Publié le 7 décembre 2015 à 17h24 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h55
Entreprise du patrimoine vivant, la distillerie Manguin coule des jours paisibles entre deux bras du Rhône, sur cette île de riches terres alluvionnaires où les vergers de poiriers, chaque année au printemps, attirent une peu plus qu’ailleurs les rayons du soleil. Des centaines de poires Williams sont en effet mises «sous serre», une par une, dans des bouteilles, carafes, magnums solidement attachés le col en bas afin que la pluie ne puisse y pénétrer. Les fruits vont mûrir là jusqu’à l’été avant d’être recouverts de ce fameux alcool de poire Williams distillé à partir des autres fruits qui n’auront pas été choisis pour une captivité spectaculaire dans une prison de verre. Avec cette poire, Manguin a gagné ses lettres de noblesse.
C’est en 1957 que Claude Manguin, fils d’Henri, l’un des peintres fondateurs du fauvisme, décide de poser ses valises sur l’île dont une rive donne sur le Palais des Papes d’Avignon et l’autre sur la tour Philippe le Bel et les remparts de la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Il y créait la distillerie éponyme qui devenait vite célèbre avec sa «poire captive» et un alcool de qualité. Au fil des ans, la maison allait connaître une belle notoriété puis s’assoupir progressivement sur ses lauriers.
En 2011, Béatrice et Emmanuel Hanquiez devenaient propriétaires de l’établissement. L’ancien cadre de grands groupes agro-alimentaires et son épouse, mère de famille et professeur de shiatsu, voulaient changer d’horizon, voler de leurs propres ailes, mettre en pratique leurs bonnes idées. Possédant des attaches dans le pays du mont Ventoux, ils n’ont pas hésité une seconde à franchir le pas. «Nous avons appris que le distillerie Manguin était à vendre et nous avons eu un coup de foudre dès la première visite, se souvient Emmanuel Hanquiez. Plusieurs raisons ont motivé notre choix; ma femme est peintre et le lien de cette maison avec Henri Manguin est fort; de plus la nature des produits qui y sont élaborés, les spiritueux, est à la lisière du monde de la parfumerie. Puis, la technique à mettre en œuvre est simple. La valeur ajoutée ce sont les hommes et les femmes qui y travaillent qui l’apportent.» Avec l’entreprise, Les Hanquiez s’assuraient aussi des services de Philippe Manguin, petit-fils de Claude, qui, au-delà de son savoir-faire, constituait un lien fort entre le passé et l’avenir. «La maison était une belle endormie. Dès notre arrivée nous avons fixé deux axes de travail : le premier autour de la poire en améliorant la qualité de l’eau de vie et en innovant avec de nouveaux produits autour d’elle; le deuxième axe, c’est la diversification des spiritueux qui naissent ici.» Force est de reconnaître, aujourd’hui, que les objectifs sont atteints. Le chiffre d’affaires est passé de 430 000€ à 600 000€ en quatre ans et des marchés ont été gagnés ou reconquis ; ainsi Lavinia à Paris, Fauchon, le Wine Palace à Monaco, Berry Brothers à Londres distribuent Manguin. Puis Béatrice et Emmanuel Hanquiez ont mis un point d’honneur à positionner leurs produits dans le haut, voire le très haut de gamme. «Mon épouse a une sensibilité parfois imprévisible; c’est un atout indéniable. La liqueur de clémentines corses, c’est elle, la distillation d’olives aussi. De plus nous avons beaucoup travaillé sur le flaconnage. Nos réalisations sont des produits qui s’offrent et qui se gardent longtemps. Pour les abriter nous exigeons l’excellence.»
Dans le même temps, Emmanuel Hanquiez a resserré les relations avec les producteurs des fruits utilisés pour la distillation ou la macération; toujours dans cette quête d’extrême qualité. Et les travaux de rénovation menés à la distillerie vont dans le même sens. Aujourd’hui, si la maison est considérée comme l’une de celles qui produisent les plus belles eaux-de-vie en France, ce n’est pas pour rien. Mireille, la chaudière, et les trois alambics, Marius, César et Olive, ont encore de beaux jours à vivre devant eux. Quant à nous, nous frémissons déjà au plaisir de déguster une liqueur de clémentine de Corse pour Noël ; avec la pompe traditionnelle, ce doit être superbe. Avant d’attaquer le Caraxes, spiritueux né de l’union de la poire avec un vieux rhum, une pure merveille qui vient d’obtenir une médaille d’argent au concours de spiritueux de San Francisco…
Michel EGEA
Noël chez Manguin, c’est vendredi 18 et samedi 19 décembre de 10 heures à 18 heures à la distillerie. Idées cadeaux et Cocktails, dégustations de fêtes avec foie gras, chocolats. Distillerie Manguin: 784, chemin des poiriers, sur l’île de la Barthelasse à Avignon. Tél. 04 90 82 62 29 – manguin.com