler chez nous, une peur dans laquelle d’autres vivent depuis des décennies. Alors, oui, les cloches sonneront comme elles le font pour les grands événements. Il s’agira aussi de lancer un autre message, celui de la Foi qui ne divise pas, n’exclue pas mais, au contraire, aide à traverser, à passer, et je parle de la Foi au pluriel. Cette Foi que j’ai pu voir en Irak tout comme à Calais. Calais où, des lieux de culte ont vu le jour, pour les chrétiens et les musulmans.
Des voix s’élèvent pour dénoncer le religieux, la Foi, que leur répondez-vous ?
Dans les moments critiques que nous vivons il ne faut pas se tromper d’adversaire. Il serait bon, en effet, de mesurer à quel point la Foi aide à vivre, se sociabiliser. La Foi ce n’est pas crier «Dieu est grand», tout en tuant. Cela, c’est l’ignorance, le lavage de cerveau. C’est l’aspiration à la fraternité qui est attaquée. Et je tiens à saluer les belles réactions de musulmans après ces attentats. J’avais eu l’occasion de dire à nos amis musulmans que nous avions besoin de les entendre condamner les attentats et je constate qu’ils sont de plus en plus nombreux à le faire. De même, il y a eu des initiatives remarquables avec des musulmans qui se sont rendus dans des églises, des chrétiens qui sont allés dans des mosquées. C’est cela qu’il faut faire, amplifier, dans la société, favoriser la rencontre de l’Autre car, lorsque tu le rencontres, tu n’as plus peur. Et, dans ce cadre, il est de la responsabilité de chacun d’entre nous, à l’intérieur de l’Église Catholique, de puiser dans les ressources de l’Évangile ce qui évite de tomber dans le racisme, le rejet de l’Autre. Je suis bien conscient que nous sommes à un tournant. Nous devons, si nous ne voulons pas tomber, faire un pas dans la fraternité entre nous tous qui sommes différents. Ceux qui veulent la Paix l’emporteront j’en suis persuadé. Mais le plus vite sera le mieux, pour éviter des souffrances, des morts… A ce propos je pense que les discours sont importants mais qu’ils ne suffisent plus, il faut poser des actes. Et il en existe de nombreux, je n’en citerai qu’un, à Marseille, en mai, un groupe islamo-chrétien a organisé une rencontre, 200 personnes y ont participé.
Cet été, il y a eu également les Journées Mondiales de la Jeunesse à Cracovie du 26 au 31 juillet, qu’en retenez-vous ?
Alors que nous avions à l’esprit l’assassinat du Père Hamel nous assistions à la cérémonie d’ouverture des JMJ à laquelle participait plus d’un million de jeunes, de 18 à 35 ans, venus quasiment de tous les pays du monde. Un moment très fort où l’humanité faisait famille. Nous avions le sentiment de vivre ensemble. Nous nous retrouvions pour des moments de prières, d’échanges. Il existait un sentiment de sérénité, de joie, de paix. Ce fut l’occasion de voir qu’un au-delà des conflits est possible. C’est un chemin à poursuivre et ses journées ont montré que les nouvelles générations étaient là pour poursuivre dans cette voie. D’autant que le Pape était là pour leur dire de ne pas croire ceux qui disent que rien ne peut changer, il les a interpellés, poussés à agir.
Propos recueillis par Michel CAIRE