Attentats de Paris – Entretien avec la criminologue Bernadette Leroy

Publié le 17 novembre 2015 à  21h36 - DerniÚre mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h44

Bernadette Leroy, criminologue – Expert en Intelligence Économique et protection des entreprises, PrĂ©sidente de l’Association de criminologie du bassin mĂ©diterranĂ©en (ACBM) et PrĂ©sidente d’AESATIS, revient sur les attentats de Paris et les modes opĂ©ratoires utilisĂ©s en France par les terroristes.

Bernadette Leroy, criminologue - Expert en Intelligence Économique et protection des entreprises (Photo Philippe MaillĂ©)
Bernadette Leroy, criminologue – Expert en Intelligence Économique et protection des entreprises (Photo Philippe MaillĂ©)

La France est touchée pour la premiÚre fois par des attentats suicides sur son territoire. Que pensez-vous de ce mode opératoire et quel est selon vous le portrait de ces terroristes?
Ces terroristes sont de vĂ©ritables «bombes humaines». Ils utilisent des mĂ©thodes barbares et sans aucune limite. Ces groupes criminels sont gĂ©nĂ©ralement plus entraĂźnĂ©s et vont exĂ©cuter des actes de grande ampleur comme nous l’avons vu, il y a quelques jours. Ces passages Ă  l’acte ont semĂ© la terreur dans l’opinion publique. C’est du terrorisme suicidaire qui est l’une des formes les plus agressives car, le terroriste n’a plus rien Ă  perdre. MĂȘme s’il ne reprĂ©sente que 3% des attentats commis, les pertes humaines ont Ă©tĂ© trĂšs graves ces derniers jours. Le but Ă©tait de faire le plus de morts et de blessĂ©s possibles. Ils avaient une mission dont, l’issue Ă©tait connue Ă  l’avance. Ils n’espĂ©raient pas survivre Ă  cette attaque. Leur but Ă©tait de frapper fort et d’attirer l’attention. Pour les Ă©vĂ©nements de la semaine derniĂšre il est trop tĂŽt pour dĂ©finir le type de terroriste.

Ces nouveaux attentats posent la question des cellules dormantes prĂ©sentes Ă  l’intĂ©rieur de notre territoire. Que pouvez-vous en dire ?
Je pense que l’on peut rĂ©ellement se demander si, c’était l’activation d’une cellule dormante ou un groupement de personnes formĂ© pour cette mission. En effet, il faut avant tout rappeler ce que nous entendons par «cellules dormantes». Ce sont des agents formĂ©s de maniĂšre spĂ©cifique soit dans leur pays d’origine, soit dans un camps d’entraĂźnement Ă©tranger. Il faut savoir que c’est l’une des tactiques les plus insidieuses des terroristes. Ce sont des agents qui peuvent passer des annĂ©es sans commettre de passage Ă  l’acte. Ils se fondent dans la masse, totalement intĂ©grĂ©s dans la sociĂ©tĂ© et qui gĂ©nĂ©ralement agissent sans Ă©veiller de soupçon. NĂ©anmoins, je pense qu’il faut laisser plus de temps Ă  l’enquĂȘte pour avancer sur le sujet. Il est trop tĂŽt pour le dire. Je pense qu’il faut rester prudent dans l’analyse des faits constatĂ©s.

Ces actes ne sont-ils pas symboliques ?
En effet, par ces attaques, les terroristes veulent nous faire peur. Ils veulent de la mĂȘme façon punir et remettre en cause le systĂšme Ă©tatique français et leurs dĂ©cisions; notre capacitĂ© Ă  nous protĂ©ger. Je ne pense pas que ces attaques ont Ă©tĂ© opĂ©rĂ©es par hasard. Tout cela est, Ă  mon sens, issu d’une stratĂ©gie bien ciblĂ©e et rĂ©flĂ©chie Ă  l’avance. C’était une opportunitĂ© pour eux de montrer qu’ils peuvent encore agir, intimider et porter la peur au plus grand nombre. Tout est assez symbolique dans ces attaques. Le choix du vendredi est tout d’abord symbolique. C’est un vendredi 13 et c’est Ă©galement le vendredi, jour de priĂšre et de rassemblement des musulmans. Le match France – Allemagne avec la prĂ©sence de notre PrĂ©sident François Hollande, un concert de rock amĂ©ricain au Bataclan qui d’aprĂšs leur rĂ©cent communiquĂ© de revendication, des djihadistes seraient selon leurs termes «une fĂȘte de perversité». On peut trĂšs bien imaginer aussi que les attaques dans les terrasses de restaurant leur permettaient de faire diversion. Il est en effet possible que les terroristes aient voulu Ă©parpiller les forces de l’ordre pour que leur autoritĂ© diminue. Se disperser pour mieux rĂ©gner, tel Ă©tait peut ĂȘtre leur mot d’ordre. Ces actes terroristes, comme ceux de janvier, semblent de toute Ă©vidence s’inscrire dans cette immense spirale infernale du djihadisme international qui nous touche tous aujourd’hui.

Propos recueillis par la rédaction de DESTIMED

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