Billet d’humeur : un peu d’indulgence messieurs les gendarmes

Publié le 30 juillet 2023 à  20h00 - Dernière mise à  jour le 3 août 2023 à  11h32

Dans la Gineste à vélo…

Destimed Velo
Marseille-Cassis à Vélo- possible détournement de vélo (Photo archives Destimed)

Depuis quelques jours la Gineste est le paradis des cyclistes. Un effondrement de la partie droite de la chaussée, en allant sur Cassis, interdit aux voitures de circuler dans les deux sens. Génial, on peut profiter de la petite reine sans risquer d’être accroché par une automobile ou un camion. Le paradis je vous dis.

10 kilomètres sans voiture, le pied

Ce dimanche matin, comme nombre de cyclistes, j’ai donc emprunté la route de la Gineste qui est uniquement fermée, sur le côté endommagé, par un bloc de béton. Bien sûr il y a un sens interdit comme il y a des barrières pour éloigner les véhicules des calanques mais on laisse passer les vélos. Les coureurs circulent et s’en donnent donc à cœur joie. On peut couper les virages sans risque. Rouler tête baissée et fendre l’air dans la descente vers Cassis sans percuter une voiture qui a la mauvaise idée de doubler alors que vous arrivez à fond.

Cela donne des ailes

Cette liberté retrouvée me met en appétit, exit la gare de Cassis pour un retour vers Marseille. Cap vers Roquefort-la-Bedoule. Je suis en jambe et près à avaler d’un trait les ascensions. Malheureusement je déchante vite, plus de virage coupé, il faut se tenir à carreau, les voitures se succèdent. Voilà deux kilomètres j’avais l’impression de voler, là je peine et remonte les pignons pour arriver à Roquefort. Micro pause pour faire le plein d’eau à la fontaine de la commune et c’est reparti. J’ai hâte de retrouver ma Gineste et ma liberté. Passage par la gare de Cassis et dans un kilomètre je serai seul au monde. J’attaque la montée vers Marseille sans difficulté malgré un vent défavorable. Un duo, très en forme, me double malgré tout, je m’accroche au wagon et les suis. Je voooole. Nous approchons du camp de Carpiagne.

« Vous faites demi-tour ! »

Au loin on devine bien quelques cyclistes arrêtés devant la maréchaussée. Je pense qu’ils se sont arrêtés et discutent par sympathie. Mais alors qu’on approche on entend des voix courroucées, des mines dépitées. « Vous n’allez quand même pas nous faire faire 2h30 de vélo en plus » s’écrie l’un. « Vos collègues nous ont laissé passer à l’aller et vous vous décidez de l’inverse. Il fallait nous interdire l’accès en venant », ajoute un autre, plein de bon sens. Mais le chef gendarme n’en démord pas visiblement ce que fait l’un, l’autre peut l’annuler c’est comme une loi en fait : « C’est interdit, c’est interdit, point. Pour les vélos c’est pareil. Vous faites demi-tour ». « Mais vos collègues… ». Celui-ci est interrompu par le gendarme : « Il y a un sens interdit, j’applique la loi. C’est dangereux, il y a eu un effondrement ». « Mais c’est dans l’autre sens, quand on venait, là la route n’a rien », tente de raisonner un cycliste. Mais, devant un mur impossible d’obtenir gain de cause.
J’ai failli mourir trois fois

Je suis un peu perdu, l’autoroute n’est pas conseillée à vélo… alors je demande le chemin pour revenir à Marseille. « Il va falloir se taper la côte de Carnoux puis Aubagne et Saint-loup. On en prend pour deux heures et j’ai toute la famille à déjeuner. J’ai vraiment les boules », tonne mon informateur. Je ne connais absolument pas ce parcours mais je vais vite comprendre la douleur pour mes mollets et surtout les risques. On attaque un espace inconnu, la montée de Carnoux.

A deux reprises des voitures me frôlent et je manque d’accrocher leur rétroviseur avec mon guidon. L’ascension est interminable. J’appuie sur les pédales pour rester bien en ligne mais j’ai déjà la Gineste dans les jambes puis le retour jusqu’au barrage de gendarmerie sans compter le hors d’œuvre de Roquefort-la-Bedoule. J’arrive dans Carnoux au milieu des véhicules, négocie au mieux le rond-point mais je dois piler car un automobiliste fait fi du respect du céder-le-passage. Cap vers Aubagne avec toujours des véhicules qui vous font dévier de votre trajectoire en vous dépassant à vive allure. Je quitte la ville pour me retrouver en parallèle avec la voie ferrée et l’autoroute. La route, jalonnée d’industries, est en partie défoncée et je dois éviter de glisser mon boyau dans les fissures du bitume. Par chance nous sommes dimanche et les poids lourds ne circulent pas sinon je n’en serais pas sorti vivant.

Pris en sandwich

Je franchis enfin le pont de l’autoroute, direction Saint-Marcel. J’arrive au rond-point des 3 Palmes. Une voiture arrive à ma hauteur à droite puis une autre à gauche. Je vais être la tranche de jambon écrasée entre deux morceaux de pain… Je freine à fond et manque de partir en dérapage. Me voilà en direction de Saint-Marcel puis la Pomme et le fameux carrefour pour accéder au Bus (le boulevard urbain sud). Je suis une fourmi au milieu du flot de véhicules mais je m’en sors. Arrive la piste cyclable du Bus. Ouf presque sauvé. Mazargues est en vue. Suis épuisé et en colère. J’ai risqué plusieurs fois ma peau sur cette route d’enfer. Mes compagnons de galère aussi.

La chute

J’arrive enfin devant mon immeuble, direction le garage pour ranger le vélo. Je déclipse une chaussure j’appuie sur le bip. La porte s’ouvre. Épuisé, j’oublie d’enlever l’autre chaussure de la cale. C’est la chute. Mon genou saigne, le poignet a souffert et la main porte les stigmates du vulgaire goudron qui entoure notre immeuble.

Moralité il est des jours où il ne faudrait pas se lever ou ne pas rencontrer une maréchaussée qui vous fait prendre dix fois plus de risques en vous faisant faire demi-tour qu’en vous laissant passer.
Joël BARCY

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