Publié le 17 novembre 2015 à  21h36 - DerniÚre mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h44
Bernadette Leroy, criminologue – Expert en Intelligence Ăconomique et protection des entreprises, PrĂ©sidente de lâAssociation de criminologie du bassin mĂ©diterranĂ©en (ACBM) et PrĂ©sidente dâAESATIS, revient sur les attentats de Paris et les modes opĂ©ratoires utilisĂ©s en France par les terroristes.
La France est touchée pour la premiÚre fois par des attentats suicides sur son territoire. Que pensez-vous de ce mode opératoire et quel est selon vous le portrait de ces terroristes?
Ces terroristes sont de vĂ©ritables «bombes humaines». Ils utilisent des mĂ©thodes barbares et sans aucune limite. Ces groupes criminels sont gĂ©nĂ©ralement plus entraĂźnĂ©s et vont exĂ©cuter des actes de grande ampleur comme nous lâavons vu, il y a quelques jours. Ces passages Ă lâacte ont semĂ© la terreur dans lâopinion publique. Câest du terrorisme suicidaire qui est lâune des formes les plus agressives car, le terroriste nâa plus rien Ă perdre. MĂȘme sâil ne reprĂ©sente que 3% des attentats commis, les pertes humaines ont Ă©tĂ© trĂšs graves ces derniers jours. Le but Ă©tait de faire le plus de morts et de blessĂ©s possibles. Ils avaient une mission dont, lâissue Ă©tait connue Ă lâavance. Ils nâespĂ©raient pas survivre Ă cette attaque. Leur but Ă©tait de frapper fort et dâattirer lâattention. Pour les Ă©vĂ©nements de la semaine derniĂšre il est trop tĂŽt pour dĂ©finir le type de terroriste.
Ces nouveaux attentats posent la question des cellules dormantes prĂ©sentes Ă lâintĂ©rieur de notre territoire. Que pouvez-vous en dire ?
Je pense que l’on peut rĂ©ellement se demander si, câĂ©tait lâactivation dâune cellule dormante ou un groupement de personnes formĂ© pour cette mission. En effet, il faut avant tout rappeler ce que nous entendons par «cellules dormantes». Ce sont des agents formĂ©s de maniĂšre spĂ©cifique soit dans leur pays dâorigine, soit dans un camps dâentraĂźnement Ă©tranger. Il faut savoir que câest lâune des tactiques les plus insidieuses des terroristes. Ce sont des agents qui peuvent passer des annĂ©es sans commettre de passage Ă lâacte. Ils se fondent dans la masse, totalement intĂ©grĂ©s dans la sociĂ©tĂ© et qui gĂ©nĂ©ralement agissent sans Ă©veiller de soupçon. NĂ©anmoins, je pense quâil faut laisser plus de temps Ă lâenquĂȘte pour avancer sur le sujet. Il est trop tĂŽt pour le dire. Je pense quâil faut rester prudent dans lâanalyse des faits constatĂ©s.
Ces actes ne sont-ils pas symboliques ?
En effet, par ces attaques, les terroristes veulent nous faire peur. Ils veulent de la mĂȘme façon punir et remettre en cause le systĂšme Ă©tatique français et leurs dĂ©cisions; notre capacitĂ© Ă nous protĂ©ger. Je ne pense pas que ces attaques ont Ă©tĂ© opĂ©rĂ©es par hasard. Tout cela est, Ă mon sens, issu dâune stratĂ©gie bien ciblĂ©e et rĂ©flĂ©chie Ă lâavance. CâĂ©tait une opportunitĂ© pour eux de montrer quâils peuvent encore agir, intimider et porter la peur au plus grand nombre. Tout est assez symbolique dans ces attaques. Le choix du vendredi est tout dâabord symbolique. Câest un vendredi 13 et câest Ă©galement le vendredi, jour de priĂšre et de rassemblement des musulmans. Le match France – Allemagne avec la prĂ©sence de notre PrĂ©sident François Hollande, un concert de rock amĂ©ricain au Bataclan qui d’aprĂšs leur rĂ©cent communiquĂ© de revendication, des djihadistes seraient selon leurs termes «une fĂȘte de perversité». On peut trĂšs bien imaginer aussi que les attaques dans les terrasses de restaurant leur permettaient de faire diversion. Il est en effet possible que les terroristes aient voulu Ă©parpiller les forces de lâordre pour que leur autoritĂ© diminue. Se disperser pour mieux rĂ©gner, tel Ă©tait peut ĂȘtre leur mot dâordre. Ces actes terroristes, comme ceux de janvier, semblent de toute Ă©vidence sâinscrire dans cette immense spirale infernale du djihadisme international qui nous touche tous aujourdâhui.
Propos recueillis par la rédaction de DESTIMED