Publié le 16 janvier 2015 à 22h53 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h36
En juillet 2012, au Grand Théâtre de Provence, Bejun Mehta incarnait «the boy» pour la création de «Writen on skin». Il était ainsi l’une des pièces maîtresse de l’œuvre de George Benjamin entrée, dès sa première représentation, au grand répertoire de l’art lyrique contemporain. On se souvient de sa prestation dans un rôle éprouvant, physiquement et vocalement, et de l’énorme triomphe venu la saluer. Deux ans et demi plus tard, jeudi soir, le contre-ténor retrouvait cette salle aixoise emplie, pour lui, d’ondes positives et de bons souvenirs, pour un récital consacré aux compositeurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Pour l’accompagner, les musiciens de l’un des fleurons de la musique de chambre baroque étaient à ses côtés, ceux de l’Akamus, Akademie für Alte Musik Berlin sous la direction du premier violon, Bernhard Forck.
D’entrée de jeu, l’orchestre se mettait en évidence en offrant une symphonie n° 26 de Mozart généreuse et juvénile, colorée et chaleureuse. Superbes vents, cuivres assurés (et dieu sait combien il est ardu de jouer ces instruments baroques) continuo très présent et cordes précises. Dix minutes et des poussières de grand bonheur pour entrer de façon magistrale dans un programme qui allait nous réserver bien d’autres grands moments. A commencer par les airs empruntés aux opéra de « Wolfy » «Ascanio in Alba» et «Mitridate». Bejun Mehta entre dans ces partitions de façon impressionnante. Sans aucune hésitation la voix s’impose, directe, lumineuse, harmonieuse. On cherchera en vain une faille dans ce travail d’autant plus ardu que cette tessiture impose la maîtrise d’une technique nécessitant une attention de tous les instants. Cette concentration indispensable n’affecte en rien les qualités d’expression du contre-ténor qui joue littéralement avec ses cordes vocales pour se promener à tous les étages de cette tessiture.
Cette aisance et cette musicalité vont encore être mises en avant dans une seconde partie consacrée à des œuvres de Bach, Jean-Chrétien, pas Jean-Sébastien ni Carl Philipp Emanuel, de Gluck et Hasse. Bejun Mehta portera la même attention aux airs de ces trois compositeurs qu’à ceux de Mozart; en vivant même un peu plus la musique de façon démonstrative mais sans jamais tomber dans la trivialité. Au son très léché de l’orchestre, Bejun Mehta associe celui très pur de sa voix. Le résultat est à la hauteur des qualités individuelles de chacun des artisans de cette soirée: immense. Il fallait y être…
Michel EGEA