Publié le 28 juillet 2023 à 17h44 - Dernière mise à jour le 3 août 2023 à 17h45
Le dramaturge Jacques Forgeas est un passeur de culture et d’émotion. Déjà sa pièce « L’adieu à la scène » évoquant la rencontre entre La Fontaine et Racine, au moment où ce dernier s’apprête à quitter l’écriture théâtrale pour devenir hagiographe du Roi, nous avait bouleversés lors de ses représentations avignonnaises. Avec « L’armoire à poésie », sa nouvelle création l’auteur creuse dans le même sillon humaniste et signe une pépite nourrie de passion pour le théâtre, la littérature et la transmission.
Un bijou que cette comédie poétique qui nous surprend et nous emporte dans un monde nourri de Vigny, Rimbaud, Baudelaire, Lautréamont et tous ces auteurs qui ont rêvé le monde non pas tel qu’il est mais tel qu’il devrait être. Au départ il semble que nous soyons projetés dans une sorte de thriller. Lucas (magique Baptiste Caillaud), et Jennifer (lumineuse Chloé Stéfani) investissent par effraction l’appartement de Madame Armand (impressionnante Véronique Boulanger), professeur de français à la retraite dont ils furent les élèves, et l’accusent d’être responsable de leur échec professionnel.
Un « Cléo de 5 à 7 » strictement poétique
En effet, en animant un club de poésie facultatif tous les jeudis de 17h à 19h -un « Cléo de 5 à 7 » strictement artistique- elle leur a vendu disent-ils : « Du rêve, un autre regard sur la vie et des illusions éloignées de la réalité économique actuelle. » Ces deux-là viennent de fait instruire le procès de leur ancienne enseignante. Très vite de suspense juridique, nous voilà projetés dans une comédie gorgée de passion d’autrui, du droit à l’élévation de l’âme par l’éducation culturelle, du respect d’autrui, et de l’esprit de résilience.
Peu à peu, se dessinent le portrait de trois rêveurs d’un monde où la beauté l’emporterait sur la bassesse et le mépris de ses semblables. De trois utopistes de la grandeur d’être qui se lèvent la nuit pour regarder les étoiles et se disent en les contemplant que le monde dans lequel ils se déploient qui « palpite là comme une petite bête » pour reprendre le poème célèbre est à tomber par terre d’émotion. On est d’autant plus touchés à l’âme et au cœur que, répétons-le, les trois interprètes effectuent une prestation habitée, et lumineuse. Ils ne jouent pas pour passer le temps. Ils semblent nous dire que monter sur les planches ou défendre la poésie demeure une activité essentielle où l’on doit se donner corps et âme et à livres que veux-tu…. Du théâtre qui rend heureux et qui lance des ponts entre le réel et l’armoire de nos rêves intérieurs.
Jean-Rémi BARLAND
L’armoire à poésie A L’Oriflamme – 3-5, rue du portail Matheron. Avignon jusqu’au 29 juillet à 11h30 – Plein tarif 22€. Tarif réduit : 15 et 12€.
Réservations : 04 88 61 17 75 – plus d’info : loriflamme-avignon.fr